Atezolizumab combiné au platine et à la maintenance par niraparib pour le cancer de l'ovaire récurrent avec un intervalle sans platine >6 mois : essai de phase III ENGOT-OV41/GEICO 69-O/ANITA

Essai de phase III ENGOT-OV41/GEICO 69-O/ANITA

Contexte académique

Le cancer de l’ovaire est l’une des tumeurs malignes les plus courantes du système reproducteur féminin. Malgré les progrès récents dans le traitement, le taux de récidive reste élevé, en particulier chez les patientes atteintes de récidive tardive. La chimiothérapie à base de platine (platinum-based chemotherapy, CT) est le traitement standard du cancer de l’ovaire, et les inhibiteurs de la poly (ADP-ribose) polymérase (PARP) en tant que traitement d’entretien ont montré des bénéfices cliniques significatifs chez les patientes sensibles au platine. Cependant, bien que les inhibiteurs de PARP aient réussi à prolonger la survie sans progression (progression-free survival, PFS), la question de savoir comment améliorer davantage l’efficacité du traitement reste un axe de recherche clinique.

Ces dernières années, les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires (immune checkpoint inhibitors, ICIs) ont montré une efficacité significative dans plusieurs types de tumeurs solides, en particulier chez les patientes positives pour PD-L1. Cependant, dans le cancer de l’ovaire, malgré une base théorique préclinique, plusieurs essais de phase III n’ont pas réussi à démontrer que l’ajout d’inhibiteurs de PD-L1 (comme l’atezolizumab ou l’avelumab) à la chimiothérapie ou au bevacizumab pouvait améliorer significativement le pronostic des patientes. Par conséquent, les chercheurs ont commencé à explorer le potentiel de l’utilisation combinée d’inhibiteurs de points de contrôle immunitaires et d’inhibiteurs de PARP, dans l’espoir de réaliser une percée dans le traitement du cancer de l’ovaire.

Origine de l’étude

Cette étude a été menée par Antonio González-Martín et ses collègues de plusieurs institutions de recherche européennes, notamment le Groupe espagnol de recherche sur le cancer gynécologique (Grupo Español de Investigación en Cáncer Ginecológico, GEICO) et le Réseau européen pour les essais de gynécologie oncologique (European Network for Gynaecological Oncological Trial Groups, ENGOT). L’étude a été publiée le 18 septembre 2024 dans le Journal of Clinical Oncology sous le titre “Atezolizumab Combined with Platinum and Maintenance Niraparib for Recurrent Ovarian Cancer with a Platinum-Free Interval >6 Months: ENGOT-OV41/GEICO 69-O/ANITA Phase III Trial”.

Déroulement de l’étude

Conception de l’étude

Il s’agit d’un essai clinique de phase III multicentrique, randomisé, en double aveugle et contrôlé par placebo, visant à évaluer l’efficacité de l’atezolizumab en association avec une chimiothérapie à base de platine et un traitement d’entretien par niraparib chez des patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire récidivant tardif. L’étude a inclus des patientes ayant reçu 1 à 2 lignes de chimiothérapie (la dernière incluant du platine) et dont l’intervalle sans platine (treatment-free interval since last platinum, TFIP) était >6 mois. Les patientes ont été stratifiées selon le schéma à base de carboplatine choisi par l’investigateur, le TFIP, le statut BRCA et le statut PD-L1, puis randomisées dans le groupe atezolizumab ou placebo. Toutes les patientes ont reçu 6 cycles de chimiothérapie à base de carboplatine, suivis d’un traitement d’entretien par niraparib en cas de maladie stable ou de réponse, jusqu’à progression de la maladie.

Population étudiée

L’étude a inclus 417 patientes, dont 15 % présentaient une mutation BRCA, 36 % étaient positives pour PD-L1 et 66 % avaient un TFIP >12 mois. La médiane de suivi était de 28,6 mois. Le critère d’évaluation principal était la PFS évaluée par l’investigateur, et les critères secondaires incluaient le taux de réponse objective (objective response rate, ORR), la PFS pendant le traitement d’entretien, etc.

Méthodes expérimentales

Avant la randomisation, les investigateurs ont choisi un schéma à base de carboplatine pour chaque patiente, incluant le carboplatine associé au paclitaxel, à la gemcitabine ou à la doxorubicine liposomale pégylée (pegylated liposomal doxorubicin, PLD). Les patientes ont été randomisées dans le groupe atezolizumab ou placebo, recevant respectivement 6 cycles de chimiothérapie à base de carboplatine associée à l’atezolizumab ou au placebo. Après la chimiothérapie, les patientes avec une maladie stable ou une réponse ont continué à recevoir le niraparib en traitement d’entretien jusqu’à progression de la maladie.

Analyse des données

Le critère d’évaluation principal, la PFS, a été analysé à l’aide d’un modèle de risques proportionnels de Cox stratifié, et la méthode de Kaplan-Meier a été utilisée pour estimer la médiane de PFS et son intervalle de confiance à 95 % (confidence interval, CI). L’analyse d’efficacité a été réalisée dans la population en intention de traiter (intention-to-treat, ITT), et l’analyse de sécurité dans la population évaluable pour la sécurité.

Résultats principaux

Les résultats de l’étude ont montré que la médiane de PFS dans le groupe atezolizumab était de 11,2 mois (IC à 95 %, 10,1-12,1 mois), contre 10,1 mois (IC à 95 %, 9,2-11,2 mois) dans le groupe placebo, sans différence statistiquement significative (HR=0,89, IC à 95 %, 0,71-1,10 ; p=0,28). Les analyses de sous-groupes ont montré que le statut PD-L1, le statut BRCA, etc., n’avaient pas d’impact significatif sur l’efficacité de l’atezolizumab. De plus, l’ORR dans le groupe atezolizumab était de 45 % (IC à 95 %, 39-52 %), contre 43 % (IC à 95 %, 36-49 %) dans le groupe placebo, sans différence statistiquement significative.

Pendant le traitement d’entretien, la médiane de PFS dans le groupe atezolizumab était de 6,7 mois (IC à 95 %, 5,3-8,3 mois), contre 5,3 mois (IC à 95 %, 4,3-6,1 mois) dans le groupe placebo, sans différence statistiquement significative (HR=0,80, IC à 95 %, 0,62-1,03).

Conclusion

Cette étude montre que l’atezolizumab en association avec une chimiothérapie à base de platine et un traitement d’entretien par niraparib n’améliore pas significativement la PFS ou l’ORR chez les patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire récidivant tardif. Bien qu’un certain prolongement de la PFS ait été observé pendant le traitement d’entretien, cette différence n’était pas statistiquement significative. Les données de sécurité étaient cohérentes avec les expériences précédentes, sans nouveau signal de sécurité détecté.

Points forts de l’étude

  1. Première évaluation de l’utilisation combinée d’un inhibiteur de points de contrôle immunitaires et d’un inhibiteur de PARP : Cette étude est le premier essai de phase III à évaluer l’atezolizumab en association avec une chimiothérapie à base de platine et un traitement d’entretien par niraparib dans le cancer de l’ovaire récidivant tardif.
  2. Analyse approfondie des sous-groupes : L’étude a analysé plusieurs sous-groupes, notamment le statut PD-L1 et le statut BRCA, montrant que l’efficacité de l’atezolizumab n’était pas significativement supérieure à celle du placebo dans ces sous-groupes.
  3. Données de sécurité cohérentes avec les expériences précédentes : Les données de sécurité étaient cohérentes avec les expériences précédentes concernant l’atezolizumab et le niraparib, sans nouveau signal de sécurité détecté.

Signification de l’étude

Bien que cette étude n’ait pas démontré l’efficacité significative de l’atezolizumab dans le cancer de l’ovaire récidivant tardif, elle fournit des informations importantes pour les recherches futures. En particulier, dans le contexte de l’utilisation combinée d’inhibiteurs de points de contrôle immunitaires et d’inhibiteurs de PARP, les résultats de cette étude suggèrent que le recours uniquement aux inhibiteurs de points de contrôle immunitaires pourrait ne pas suffire à améliorer significativement le pronostic des patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire. Les recherches futures pourraient explorer d’autres combinaisons thérapeutiques ou des biomarqueurs pour identifier les patientes susceptibles de bénéficier de l’immunothérapie.

Autres informations utiles

Les limites de cette étude incluent le fait que, bien que des analyses approfondies de sous-groupes aient été réalisées, certains sous-groupes (comme les patientes avec une mutation BRCA) avaient un effectif réduit, ce qui pourrait avoir affecté l’interprétation des résultats. De plus, les données de survie globale (overall survival, OS) ne sont pas encore matures, et l’analyse finale pourrait fournir des informations supplémentaires sur l’efficacité à long terme de l’atezolizumab.

Cette étude fournit des preuves cliniques importantes pour l’immunothérapie du cancer de l’ovaire. Bien que les résultats n’aient pas atteint les attentes, elle offre des références précieuses pour les orientations futures de la recherche et l’optimisation des stratégies thérapeutiques.