Nanozymes bimétalliques ciblant les mitochondries pour atténuer la douleur neuropathique par élimination des ROS et réduction de l'inflammation
Nanozymes bimetalliques ciblant les mitochondries atténuent la douleur neuropathique en neutralisant les ROS et en réduisant l’inflammation
Introduction
La douleur neuropathique est une problématique de santé publique complexe et multifactorielle, caractérisée par une haute prévalence et un impact significatif sur la qualité de vie des patients. Cependant, les traitements actuels présentent des limites, notamment une efficacité insuffisante et des effets secondaires marqués. Cette situation a incité les chercheurs à explorer de nouvelles cibles thérapeutiques et approches pour améliorer la gestion de la douleur chronique.
La pathogénèse de la douleur neuropathique est complexe. L’activation des cellules gliales dans la moelle épinière, ainsi que l’accumulation de médiateurs inflammatoires et d’espèces réactives de l’oxygène (ROS), constituent des facteurs étiologiques majeurs. Des études ont montré que la production de ROS dans le système nerveux central (SNC) peut activer des facteurs de transcription tels que le NF-κB, conduisant à une expression accrue des cytokines pro-inflammatoires et des chimiokines. Ce processus maintient et amplifie la perception de la douleur dans les neurones. De plus, le dysfonctionnement mitochondrial contribue de manière critique à cette dynamique, en amplifiant le stress oxydatif et la réponse inflammatoire.
Récemment, les nanozymes, des matériaux nanométriques imitant les fonctions catalytiques des enzymes naturelles, ont attiré une attention considérable pour leur stabilité et biocompatibilité élevées. Parmi eux, les nanozymes bimétalliques se distinguent par leurs performances catalytiques optimisées grâce à des effets de synergie métallique. Cependant, la livraison ciblée de ces nanozymes vers des structures subcellulaires spécifiques, telles que les mitochondries, pour une thérapie de précision, reste un défi.
Dans ce contexte, cette étude introduit un nanozyme bimétallique ciblant spécifiquement les mitochondries (nanozyme TPP-Au-Ru) afin de réduire la production de ROS et d’atténuer l’inflammation, avec l’objectif d’améliorer la perception de la douleur neuropathique. Ce travail ouvre ainsi une nouvelle voie pour la gestion de la douleur chronique.
Informations sur l’étude
Cette étude a été menée conjointement par des chercheurs de l’hôpital affilié à la faculté de médecine de l’université de Nanjing, de l’hôpital affilié à la première université médicale de Shandong et de différentes institutions de l’université de Zhengzhou. Les chercheurs principaux incluent Xiaolei Cheng et Xiaoping Gu. L’article a été publié en 2025 dans le journal Advanced Healthcare Materials, avec le DOI 10.1002/adhm.202401607.
Processus de recherche
1. Synthèse et caractérisation des nanozymes
Afin de développer une approche capable de neutraliser les ROS et de cibler spécifiquement les mitochondries, l’équipe de recherche a synthétisé un nanozyme bimétallique à base d’or et de ruthénium (Au-Ru) à l’aide d’interactions entre ligands. Un groupement triphénylphosphonium (TPP) a été ajouté pour permettre le ciblage mitochondrial. Des techniques telles que la microscopie électronique à transmission (TEM), la microscopie de force atomique (AFM), la diffusion dynamique de la lumière (DLS) et la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FT-IR) ont été utilisées pour examiner la morphologie, la taille des particules et la chimie de surface du nanozyme. Les résultats révèlent que le nanozyme TPP-Au-Ru a une taille uniforme avec un diamètre moyen de 3 à 5 nm. L’introduction de TPP a permis de modifier le potentiel de surface des nanozymes, le passant de -35,46 mV à -13,086 mV, améliorant ainsi leur dispersion.
De plus, des tests d’activité enzymatique ont montré que le nanozyme TPP-Au-Ru imite les activités de la superoxyde dismutase (SOD) et de la catalase (CAT), en éliminant les radicaux superoxydes (•O2−), en dégradant le peroxyde d’hydrogène (H2O2) et en favorisant la production d’oxygène.
2. Évaluation de la neutralisation des ROS et des propriétés anti-inflammatoires
Pour évaluer la fonction du nanozyme au niveau cellulaire, un modèle d’inflammation induite par le lipopolysaccharide (LPS) a été établi en utilisant des cellules BV2 (microgliales). L’effet du nanozyme sur la production de ROS et la réaction inflammatoire a ensuite été mesuré. Les analyses par cytométrie en flux et microscopie à fluorescence ont montré que le nanozyme TPP-Au-Ru réduisait significativement la production intracellulaire de ROS. Par ailleurs, le nanozyme a atténué la peroxydation lipidique, mesurée par la diminution des marqueurs 4-HNE et MDA. Enfin, l’analyse RT-qPCR a confirmé que le nanozyme réduisait considérablement les niveaux des cytokines inflammatoires IL-1β, IL-6 et IL-8 induits par le LPS.
3. Amélioration de la fonction mitochondriale
Le dysfonctionnement mitochondrial jouant un rôle central dans la production de ROS et l’inflammation, les chercheurs ont examiné l’impact du nanozyme sur la fonction mitochondriale. En utilisant le colorant JC-1 pour évaluer le potentiel de membrane mitochondriale (ΔΨm), ils ont constaté que le nanozyme inversait la baisse de ΔΨm causée par le LPS. De plus, le nanozyme TPP-Au-Ru a restauré efficacement la capacité des mitochondries à produire de l’ATP.
Concernant les voies de signalisation inflammatoires, le nanozyme a également inhibé l’activation des voies MAPK et NF-κB, comme en témoigne la réduction de la phosphorylation de p65 et MAPK.
4. Atténuation de la douleur dans un modèle animal
Dans un modèle murin de lésion par constriction chronique (CCI), le nanozyme TPP-Au-Ru, administré par injection intraveineuse, a atteint efficacement les régions cérébrales et médullaires. Les tests comportementaux ont révélé que le nanozyme réduisait significativement la perception de la douleur, avec des effets analgésiques durables jusqu’à 36 heures. L’analyse des tissus a montré que le nanozyme diminuait les ROS et les marqueurs inflammatoires dans les ganglions rachidiens dorsaux (DRG) des souris, tout en inhibant les voies de signalisation inflammatoires.
Conclusions et implications
Conclusions
Le nanozyme TPP-Au-Ru, conçu pour cibler spécifiquement les mitochondries, s’est avéré efficace pour éliminer les ROS et réduire les réponses inflammatoires, tout en améliorant la fonction mitochondriale. Son mode d’administration et son profil de sécurité promettent de limiter la dépendance aux interventions pharmacologiques ou chirurgicales pour traiter la douleur neuropathique.
Valeur scientifique
Cette étude met en lumière l’importance des ROS et de l’inflammation dans la pathogenèse de la douleur chronique, tout en introduisant une nouvelle stratégie thérapeutique basée sur le ciblage mitochondrial.
Perspectives d’application
En plus de la gestion de la douleur neuropathique, les propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires de ce nanozyme pourraient s’avérer utiles pour d’autres domaines cliniques, tels que la réparation des plaies, les maladies cardiovasculaires ou les traitements anticancéreux.
Points forts et directions futures
- Innovations : Première utilisation combinée de nanozymes bimétalliques et de ciblage mitochondrial pour la douleur neuropathique.
- Effet prolongé : Une seule dose offre une analgésie significative pendant 36 heures, surpassant les médicaments traditionnels.
- Sécurité accrue : Le nanozyme affiche une faible toxicité biologique et une capacité à traverser la barrière hémato-encéphalique, ce qui élargit ses perspectives d’application.
Les recherches futures devraient explorer davantage le métabolisme, la demi-vie et l’impact de cette technologie après des administrations répétées, ainsi que ses applications potentielles pour d’autres pathologies.