Métabolisme des cellules primaires du carcinome séreux de haut grade de l'ovaire (HGSOC) sous disponibilité limitée de glutamine ou de glucose
Étude sur le métabolisme des cellules du carcinome ovarien séreux de haut grade (HGSOC)
Contexte académique
Le carcinome ovarien séreux de haut grade (High-Grade Serous Ovarian Carcinoma, HGSOC) est le sous-type le plus courant et le plus agressif du carcinome épithélial de l’ovaire. La majorité des patientes sont diagnostiquées à un stade III ou IV, avec un taux de survie à 5 ans allant de 20 % à 40 %. Le traitement du HGSOC comprend généralement une chirurgie pour retirer la tumeur, suivie de plusieurs cycles de chimiothérapie (comme le paclitaxel et le carboplatine), mais pour les porteuses de mutations BRCA1/2, des inhibiteurs de PARP peuvent être utilisés. Malgré cela, le taux de survie du HGSOC n’a guère évolué depuis les années 1970.
Des études récentes ont montré que la réponse à la chimiothérapie du HGSOC est étroitement liée à son phénotype métabolique. En particulier, les cellules de HGSOC qui privilégient la phosphorylation oxydative (Oxidative Phosphorylation, OXPHOS) plutôt que la glycolyse aérobie répondent mieux à la chimiothérapie. Cependant, ces études étaient principalement basées sur des lignées cellulaires de HGSOC, suggérant l’existence de deux phénotypes métaboliques distincts : un phénotype à OXPHOS élevé et un autre à OXPHOS faible, avec des réponses différentes à la privation de glucose et de glutamine. Cette hypothèse n’avait pas encore été validée dans les cellules primaires de HGSOC.
Ainsi, cette étude visait à valider cette hypothèse en isolant et en cultivant des cellules cancéreuses primaires de patientes atteintes de HGSOC, et à explorer la flexibilité métabolique de ces cellules ainsi que leur réponse à la privation de glucose et de glutamine.
Source de l’article
Cet article a été co-écrit par Daniela Šimčíková, Dominik Gardáš, Petr Heneberg et d’autres auteurs, issus de plusieurs institutions de recherche, dont la troisième faculté de médecine de l’université Charles en République tchèque et l’université Masaryk. L’article a été publié en 2024 dans la revue Cancer & Metabolism, sous le titre Metabolism of primary high-grade serous ovarian carcinoma (HGSOC) cells under limited glutamine or glucose availability.
Méthodologie et résultats
1. Obtention et culture des échantillons
L’équipe de recherche a isolé des cellules cancéreuses primaires à partir de 45 patientes atteintes de HGSOC, ainsi que des fibroblastes ovariens non transformés provenant des tissus ovariens environnants des mêmes patientes, comme témoins. Ces cellules ont été cultivées en conditions 2D pendant 2 à 6 semaines, et leur pureté a été confirmée par cytométrie en flux et immunohistochimie. L’expression des marqueurs de stress du réticulum endoplasmique (ER stress) a également été analysée par immunohistochimie.
2. Tests de flexibilité métabolique
L’équipe a testé la flexibilité métabolique des cellules cancéreuses primaires en conditions de privation de glucose et de glutamine. Les taux d’acidification extracellulaire (ECAR) et de consommation d’oxygène (OCR) ont été mesurés pour évaluer l’activité glycolytique et oxydative des cellules. Les résultats ont montré que les cellules de HGSOC ne formaient pas deux groupes distincts (OXPHOS élevé et faible), mais présentaient plutôt un continuum de phénotypes OXPHOS. La plupart des cellules tumorales ont montré des réponses modérées à la privation de glucose ou de glutamine, et ces réponses étaient corrélées à celles des fibroblastes ovariens non transformés des mêmes patientes.
3. Analyse de l’expression génique et protéique
L’équipe a analysé l’expression de 14 gènes impliqués dans les voies métaboliques, en particulier ceux liés à la glycolyse et au métabolisme de la glutamine. Les résultats ont montré que la prolifération des cellules tumorales en l’absence de glucose était positivement corrélée à l’expression du régulateur du transport lipidique FABP4, mais négativement corrélée à l’expression de HK2 et HK1. De plus, la corrélation entre l’expression des protéines de la chaîne de transport d’électrons (ETC) et les taux d’OCR ou d’ECAR était faible.
4. Stress du réticulum endoplasmique et autophagie
L’étude a révélé que toutes les cellules tumorales de HGSOC analysées exprimaient des niveaux élevés de marqueurs de stress du réticulum endoplasmique (comme BIP, PERK, eIF2α, etc.). En utilisant des inducteurs de stress du réticulum endoplasmique (comme la tunicamycine) et des agents de soulagement (comme la TUDCA), l’équipe a modulé les niveaux de stress. Les résultats ont montré que la tunicamycine augmentait significativement l’autophagie dans les cellules tumorales, tandis que les complexes de cuivre(II)-phénanthroline (C0 et C1) n’affectaient pas significativement les niveaux de BIP.
5. Tests de sensibilité aux médicaments
L’équipe a testé l’effet de divers médicaments modulateurs du métabolisme (comme la metformine, l’erastine, etc.) sur les cellules tumorales. Les résultats ont montré que la metformine inhibait significativement la prolifération des cellules tumorales en l’absence de glucose, tandis que l’erastine était cytotoxique pour certaines cellules tumorales. De plus, l’inhibiteur de l’oxydation des acides gras, l’étomoxir, a montré un effet synergique avec la privation de glutamine, réduisant significativement les niveaux d’ATP des cellules tumorales.
Conclusions et implications
Cette étude réfute l’hypothèse précédente, basée sur des lignées cellulaires de HGSOC, de l’existence de deux phénotypes métaboliques distincts (OXPHOS élevé et faible). Les résultats montrent que les cellules de HGSOC présentent un continuum de phénotypes OXPHOS, avec une flexibilité métabolique complexe et variée. L’étude met également en lumière l’importance du stress du réticulum endoplasmique dans les cellules de HGSOC et propose plusieurs stratégies thérapeutiques potentielles basées sur la modulation du métabolisme.
Points forts de l’étude
- Réfutation d’une hypothèse classique : Cette étude est la première à valider, dans des cellules primaires de HGSOC, la continuité des phénotypes métaboliques, réfutant ainsi l’hypothèse binaire (OXPHOS élevé vs faible) basée sur des lignées cellulaires.
- Modulation du stress du réticulum endoplasmique : L’étude révèle que les cellules de HGSOC présentent des niveaux élevés de stress du réticulum endoplasmique et démontre le rôle de la tunicamycine et de la TUDCA dans la modulation de ce stress et de l’autophagie.
- Tests de sensibilité aux médicaments : L’étude propose plusieurs médicaments modulateurs du métabolisme (comme la metformine et l’erastine) comme options thérapeutiques potentielles pour le HGSOC, en particulier dans des conditions de privation de glucose.
Valeur de l’étude
Cette étude offre une nouvelle perspective sur la recherche métabolique du HGSOC, révélant la complexité métabolique des cellules primaires de HGSOC. Les résultats contribuent non seulement à une meilleure compréhension des mécanismes métaboliques du HGSOC, mais fournissent également une base théorique pour le développement de traitements personnalisés ciblant les voies métaboliques. De plus, l’étude souligne l’importance du stress du réticulum endoplasmique dans le HGSOC, ouvrant de nouvelles voies pour le développement de médicaments.
Autres informations pertinentes
L’équipe de recherche a également constaté que le phénotype métabolique des cellules de HGSOC était corrélé à certains paramètres cliniques des patientes (comme le stade FIGO, les mutations BRCA1/2, etc.). Par exemple, les cellules tumorales des patientes porteuses de mutations BRCA1 présentaient une expression plus faible de HK1, tandis que les patientes à un stade FIGO plus avancé montraient une expression réduite de IDO1 et FABP4. Ces découvertes offrent de nouveaux biomarqueurs potentiels pour le pronostic du HGSOC.
Grâce à une conception expérimentale systématique et à une analyse détaillée des données, cette étude fournit des bases scientifiques importantes pour la recherche sur le métabolisme du HGSOC et propose de nouvelles pistes pour les traitements cliniques futurs.