Une thérapie combinée potentielle anti-SARS-CoV-2 3-en-1 utilisant la formulation pulmonaire MIL-100(Fe)
Exploration d’une nouvelle stratégie pulmonaire à base de MIL-100(Fe) pour le traitement contre le SARS-CoV-2
Ces dernières années, la santé publique mondiale a été confrontée à de nombreux défis majeurs, notamment depuis 2019 avec la pandémie causée par le coronavirus SARS-CoV-2. Cette pandémie, caractérisée par une grande transmissibilité et une persistance durable du virus, a mis en évidence les limites des méthodes actuelles de prévention et de traitement. Cette situation souligne l’importance cruciale de développer des thérapies plus efficaces et innovantes pour répondre aux futures pandémies. Dans ce contexte, la nanomédecine offre des alternatives prometteuses aux approches traditionnelles. Les systèmes de délivrance de médicaments basés sur des nanotechnologies permettent d’améliorer la stabilité des médicaments, d’optimiser leur distribution et leurs profils pharmacocinétiques, augmentant ainsi leur efficacité tout en minimisant leurs effets secondaires. Cependant, bien que les cadres organométalliques (MOFs - Metal-Organic Frameworks) aient montré un grand potentiel dans le traitement de maladies complexes telles que le cancer ou les infections, leur utilisation dans les thérapies antivirales reste à ses débuts. Dans ce cadre, cette étude propose un système pulmonaire innovant basé sur des nanoparticules MIL-100(Fe) multifonctionnelles, offrant un effet combiné dit “3-en-1” pour explorer son potentiel contre le SARS-CoV-2.
Origine et contexte de la recherche
L’article est le fruit du travail d’une équipe scientifique dirigée par Beatrice Fodor et ses collègues de l’unité Advanced Porous Materials (IMDEA Energy, Espagne), avec la collaboration d’institutions renommées telles que l’Universidad Autónoma de Madrid et l’Université Montpellier. Publié dans la revue Advanced Healthcare Materials, cet article est édité par Wiley-VCH en 2025.
L’équipe de recherche se concentre sur l’exploration des cadres organométalliques (MOFs) en tant que nouveaux systèmes de délivrance de médicaments (Drug Delivery System – DDS) avec des applications biomédicales potentielles. Cette étude examine en détail comment améliorer l’efficacité et la translation clinique des MOFs en thérapies antivirales. L’objectif est de développer une thérapie combinée pour traiter les infections pulmonaires dues au SARS-CoV-2, en combinant les propriétés intrinsèques des nanoparticules MIL-100(Fe) avec des modifications externes par des molécules et des médicaments fonctionnels, pour créer une approche synergique “3-en-1”.
Démarches de la recherche
1. Conception et synthèse des nanoparticules
La première étape de la recherche consistait à concevoir une nanoparticule MOF multifonctionnelle optimisée (MIL-100(Fe)). Le MIL-100(Fe) est un cadre organométallique comportant un ligand tricarboxylique (acide trimesique, H3BTC) et du fer (Fe). Sa synthèse repose sur une méthode assistée par micro-ondes (microwave-assisted synthesis), où une solution aqueuse d’acide trimesique et de chlorure ferrique hexahydraté (FeCl3·6H2O) est mélangée et chauffée à 130 °C pour former une structure cristalline. Une caractérisation complète des nanoparticules a été réalisée par diverses techniques analytiques, notamment la diffraction de rayons X (XRD), la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR), la mesure de surface spécifique (BET), ainsi que la diffusion dynamique de la lumière (DLS) pour mesurer la taille et la charge superficielle.
Ensuite, l’équipe de recherche a appliqué une méthode simple par imprégnation en solution pour enrober les surfaces du MIL-100(Fe) avec de l’héparine. Cette molécule particulière, un polysaccharide naturel, possède des propriétés immunomodulatrices et peut inhiber l’adhésion des pathogènes, jouant ainsi un rôle important dans le traitement des infections au SARS-CoV-2. Par la suite, les nanoparticules ont été chargées avec un médicament antiviral, le favipiravir (FVP), dans leur porosité, augmentant ainsi l’efficacité et la capacité de libération du médicament. Ainsi, des nanoparticules triplement fonctionnalisées, MIL-100(Fe)-Hep/FVP, combinant “immunomodulation”, “inhibition virale” et “libération de médicaments”, ont été obtenues.
Enfin, à l’aide de la technologie de séchage par pulvérisation (spray drying), ces nanoparticules ont été transformées en microbilles, en combinaison avec du D-mannitol. Ces microsphères mesurant environ 3 μm de diamètre constituent une formulation adaptée à l’administration par voie pulmonaire pour les essais in vivo.
2. Évaluation in vitro en modèle d’infection par le SARS-CoV-2
Pour la partie in vitro, les chercheurs ont utilisé un modèle d’infection utilisant des cellules humaines de cancer du poumon A549 sur-exprimant le récepteur ACE2 (A549-ACE2). Ces cellules ont été infectées par le virus SARS-CoV-2 actif pendant 48 heures. L’efficacité antivirale des formulations a été évaluée en mesurant les niveaux de la protéine N des nucléoprotéines virales, un marqueur de l’infection, par immunofluorescence. En outre, des tests cellulaires comme le test de viabilité MTT et la coloration nucléaire DAPI ont été utilisés pour analyser la biocompatibilité des formulations.
Les résultats expérimentaux montrent que la formulation finale, FVP@MIL-100(Fe)-Hep, qui inclut à la fois l’héparine et le médicament antiviral, présente l’effet antiviral le plus significatif. Comparée au matériau MIL-100(Fe) brut, cette formulation permet une inhibition substantielle des activités virales même à de faibles concentrations (un taux d’inhibition passant de 5,8 % à 38,4 %). L’effet synergique de l’héparine et du favipiravir entraîne un contrôle efficace de l’infection avec une excellente tolérance cellulaire.
3. Études in vivo sur la distribution pulmonaire et la biodistribution
Étant donné que les poumons sont l’organe cible de la COVID-19, les chercheurs ont testé l’administration de cette formulation en poudre sur des souris, par une injection intratrachéale, pour évaluer sa distribution et son innocuité in vivo. Trois groupes de souris ont été étudiés : deux groupes expérimentaux recevant respectivement Ma-FVP@MIL-100(Fe)-Hep et Ma-MIL-100(Fe), et un groupe témoin recevant uniquement de l’air. La distribution des particules a été analysée à différentes périodes (0,5 h, 4 h et 24 h).
Les principaux résultats sont les suivants : 1. La formulation enrobée d’héparine montre un taux de rétention pulmonaire initial significativement plus élevé que la formulation non enrobée (16,3 % vs 5 % à 0,5 heure). 2. Bien que les particules soient principalement éliminées par le foie, leur distribution initiale dans les poumons favorise une administration plus approfondie aux cellules épithéliales pulmonaires. 3. L’enrobage d’héparine confère à la formulation des propriétés de furtivité immunitaire, limitant leur reconnaissance et élimination rapide par les macrophages.
Sur le plan de la toxicité, aucune inflammation ni modification morphologique significative n’a été observée dans les tissus, concourant à la validation de la sécurité biologique de ce système.
4. Évaluation de la réponse immunitaire
Les chercheurs ont quantifié huit cytokines spécifiques (telles que l’IL-6, l’IL-12p70 et le TNF-α) dans le sérum des souris pour évaluer l’effet de la formulation sur la modulation de la réponse immunitaire. Les résultats montrent que les microsphères chargées en héparine réduisent de manière significative la sécrétion des cytokines pro-inflammatoires (par exemple, une diminution d’un ordre de grandeur de l’IL-6) tout en augmentant celle des cytokines anti-inflammatoires telles que l’IL-10. En résumé, l’introduction d’héparine oriente la réponse immunitaire vers un profil anti-inflammatoire sans induire de forte réaction inflammatoire.
Valeur et portée de l’étude
Cette recherche propose de manière innovante une combinaison de MOFs avec de l’héparine, associée au médicament antiviral favipiravir, pour offrir une nouvelle stratégie thérapeutique contre la COVID-19 et d’autres infections pulmonaires similaires. Les points saillants incluent : 1. La démonstration de l’activité antivirale intrinsèque du MIL-100(Fe) et de son absence de toxicité. 2. Une avancée majeure dans la délivrance pulmonaire et la modulation immunitaire grâce à l’enrobage d’héparine. 3. Le développement réussi de formulations en microsphères pour une administration pulmonaire, ouvrant la voie à des usages cliniques futurs.
Cette étude ouvre de nouvelles perspectives pour les applications antivirales des MOFs et fournit une solution prometteuse face aux pandémies mondiales. À l’avenir, cette plateforme 3-en-1 pourrait devenir un outil clé dans la lutte contre les épidémies.