L'imagerie MALDI combinée à la microscopie biphotonique révèle des différences locales dans l'hétérogénéité du cancer colorectal

Étude d’imagerie multimodale du microenvironnement tumoral du cancer colorectal : révélation de l’hétérogénéité spatiale

Contexte académique

Le cancer colorectal (Colorectal Cancer, CRC) est l’une des principales causes de décès liés au cancer dans le monde, sa complexité et son hétérogénéité rendant le traitement et la prédiction du pronostic extrêmement difficiles. Le microenvironnement tumoral (Tumor Microenvironment, TME) joue un rôle clé dans la progression du cancer, les métastases et la réponse au traitement, en particulier l’influence du collagène dans la matrice extracellulaire (Extracellular Matrix, ECM) sur la physiopathologie tumorale. Cependant, les méthodes traditionnelles telles que l’histologie, la coloscopie et le dépistage moléculaire ne permettent pas de caractériser complètement la complexité spatiale des tissus tumoraux, comme l’interaction entre le protéome du cancer, la structure du collagène et la distribution des noyaux cellulaires.

Pour mieux comprendre l’hétérogénéité du cancer colorectal, cette étude propose une stratégie d’imagerie multimodale combinant la microscopie à balayage laser biphotonique (Two-Photon Laser Scanning Microscopy, 2PLSM), l’histologie et l’imagerie par spectrométrie de masse à désorption/ionisation laser assistée par matrice (Matrix-Assisted Laser Desorption Ionization-Mass Spectrometry Imaging, MALDI-MSI) afin de révéler l’hétérogénéité spatiale du microenvironnement tumoral du cancer colorectal. Cette étude est la première à corréler la cohérence structurelle des fibres de collagène et le profil de distribution des noyaux des tissus tumoraux avec les signatures peptidiques, offrant de nouvelles perspectives sur la physiopathologie du cancer colorectal.

Source de l’article

Cet article a été réalisé par une équipe de recherche de l’Institut Max Planck des sciences multidisciplinaires (Max Planck Institute for Multidisciplinary Sciences), de l’Institut de pathologie du centre médical universitaire de Göttingen (Institute of Pathology, University Medical Center Göttingen) et de l’Institut de santé de Berlin (Berlin Institute of Health). Les auteurs principaux incluent Bharti Arora, Ajinkya Kulkarni, Andrea M. Markus, entre autres. L’article a été publié en 2024 dans la revue npj Imaging.

Processus de recherche

1. Collecte et traitement des échantillons

L’étude a inclus des échantillons de tissus tumoraux provenant de 14 patients atteints de cancer colorectal. Les caractéristiques anatomiques, le stade et la morphologie des tumeurs ont été enregistrés en détail. Tous les échantillons ont été collectés et utilisés conformément aux approbations et régulations du comité d’éthique du centre médical universitaire de Göttingen.

2. Imagerie sans marquage

La microscopie à balayage laser biphotonique (2PLSM) a été utilisée pour imager les coupes tissulaires, capturant le signal de génération de seconde harmonique (Second Harmonic Generation, SHG) émis par les fibres de collagène et le signal d’autofluorescence biphotonique (Two-Photon Excitation Autofluorescence, 2PEF) des tissus. Grâce à ces signaux, les chercheurs ont pu visualiser la structure des fibres de collagène dans les tissus à une résolution submicronique sans utiliser de colorants fluorescents exogènes.

3. Préparation des échantillons pour MALDI-MSI

Les échantillons tissulaires ont été fixés et inclus dans de la paraffine, puis coupés en sections de 5 µm d’épaisseur et montés sur des lames de verre conductrices. Après l’imagerie 2PLSM, les échantillons ont été préparés pour l’analyse MALDI-MSI. Les échantillons ont été déparaffinés, soumis à une récupération antigénique et digérés à la trypsine avant l’imagerie MALDI-MSI.

4. Imagerie MALDI-MSI

L’imagerie MALDI-MSI a été réalisée à l’aide du système Rapiflex® MALDI TissueTyper® de Bruker Daltonik GmbH, avec une plage de détection de 800-3200 m/z, 500 tirs laser par point, un taux d’échantillonnage de 1,25 GS/s et une largeur de balayage de 50 µm.

5. Identification des protéines

L’identification des protéines a été réalisée par chromatographie liquide nano-spectrométrie de masse en tandem (nano-LC-ESI-MS/MS) sur des sections tissulaires adjacentes. Les peptides ont été séparés sur une colonne C18 et détectés par spectrométrie de masse. L’identification des peptides a été effectuée en interrogeant la base de données Swiss-Prot humaine.

6. Analyse histologique

Après l’imagerie MALDI-MSI, les sections tissulaires ont été colorées à l’hématoxyline et à l’éosine (H&E) et numérisées à l’aide d’un scanner de sections entières. Les images H&E ont été utilisées pour annoter les régions tumorales dans le logiciel QuPath.

7. Traitement des images

Le signal SHG a été extrait des images 2PLSM et une analyse de texture a été réalisée pour générer des cartes thermiques de la cohérence des fibres de collagène. Les noyaux cellulaires ont été segmentés à partir des images H&E et des cartes thermiques de la distribution des noyaux ont été générées. Ces cartes thermiques ont été utilisées pour analyser les signatures protéomiques dans différentes régions.

Résultats principaux

1. Différences dans les signatures protéomiques entre les cancers colorectaux gauche et droit

L’analyse univariée des données MALDI-MSI a révélé des différences dans la distribution spatiale des peptides entre les tissus tumoraux des cancers colorectaux gauche (LSCC) et droit (RSCC). Au total, 520 pics m/z ont été identifiés, dont 203 m/z correspondant à 83 protéines. L’analyse des caractéristiques de fonctionnement du récepteur (ROC) a identifié 76 m/z présentant des différences significatives entre LSCC et RSCC.

2. Signatures protéomiques dans les régions à forte densité nucléaire

L’étude a montré que les régions à forte densité nucléaire (HND) occupaient une surface significativement plus faible que les régions à faible densité nucléaire (LND) dans les tissus LSCC et RSCC. L’analyse ROC a identifié 14 m/z présentant des différences significatives entre les régions HND et LND, correspondant à 7 protéines.

3. Signatures protéomiques dans l’organisation des fibres de collagène

L’analyse par 2PLSM a révélé que la proportion de régions de collagène chaotiques était significativement plus élevée que celle des régions de collagène organisées dans les tissus tumoraux LSCC et RSCC. L’analyse ROC des données MALDI-MSI a identifié 43 m/z présentant des différences significatives entre les régions de collagène chaotiques de LSCC et RSCC, correspondant à 19 protéines.

Conclusion

Cette étude a développé une nouvelle méthode d’imagerie multimodale combinant la 2PLSM, l’histologie et la MALDI-MSI pour caractériser l’hétérogénéité spatiale du microenvironnement tumoral du cancer colorectal. En quantifiant les caractéristiques peptidiques et d’imagerie dans les tissus LSCC, RSCC et sains, l’étude a révélé l’hétérogénéité du microenvironnement tumoral et distingué les caractéristiques peptidiques dans différentes régions spatiales de LSCC et RSCC. Cette recherche fournit de nouvelles perspectives sur la progression, les métastases et la réponse au traitement du cancer colorectal, et jette les bases pour le développement de nouvelles cibles thérapeutiques.

Points forts de l’étude

  1. Stratégie d’imagerie multimodale : Première combinaison de la 2PLSM, de l’histologie et de la MALDI-MSI pour caractériser complètement l’hétérogénéité spatiale du microenvironnement tumoral du cancer colorectal.
  2. Différences dans les signatures protéomiques : Révélation des différences dans les signatures protéomiques entre les tissus tumoraux LSCC et RSCC, offrant des cibles potentielles pour un traitement personnalisé.
  3. Influence de la structure des fibres de collagène : L’étude montre que l’organisation des fibres de collagène joue un rôle important dans la physiopathologie tumorale, ouvrant de nouvelles voies de recherche.

Signification de l’étude

Cette recherche fournit non seulement de nouvelles perspectives sur la physiopathologie du cancer colorectal, mais pose également les bases pour le développement de stratégies de traitement personnalisées basées sur le microenvironnement tumoral. En combinant plusieurs techniques d’imagerie, les chercheurs peuvent mieux comprendre l’hétérogénéité tumorale, offrant ainsi des orientations plus précises pour le diagnostic et le traitement cliniques.