Association entre l'exposition prénatale aux glucocorticostéroïdes systémiques et les troubles mentaux chez la progéniture
Rapport sur l’exposition prénatale aux glucocorticoïdes systémiques et les troubles mentaux chez la descendance
Contexte académique
Les glucocorticoïdes (GC) sont largement utilisés chez les femmes enceintes, en particulier pour les femmes à risque d’accouchement prématuré ou atteintes de maladies auto-immunes. Les glucocorticoïdes réduisent la morbidité et la mortalité néonatales ou atténuent les symptômes en inhibant les réactions inflammatoires. Cependant, bien que les glucocorticoïdes jouent un rôle important dans le développement fœtal, en particulier du système nerveux central (SNC), une exposition excessive peut augmenter le risque de troubles mentaux chez la descendance via divers mécanismes. Bien que certaines études aient exploré l’association entre l’exposition prénatale aux glucocorticoïdes et les troubles mentaux chez la descendance, ces recherches sont souvent marquées par des effectifs limités, un suivi à court terme ou un contrôle insuffisant des facteurs de confusion. Ainsi, les sociétés médicales et obstétriques appellent à davantage de recherches sur ce sujet pour clarifier les risques liés à l’utilisation des glucocorticoïdes chez les femmes enceintes.
Origine de l’étude
Cette étude a été menée par le Dr Kristina Laugesen, le Dr Nils Skajaa, le Dr Irene Petersen et d’autres chercheurs des universités et hôpitaux du Danemark, de Londres et d’autres institutions. L’article a été publié le 3 janvier 2025 dans le journal JAMA Network Open sous le titre : “Mental Disorders Among Offspring Prenatally Exposed to Systemic Glucocorticoids”.
Conception et méthodologie de l’étude
Conception de l’étude
Cette étude est une étude de cohorte basée sur la population danoise, utilisant des données d’état civil entre 1996 et 2016 pour tous les nouveau-nés vivants au Danemark, avec un suivi jusqu’au 31 décembre 2018. L’objectif principal était de comparer le risque de troubles mentaux à 15 ans chez des enfants exposés prénatalement aux glucocorticoïdes et leurs homologues non exposés.
Population étudiée
L’étude a inclus 1 061 548 enfants, parmi lesquels 31 518 étaient nés de mères à risque d’accouchement prématuré et 288 747 de mères atteintes de maladies auto-immunes ou inflammatoires. Les enfants exposés aux glucocorticoïdes ont été comparés à des enfants non exposés, nés de mères présentant les mêmes pathologies sous-jacentes.
Définition de l’exposition
Pour les femmes à risque de prématurité, l’exposition était définie par l’administration prénatale de glucocorticoïdes (comme la bétaméthasone). Pour les femmes atteintes de maladies auto-immunes ou inflammatoires, l’exposition était définie par au moins une prescription de glucocorticoïdes (comme la prednisone) pendant la grossesse. L’exposition cumulative a été divisée en faible dose (<250 mg), dose intermédiaire (250-499 mg) et forte dose (≥500 mg).
Critères de jugement principaux
Les troubles mentaux étudiés comprenaient quatre catégories : les troubles du spectre autistique (TSA), les déficiences intellectuelles, le trouble de l’hyperactivité avec déficit de l’attention (TDAH) et les troubles de l’humeur, de l’anxiété ou liés au stress. Les diagnostics étaient basés sur les données hospitalières et ambulatoires du registre national des patients au Danemark.
Méthodes d’analyse statistique
Les chercheurs ont utilisé l’estimateur de Kaplan-Meier pour calculer les risques bruts et ajustés sur 15 ans. Ils ont contrôlé les facteurs de confusion grâce à une pondération basée sur le ratio standardisé de morbide (SMR). Des analyses de sensibilité, y compris une analyse basée sur des paires de frères et sœurs et une analyse dose-réponse, ont également été réalisées pour valider la robustesse des résultats.
Principaux résultats
Résultats pour le groupe des risques de prématurité
Parmi les mères à risque d’accouchement prématuré, les risques ajustés étaient les suivants pour les enfants exposés par rapport aux enfants non exposés : - Troubles du spectre autistique : 6,6 % contre 4,3 % (RR = 1,5) - Déficiences intellectuelles : 1,6 % contre 1,3 % (RR = 1,3) - TDAH : 5,8 % contre 4,3 % (RR = 1,3) - Troubles de l’humeur, de l’anxiété et liés au stress : 7,2 % contre 4,6 % (RR = 1,5).
Résultats pour le groupe des maladies auto-immunes
Dans le groupe des femmes atteintes de maladies auto-immunes ou inflammatoires, les risques ajustés étaient : - Troubles du spectre autistique : 4,8 % contre 3,8 % (RR = 1,3) - Déficiences intellectuelles : 1,1 % contre 0,8 % (RR = 1,4) - TDAH : 5,5 % contre 4,4 % (RR = 1,3) - Troubles de l’humeur, de l’anxiété et liés au stress : 6,6 % contre 4,6 % (RR = 1,4).
Analyses de sensibilité
L’analyse des frères et sœurs a révélé un RR de 1,4 (95 % CI, 0,5-3,9) pour un diagnostic global parmi les paires avec exposition discordante. L’analyse avec comparateur actif suggérait un RR de 1,7 (95 % CI, 1,1-3,5). Les résultats principaux étaient cohérents lorsque l’exposition était définie par dose cumulative ou lorsque des résultats composites étaient utilisés.
Conclusions et implications
Cette étude a identifié une association entre l’exposition prénatale aux glucocorticoïdes et un risque accru de certains troubles mentaux. Bien que les différences absolues de risque soient faibles, ces résultats justifient une approche prudente dans l’utilisation des glucocorticoïdes chez les femmes enceintes. À l’avenir, des recherches supplémentaires pourraient explorer des stratégies pour réduire les expositions inutiles (ex.: meilleure stratification du risque de prématurité) et évaluer des alternatives thérapeutiques plus sûres. Les politiques de santé publique et les approches cliniques doivent équilibrer les bénéfices à court terme du traitement avec les effets potentiels à long terme sur le développement neurologique des enfants.
Points forts de l’étude
- Design novateur : Comparaison intra-groupe pour minimiser les biais associés à la pathologie maternelle sous-jacente.
- Échantillon important : 1 million d’enfants inclus, garantissant une forte puissance statistique.
- Perspective longitudinale : Suivi jusqu’à l’âge de 15 ans pour évaluer les impacts à long terme.
- Analyses multiples : Sensibilité et robustesse vérifiées à travers plusieurs méthodologies.
Limites de l’étude
- Facteurs de confusion résiduels : La sévérité des maladies maternelles non contrôlée pourrait influencer les associations.
- Définition de l’exposition : Basée sur les prescriptions, sans données sur l’observance réelle.
- Durée de suivi : Suivi médian de 9 ans, nécessitant des suivis plus longs pour explorer les impacts à l’âge adulte.
Conclusion générale
Les données soutiennent une vigilance continue dans l’administration de glucocorticoïdes chez les femmes enceintes. Des recherches futures sont nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes sous-jacents et élaborer des approches cliniques alternatives. Ces résultats fournissent des bases solides pour des recommandations cliniques éclairées tout en soulignant l’importance d’un équilibre entre bénéfices thérapeutiques et risques potentiels.