Des cellules CAR T bivalentes par voie intrathécale ciblant EGFR et IL13Rα2 dans le glioblastome récurrent : résultats intérimaires de l'essai de phase 1
Efficacité des cellules CAR-T bivalentes ciblant l’EGFR et l’IL13Rα2 dans le traitement du glioblastome récurrent
Ces dernières années, le traitement du glioblastome récurrent (RGBM) a été continuellement exploré et amélioré, mais le taux de survie global reste inférieur à un an, et le traitement continue de faire face à de grands défis. Les limitations des méthodes de traitement existantes et la complexité du glioblastome récurrent poussent les scientifiques à explorer différentes méthodes de traitement. Cet article rapporte les résultats intermédiaires d’un essai clinique publiés dans la revue Nature Medicine, principalement axé sur l’application de la thérapie par cellules CAR (récepteur antigénique chimérique) ciblant à la fois l’EGFR et l’IL13Rα2 chez les patients atteints de glioblastome récurrent.
Contexte et motivation de l’étude
Le glioblastome récurrent est une tumeur cérébrale hautement maligne, pour laquelle les radiothérapies et chimiothérapies classiques présentent une efficacité limitée dans les cas de récidive. À ce jour, il n’existe aucun traitement standardisé. Par conséquent, le développement de méthodes de traitement plus efficaces est devenu un objectif majeur de la recherche médicale. La thérapie par cellules CAR-T a montré des effets significatifs dans divers cancers hématologiques, mais l’application de cette technologie aux tumeurs solides, en particulier aux tumeurs cérébrales, reste un défi urgent pour la communauté scientifique.
Origine de l’étude et informations sur les auteurs
Cette étude a été publiée le 13 mars 2024 dans la revue Nature Medicine. L’équipe de recherche est composée de Stephen J. Bagley, Meghan Logun, Joseph A. Fraietta, et d’autres chercheurs provenant de différents départements de l’École de médecine Pérélman de l’Université de Pennsylvanie. L’essai clinique a été financé par Kite Pharma, une société affiliée de Gilead, et est enregistré sous le numéro NCT05168423.
Méthodes et processus de l’étude
Cette recherche est un essai clinique de phase I, mono-centrique et à étiquetage ouvert, qui inclut des patients âgés de plus de 18 ans et atteints de glioblastome récurrent. Les patients doivent avoir subi une radiothérapie antérieure avec récidive confirmée et une amplification d’EGFR dans les tissus tumoraux détectée par hybridation in situ en fluorescence (FISH). L’article décrit en détail les aspects suivants :
1. Conception de l’étude et sélection des patients
Les patients sont répartis en trois groupes de doses, chacun recevant respectivement 1×10^7, 2.5×10^7 ou 5×10^7 cellules CAR-T. Un réservoir d’Ommaya est implanté par chirurgie intracrânienne, et les cellules CAR-T sont injectées directement dans le liquide céphalorachidien par ponction lombaire. Le point final principal de l’étude est d’évaluer la sécurité des cellules CAR-T, notamment la survenue de toxicité limitant la dose (DLT) et la détermination de la dose tolérable. Les points finaux secondaires incluent la fréquence d’échec de fabrication et le taux de réponse objective en imagerie (ORR).
2. Traitement des patients et évaluation
Pendant le processus de fabrication cellulaire, les patients doivent avoir suffisamment de leucocytes pour extraire les cellules T pour la transduction génique. L’expression des récepteurs CAR est détectée par cytométrie en flux, identification des marqueurs CD3, CD45 et séquençage des acides aminés terminaux. Les patients subissent d’abord une excision maximale sécurisée de la tumeur et une confirmation de l’état d’amplification d’EGFR des tissus de récidive, puis l’injection de cellules CAR-T. Chaque patient est surveillé pendant au moins 7 jours.
3. Effets indésirables et sécurité
Les résultats montrent que les six patients ont présenté des neurotoxicités modérées à sévères précoces après traitement, comme le syndrome de neurotoxicité associé aux cellules effectrices immunitaires (ICANS), cohérent avec une neurotoxicité liée à l’inflammation tumorale. Certains patients ont nécessité une association de dexaméthasone à haute dose et d’anakinra. Seul un patient dans le groupe à haute dose (2.5×10^7 cellules) a présenté une toxicité de grade 3, incluant anorexie, faiblesse musculaire généralisée et fatigue, mais aucune toxicité de grade 4 ou 5 n’a été observée.
4. Évaluation préliminaire de l’efficacité
Lors des scanners IRM, tous les patients ont montré des signes de réduction tumorale tôt après traitement, mais sans atteindre une réponse objective en imagerie (réduction du volume tumoral ≥50% maintenue pendant au moins 4 semaines). Trois patients sur six ont cependant montré une réduction du volume tumoral d’au moins 30%, et trois patients avec un suivi de plus de deux mois ont maintenu une stabilité de la maladie, excluant ainsi une réponse pseudoprogressive.
5. Expression ciblée de la tumeur, pharmacocinétique et analyse des cytokines
Par immunofluorescence, les tissus tumoraux prétraités, le sang périphérique et le liquide céphalorachidien sont collectés périodiquement avant et après l’injection de cellules CAR-T, et diverses cytokines (comme l’IFNγ, l’IL-2, le TNFα et l’IL-6) sont détectées pour évaluer l’amplification et la migration des cellules CAR-T dans le liquide céphalorachidien et le sang périphérique.
Résultats et discussion
Les données préliminaires indiquent que cette thérapie par cellules CAR-T montre une bonne sécurité et bioactivité dans le traitement du glioblastome récurrent. Bien que l’échantillon soit de petite taille et que le suivi soit court, l’étude montre un certain potentiel de contrôle de la maladie, spécialement dans la réponse précoce aux lésions multifocales. Une diminution de la charge tumorale a été observée entre 24 et 48 heures, avec des changements significatifs des niveaux de cytokines, conforme à l’activation des cellules CAR-T et à la réponse anti-tumorale.
Importance de l’étude
Cette étude démontre le potentiel de la thérapie par cellules CAR-T bivalentes dans le traitement du glioblastome récurrent. Malgré les défis, grâce à un design complexe de cibles et à l’utilisation de technologies avancées de transduction génique, cette thérapie pourrait transformer le paysage thérapeutique actuel. Dans de futures recherches, il sera essentiel d’optimiser les doses et les protocoles de traitement pour obtenir des effets anti-tumoraux plus durables et stables.
Perspectives d’avenir
L’étape suivante pour l’équipe de recherche est d’élargir la taille de l’échantillon pour valider davantage l’efficacité préliminaire et de mener des recherches supplémentaires, telles que le séquençage unicellulaire, l’analyse fonctionnelle des cellules et l’examen du microenvironnement immunitaire, pour mieux comprendre les mécanismes d’action et les effets à long terme des cellules CAR-T in vivo. Par conséquent, cette recherche apporte non seulement un nouvel espoir pour le traitement du glioblastome récurrent, mais pose également les bases pour essayer de nouvelles thérapies immunocellulaires.