Représentation du discours interne par des neurones individuels dans le gyrus supramarginal humain

« Représentation du langage intérieur par des neurones individuels dans le gyrus supramarginal humain » - Rapport Scientifique

Introduction du contexte

Ces dernières années, les technologies d’interface cerveau-machine (BMI, Brain-Machine Interfaces) ont fait des progrès significatifs dans le domaine du décodage vocal. Les BMI permettent à ceux qui ont perdu leur capacité à parler en raison d’une maladie ou d’une blessure de communiquer à nouveau en transformant les signaux du cerveau en expressions vocales ou sonores. Cependant, bien qu’il y ait eu des avancées importantes en matière de décodage de la parole audible, de tentatives de parole et de parole simulée, les recherches sur le décodage du langage intérieur (internal speech) sont relativement rares et offrent des performances plus faibles. Cet article vise à relever les défis du décodage du discours interne, en particulier à identifier les régions cérébrales à partir desquelles ce type de discours peut être décodé. L’accent a été mis sur les signaux neuronaux situés dans le gyrus supramarginal (Supramarginal Gyrus, SMG) et le cortex somatosensoriel primaire (S1).

Source de l’article

Cette étude a été menée par Sarah K. Wandelt, David A. Bjånes, Kelsie Pejsa, Brian Lee, Charles Liu et Richard A. Andersen, qui sont tous affiliés à l’Institut de Technologie de Californie, au Rancho Los Amigos National Rehabilitation Center et à la Keck School de médecine de l’USC. L’article a été publié dans « Nature Human Behaviour » en juin 2024, l’identifiant DOI est le suivant : https://doi.org/10.1038/s41562-024-01867-y.

Détails de l’étude

a) Méthodologie de recherche

La recherche comprend les étapes clés suivantes :

  1. Sélection des sujets et implantation de l’appareil : Deux participants atteints de tétraplégie ont été inclus, et chacun d’eux a reçu une matrice de micro-électrodes implantée dans le SMG et le S1.

  2. Conception de la tâche : Les deux participants ont dû effectuer des tâches de langage intérieur et de parole audible, qui comprenaient six mots et deux pseudo-mots. La tâche comprenait six étapes : intervalle inter-essai (ITI), phase d’indication, premier délai (D1), phase de langage intérieur, deuxième délai (D2) et phase de parole audible. Les mots ont été présentés par des indications auditives ou écrites, et les participants ont du les prononcer soit à voix haute, soit intérieurement, à différents stades.

  3. Collecte et analyse des données : L’activité neuronale de SMG et S1 a été enregistrée à l’aide de la matrice de micro-électrodes, et des algorithmes tels que la régression linéaire et l’arbre de décision ont été utilisés pour analyser et catégoriser les données. Plusieurs algorithmes ont été privilégiés pour le processus de décodage, comme l’analyse en composantes principales (PCA) et l’analyse discriminante linéaire (LDA).

b) Principaux résultats

  1. Performances neuronales : Au niveau des neurones individuels et des groupes de neurones du SMG, une activité neuronale considérable a été constatée pour le langage intérieur et la parole audible. Il est possible de décode significativement les mots prononcés à voix haute et intérieurement à partir de l’activité enregistrée au niveau des groupes.

  2. Précision du décodage : Dans les analyses hors ligne, les taux de précision moyens du décodage du langage intérieur des participants étaient de 55% et 24% (niveau aléatoire de 12,5%), tandis que dans les tâches BMI de langage intérieur en ligne, les taux de précision étaient de 79% et 23%.

  3. Représentation neuronale partagée : Chez le premier participant, une représentation neuronale partagée a été trouvée entre le langage intérieur, la lecture des mots et la parole audible. Le SMG est capable de représenter non seulement les mots, mais aussi les pseudo-mots, fournissant ainsi des preuves de codage vocal.

  4. Relation du S1 avec le langage intérieur et audible : Chez les deux participants, l’activité du S1 a changé uniquement pendant le processus de parole audible, ce qui indique qu’il n’y a pas eu de mouvement buccal lors de la production du langage intérieur.

c) Conclusion et valeur

L’étude montre que le SMG peut être considéré comme une région cérébrale potentielle pour le décodage à haute performance du langage intérieur par BMI. La valeur scientifique de cette recherche réside dans la mise en évidence du rôle clé du SMG dans le décodage du langage intérieur et parlé, offrant une nouvelle perspective pour les futurs systèmes de BMI vocale. Sur le plan de l’applicabilité, cette découverte pourrait fournir un support technique pour la restauration de la capacité à communiquer chez les patients incapables de parler, ce qui revêt une importance considérable en clinique.

d) Faits marquants de l’étude

  1. Décodeur haute performance pour le langage intérieur : Il s’agit de la première preuve d’un décodage à haute performance du langage intérieur dans le SMG, avec une précision de décodage en ligne atteignant 79%.

  2. Représentation neuronale partagée : Cette étude révèle une représentation neuronale partagée entre le langage intérieur, la lecture de mots et la parole audible, soulignant le rôle central du SMG dans différents processus de traitement du langage.

  3. Encodage indépendant du langage intérieur et du langage audible : Le rôle du S1 dans le décodage de la parole audible a été confirmé, mais il ne participe pas au processus de langage intérieur.

Autres informations utiles

  1. Décodabilité des différentes stratégies de langage intérieur : Chez le participant 1, des niveaux élevés de décodage ont été atteints en utilisant des stratégies d’imagination auditive et visuelle, ce qui indique que le BMI de langage intérieur peut s’adapter à différentes stratégies de langage intérieur.

  2. Encodage de pseudomots : L’étude a révélé que le SMG est capable de représenter efficacement les pseudomots, fournissant des preuves du rôle du SMG dans l’encodage vocal.

  3. Modèle de décodage flexible : Le modèle de décodage utilisé par l’étude a montré une haute précision dans différentes phases de la tâche et types d’indication, démontrant la robustesse et l’adaptabilité du modèle.

Conclusion

Cette étude est une avancée majeure dans le domaine du BMI pour le langage intérieur, prouvant la faisabilité et la haute précision du décodage du langage intérieur à partir du SMG. La recherche a servi non seulement à dévoiler le potentiel du SMG dans le décodage du langage intérieur, mais aussi à valider son rôle central dans divers processus de traitement du langage. Cette découverte a une grande importance scientifique et fournit également de nouvelles perspectives cliniques, offrant un nouvel espoir pour ceux qui ont perdu leur capacité à parler.