Les macrophages sont activés pour la clairance phagocytaire des cellules lymphomateuses par inhibition de la voie des pentoses phosphates

Contexte académique

Le microenvironnement tumoral (TME) est un domaine important dans la recherche sur le cancer, où les cellules tumorales interagissent avec les cellules non tumorales environnantes pour influencer la progression de la maladie et la réponse au traitement. Les macrophages associés aux tumeurs (TAMs) jouent un rôle clé dans la croissance tumorale, l’angiogenèse et l’immunosuppression. Ces dernières années, le rôle de la régulation métabolique dans la fonction des macrophages a attiré l’attention, en particulier l’impact du métabolisme du glucose et mitochondrial sur la polarisation et l’activité des macrophages. Cependant, la fonction de la voie des pentoses phosphates (PPP) dans les TAMs et son influence sur la régulation immunitaire n’ont pas été suffisamment étudiées.

Cette étude, menée par Anna C. Beielstein et ses collègues, vise à explorer l’impact de l’inhibition de la PPP sur la capacité des macrophages à phagocyter les cellules lymphomateuses et à révéler les mécanismes métaboliques et immunorégulateurs sous-jacents. L’équipe de recherche provient de plusieurs institutions, notamment l’hôpital universitaire de Cologne et le cluster d’excellence pour les réponses au stress cellulaire (CECAD) de l’université de Cologne. Les résultats ont été publiés le 17 décembre 2024 dans la revue Cell Reports Medicine.

Processus de recherche et conception expérimentale

1. Screening d’inhibition métabolique

L’étude a commencé par un screening d’inhibition métabolique pour évaluer l’impact de différentes voies métaboliques sur la capacité des macrophages à phagocyter les cellules lymphomateuses. Les expériences ont utilisé divers inhibiteurs métaboliques, notamment un inhibiteur de la glycolyse (2-désoxy-D-glucose), un inhibiteur de l’AMPK (BML-275), un inhibiteur de la production d’ATP mitochondrial (oligomycine) et des inhibiteurs de la PPP (6-aminonicotinamide et oxythiamine). La phagocytose dépendante des anticorps (ADCP) a été utilisée pour évaluer la capacité de phagocytose des macrophages dans des conditions d’inhibition métabolique.

2. Validation de l’inhibition de la PPP

Pour valider davantage l’impact de l’inhibition de la PPP sur la fonction des macrophages, l’équipe a utilisé plusieurs inhibiteurs de la PPP (comme la physcion et l’acide p-hydroxyphenylpyruvique) et a répété les expériences de phagocytose sur la lignée de cellules monocytaires humaines THP1. De plus, des expériences ADCP ont été réalisées dans des conditions hypoxiques pour simuler l’état physiologique du microenvironnement tumoral.

3. Analyse de la polarisation et de l’activité métabolique des macrophages

À l’aide de la cytométrie en flux et de la microscopie à fluorescence, l’équipe a évalué l’impact de l’inhibition de la PPP sur la polarisation et la morphologie des macrophages. Parallèlement, l’analyse métabolique avec le test de stress mitochondrial Seahorse a révélé que l’inhibition de la PPP augmentait significativement l’activité métabolique des macrophages.

4. Analyse multi-omiques

Pour élucider les mécanismes moléculaires sous-jacents à l’impact de l’inhibition de la PPP sur la fonction des macrophages, l’équipe a réalisé des analyses protéomiques, phosphoprotéomiques et métabolomiques. Les résultats ont montré que l’inhibition de la PPP induisait une polarisation pro-inflammatoire des macrophages et modifiait significativement l’expression des protéines impliquées dans la régulation immunitaire.

5. Expériences in vivo

L’équipe a validé les effets de l’inhibition de la PPP dans un modèle murin. En utilisant l’inhibiteur de la PPP S3, il a été démontré que l’inhibition de la PPP augmentait significativement la survie des souris et améliorait la capacité des macrophages à phagocyter les cellules lymphomateuses.

Principaux résultats

  1. L’inhibition de la PPP améliore la capacité de phagocytose des macrophages : L’étude a révélé que l’inhibition de la PPP augmentait significativement la capacité des macrophages à phagocyter les cellules lymphomateuses, en particulier dans les expériences ADCP.

  2. L’inhibition de la PPP modifie la polarisation des macrophages : L’inhibition de la PPP a induit une polarisation pro-inflammatoire (de type M1) des macrophages, réduisant l’expression des marqueurs associés aux macrophages anti-inflammatoires (de type M2) et aux TAMs.

  3. L’inhibition de la PPP influence la régulation immunitaire via le métabolisme : L’étude a montré que l’inhibition de la PPP modulait le métabolisme du glycogène et l’axe UDPG-STAT1-IRG1-itaconate, affectant ainsi la fonction immunorégulatrice des macrophages. L’inhibition de la PPP a entraîné une diminution des niveaux de glycogène, inhibant l’activité de STAT1 et réduisant l’expression du gène immunosuppresseur IRG1, ce qui a finalement amélioré la capacité de phagocytose des macrophages.

  4. L’inhibition de la PPP améliore l’efficacité antitumorale in vivo : Dans un modèle murin, l’inhibiteur de la PPP S3 a significativement prolongé la survie des souris et amélioré la capacité des macrophages à phagocyter les cellules lymphomateuses.

Conclusions et implications de l’étude

Cette étude révèle le rôle crucial de l’inhibition de la PPP dans la régulation de la fonction des macrophages, démontrant que l’inhibition de la PPP peut, via des mécanismes métaboliques et immunorégulateurs, améliorer la capacité de phagocytose des macrophages et réduire leur fonction de soutien aux cellules tumorales. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives pour le traitement des lymphomes à cellules B, en particulier en combinaison avec les thérapies par anticorps, où l’inhibition de la PPP pourrait significativement améliorer l’efficacité du traitement et prolonger la survie des patients.

Points forts de l’étude

  1. L’inhibition de la PPP améliore la phagocytose des macrophages : L’étude est la première à systématiquement démontrer que l’inhibition de la PPP améliore la capacité des macrophages à phagocyter les cellules lymphomateuses.
  2. Lien entre métabolisme et régulation immunitaire : L’étude a identifié le mécanisme moléculaire par lequel l’inhibition de la PPP module la fonction des macrophages via l’axe UDPG-STAT1-IRG1-itaconate.
  3. Validation in vivo de l’efficacité thérapeutique : L’étude a validé l’efficacité de l’inhibition de la PPP dans un modèle murin, montrant qu’elle prolonge significativement la survie des souris atteintes de lymphome.

Valeur de l’étude

La valeur scientifique de cette étude réside dans la révélation du rôle clé de l’inhibition de la PPP dans la régulation de la fonction des macrophages, offrant une nouvelle cible pour l’immunothérapie des tumeurs. Sa valeur appliquée réside dans le fait que les inhibiteurs de la PPP pourraient être combinés avec les thérapies par anticorps existantes pour améliorer le traitement des lymphomes à cellules B, avec un potentiel clinique prometteur.

Autres informations utiles

L’équipe de recherche a également souligné que l’inhibition de la PPP pourrait influencer d’autres cellules immunitaires, comme les lymphocytes T, ouvrant ainsi de nouvelles voies de recherche. De plus, la faible toxicité et la haute efficacité des inhibiteurs de la PPP soutiennent leur potentiel d’application clinique.

Conclusion

Cette étude, à travers un screening systématique d’inhibition métabolique et des analyses multi-omiques, révèle le rôle crucial de l’inhibition de la PPP dans la régulation de la fonction des macrophages et valide son potentiel thérapeutique dans le traitement des lymphomes à cellules B. Cette découverte offre de nouvelles perspectives pour l’immunothérapie des tumeurs, avec une importance scientifique et clinique significative.