Impact du photoblanchiment sur l'imagerie quantitative, spatio-temporelle et super-résolution des mitochondries chez les larves vivantes de C. elegans

Contexte académique et problématique

Les mitochondries, organites essentiels des cellules eucaryotes, jouent un rôle crucial dans le métabolisme énergétique, la signalisation cellulaire, ainsi que dans la régulation de la survie et de la mort cellulaire. Les dysfonctionnements mitochondriaux sont associés à de nombreuses maladies humaines, notamment les maladies neurodégénératives, les maladies cardiovasculaires, le diabète et le cancer. Par conséquent, l’étude de la dynamique mitochondriale est essentielle pour comprendre leurs fonctions biologiques et leur rôle dans les maladies. Cependant, bien que la microscopie électronique (EM) offre une résolution spatiale très élevée, elle ne peut être utilisée que sur des échantillons fixes, ce qui limite l’observation des dynamiques mitochondriales. La microscopie à fluorescence, bien qu’adaptée à l’observation d’échantillons vivants, présente des limites en termes de résolution, en particulier dans la reconstruction tridimensionnelle (3D) et l’imagerie à long terme, où le photoblanchiment (photobleaching) affecte gravement l’analyse quantitative.

Le photoblanchiment désigne la perte irréversible de fluorescence due à des altérations chimiques induites par la lumière des fluorophores. Ce phénomène est particulièrement problématique dans les expériences d’imagerie à long terme, limitant ainsi l’étude dynamique des mitochondries et d’autres organites. Bien que plusieurs méthodes aient été proposées pour corriger les effets du photoblanchiment, elles reposent souvent sur des algorithmes complexes ou des hypothèses qui peuvent introduire des artefacts. Par conséquent, le développement d’une technique permettant l’imagerie à haute résolution sur des échantillons vivants tout en gérant efficacement le photoblanchiment représente un défi majeur dans la recherche actuelle.

Source de l’article et informations sur les auteurs

Cet article a été réalisé par une équipe de recherche du Département de Biologie Cellulaire et du Développement de l’University College London (UCL), au Royaume-Uni. Les principaux auteurs incluent Segos Ioannis, Van Eeckhoven Jens, Greig Alan, Redd Michael, Thrasivoulou Christopher et Conradt Barbara. L’article a été publié en 2024 dans la revue npj Imaging, sous le titre Impact of photobleaching on quantitative, spatio-temporal, super-resolution imaging of mitochondria in live C. elegans larvae.

Processus de recherche et méthodes expérimentales

1. Immobilisation mécanique des larves de C. elegans

Pour réaliser l’imagerie en super-résolution (super-resolution, SR) sur des échantillons vivants, l’équipe a développé une méthode d’immobilisation mécanique basée sur l’utilisation de nanobilles de polystyrène (polystyrene nanobeads). Cette méthode, qui ne nécessite pas de médicaments, permet de maintenir les larves de C. elegans immobiles pendant l’imagerie. Les étapes spécifiques sont les suivantes :

  1. Préparation des échantillons : Les larves de C. elegans sont placées sur un coussinet d’agarose à 10 % et recouvertes d’une lamelle.
  2. Processus d’immobilisation : Grâce à la friction des nanobilles et à la pression exercée par la lamelle, les larves sont immobilisées sur le coussinet d’agarose, assurant leur stabilité pendant l’imagerie.
  3. Conditions d’imagerie : Le côté gauche des larves est en contact avec la lamelle, garantissant que les cellules cibles (comme les neuroblastes ql.p) peuvent être imagées en super-résolution.

2. Imagerie en super-résolution en séries temporelles

L’équipe a utilisé le microscope Zeiss LSM980 en mode Airyscan SR pour réaliser l’imagerie, atteignant une résolution permettant de distinguer des mitochondries individuelles. Les étapes spécifiques sont les suivantes :

  1. Construction de souches transgéniques : Une souche transgénique de C. elegans exprimant un marqueur de la matrice mitochondriale (mtGFP) a été créée pour marquer les mitochondries.
  2. Paramètres d’imagerie : Un objectif à immersion d’huile 63× a été utilisé, avec une résolution de 120 nm (xy) et 360 nm (z), et des images ont été acquises toutes les minutes.
  3. Traitement des images : Grâce à l’imagerie en séries temporelles, les dynamiques mitochondriales pendant la division cellulaire ont été capturées.

3. Traitement des images et reconstruction 3D

Pour analyser quantitativement les dynamiques mitochondriales, l’équipe a développé un pipeline de traitement d’images comprenant les étapes suivantes :

  1. Alignement des images : Étant donné que les larves peuvent bouger légèrement pendant l’imagerie, l’équipe a utilisé une technique d’alignement pour corriger la position des mitochondries.
  2. Soustraction d’images : Pour éliminer les chevauchements de signaux fluorescents, le signal mCherry a été soustrait des images mtGFP.
  3. Rognage des images : Les régions contenant les cellules cibles ont été rognées pour réduire la charge de calcul lors du traitement des images.
  4. Déconvolution : L’algorithme de Richardson-Lucy a été utilisé pour déconvoluer les images, améliorant ainsi leur résolution.
  5. Rendu 3D : Le logiciel Imaris a été utilisé pour reconstruire les mitochondries en 3D, permettant une analyse quantitative de leur volume, morphologie et distribution.

4. Analyse de l’impact du photoblanchiment

L’équipe a analysé l’impact du photoblanchiment sur le signal fluorescent des mitochondries en utilisant l’imagerie en séries temporelles. Les résultats montrent que, bien que le photoblanchiment entraîne une diminution progressive du signal fluorescent, la segmentation d’images basée sur un seuillage global (global thresholding) n’est pas affectée, permettant une quantification précise du nombre de mitochondries.

Principaux résultats

  1. Efficacité de l’immobilisation mécanique : La méthode d’immobilisation mécanique développée par l’équipe permet de maintenir les larves de C. elegans immobiles pendant l’imagerie sans affecter leur développement normal.
  2. Réalisation de l’imagerie en super-résolution : Grâce au mode Airyscan SR, l’équipe a capturé avec succès les dynamiques mitochondriales pendant la division cellulaire, atteignant une résolution permettant de distinguer des mitochondries individuelles.
  3. Optimisation du pipeline de traitement d’images : Le pipeline de traitement d’images développé permet de corriger efficacement les mouvements cellulaires et les chevauchements de signaux fluorescents, permettant ainsi la reconstruction 3D des mitochondries.
  4. Impact du photoblanchiment : Bien que le photoblanchiment entraîne une diminution progressive du signal fluorescent, la segmentation d’images basée sur un seuillage global n’est pas affectée, permettant une quantification précise du nombre de mitochondries.

Conclusions et implications de l’étude

Cette étude a développé une technique permettant l’imagerie en super-résolution sur des échantillons vivants tout en gérant efficacement le photoblanchiment, offrant ainsi un nouvel outil pour étudier les dynamiques des mitochondries et d’autres organites. Les résultats montrent que la segmentation d’images basée sur un seuillage global n’est pas affectée par le photoblanchiment, permettant une quantification précise du nombre de mitochondries. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives pour l’utilisation de la microscopie à fluorescence dans les études quantitatives.

Points forts de l’étude

  1. Nouvelle méthode d’immobilisation mécanique : La méthode basée sur les nanobilles de polystyrène, ne nécessitant pas de médicaments, permet une immobilisation efficace des larves de C. elegans, adaptée à divers contextes biologiques.
  2. Réalisation de l’imagerie en super-résolution : Grâce au mode Airyscan SR, l’équipe a capturé avec succès les dynamiques mitochondriales pendant la division cellulaire, atteignant une résolution permettant de distinguer des mitochondries individuelles.
  3. Résolution du problème du photoblanchiment : Les résultats montrent que la segmentation d’images basée sur un seuillage global n’est pas affectée par le photoblanchiment, permettant une quantification précise du nombre de mitochondries, ce qui ouvre de nouvelles perspectives pour l’utilisation de la microscopie à fluorescence dans les études quantitatives.

Autres informations pertinentes

L’équipe a également exploré le comportement de différentes protéines fluorescentes (comme GFP et mKate2) sous l’effet du photoblanchiment, montrant que la segmentation basée sur un seuillage global est applicable à divers marqueurs fluorescents et organites. De plus, l’équipe a proposé des principes sur les changements des histogrammes d’images (image histograms) sous l’effet du photoblanchiment, fournissant une base théorique pour le développement de nouveaux outils d’analyse d’images.

Conclusion

Cette étude, en développant une nouvelle méthode d’immobilisation mécanique et en optimisant le pipeline de traitement d’images, a réussi à réaliser l’imagerie en super-résolution sur des échantillons vivants tout en gérant efficacement le photoblanchiment. Cette technique offre un nouvel outil pour étudier les dynamiques des mitochondries et d’autres organites, avec des implications scientifiques et applicatives importantes.