Les capacités de théorie de l'esprit prédisent les effets du regard du robot sur la préférence d'objet

Contexte académique

Dans les interactions sociales humaines, le regard est un moyen important de transmission d’informations. Des études ont montré que le regard humain peut influencer l’attention, la cognition et même les préférences des autres. Par exemple, lorsque quelqu’un regarde un objet, l’observateur a tendance à penser que cet objet est attractif pour celui qui regarde, ce qui influence ensuite la formation de ses propres préférences. Cependant, avec le développement rapide de la technologie des robots, ceux-ci ont progressivement acquis des comportements similaires au regard humain. Alors, le regard des robots peut-il influencer les préférences des autres comme le fait le regard humain ? Cette question concerne non seulement la manière dont les humains perçoivent le comportement des robots, mais aussi la conception et l’optimisation des futures interactions homme-robot (HRI).

De plus, la théorie de l’esprit (Theory of Mind, ToM) est une capacité centrale pour comprendre les états mentaux des autres, y compris leurs intentions, croyances et émotions. La ToM joue un rôle essentiel dans les interactions sociales humaines, mais son rôle dans l’effet du regard des robots n’a pas été suffisamment étudié. Par conséquent, cette recherche vise à explorer les différences entre le regard humain et robotique dans la formation des préférences et à analyser le rôle des capacités de ToM dans ce processus.

Origine de l’article

Cette étude a été réalisée par Federico Manzi, Mitsuhiko Ishikawa, Cinzia Di Dio et d’autres chercheurs issus de plusieurs institutions de recherche, notamment l’Università Cattolica del Sacro Cuore en Italie et l’Université Hitotsubashi au Japon. L’article a été publié dans IEEE Transactions on Affective Computing, une revue importante dans le domaine du calcul affectif, axée sur la recherche croisée entre émotions et technologies informatiques. La date de publication de l’article est 2025, avec le DOI : 10.1109/TAFFC.2025.3531945.

Processus de recherche

1. Recrutement des participants et conception expérimentale

L’étude a recruté 79 participants adultes italiens, avec un ratio hommes-femmes de 40:39 et une moyenne d’âge de 23,83 ans. Tous les participants étaient des locuteurs natifs italiens et avaient signé un consentement éclairé. L’expérience s’est déroulée en ligne via la plateforme Qualtrics, et les participants ont été assignés aléatoirement à différentes tâches.

2. Tests des capacités de la théorie de l’esprit

L’étude a utilisé deux tests de capacité de ToM : - Reading the Mind in the Eyes (RME) : Les participants devaient inférer les émotions ou les états mentaux à partir de 36 images représentant des yeux humains. Chaque image proposait quatre options, et les participants devaient choisir celle qui correspondait le mieux. Le score variait de 0 à 36, un score plus élevé indiquant une meilleure capacité à interpréter les états émotionnels des autres. - Perspective Taking (PT) : Les participants devaient déduire la taille ou la forme d’un objet depuis la perspective d’une autre personne. La tâche comprenait cinq essais, chaque essai présentant une étagère, et les participants devaient choisir l’objet cible depuis la perspective de la personne située derrière l’étagère. Le score variait de 0 à 5, un score plus élevé indiquant une meilleure capacité à adopter la perspective d’autrui.

3. Tâche de préférence du regard

L’expérience utilisait un plan de mesure répétée 2×2, avec deux facteurs : “l’agent” (humain vs. robot) et “le type de question” (préférence du regard vs. préférence du participant). Les participants visionnaient 10 vidéos, chacune durant 10 secondes, où un humain ou un robot (Robovie) regardait l’un des deux objets. À la fin de chaque vidéo, les participants étaient interrogés au hasard : “Quel objet le robot/fille aime-t-il ?” (préférence du regard) ou “Quel objet aimez-vous ?” (préférence du participant). Le score pour chaque type de question variait de 0 à 5, un score plus élevé indiquant une influence plus forte du regard sur les préférences.

4. Analyse des données

L’étude a utilisé des modèles linéaires généralisés mixtes (GLMM) pour analyser les données de la tâche de préférence du regard, considérant l’agent, le type de question et le genre comme effets fixes, et l’ID des participants comme effet aléatoire. De plus, l’étude a analysé l’influence des capacités de ToM sur l’effet du regard via des modèles linéaires généralisés (GLM).

Résultats principaux

1. Tâche de préférence du regard

Les résultats montrent que, qu’il s’agisse d’humains ou de robots, le regard a un impact significativement plus grand sur la préférence du regard que sur la préférence des participants. Cela indique que le regard joue un rôle fort en tant que signal social pour transmettre les intentions du regard, mais son influence sur les préférences individuelles est plus faible.

2. Influence des capacités de ToM sur l’effet du regard

Dans la condition robot, la capacité PT prédit positivement la préférence du regard (p = 0,05), tandis que la capacité RME prédit négativement la préférence des participants (p = 0,032). Cela signifie que les personnes ayant une meilleure capacité de prise de perspective sont plus susceptibles d’inférer les préférences du robot, tandis que celles ayant une meilleure capacité à lire les émotions sont moins influencées par le regard du robot. Dans la condition humaine, les capacités de ToM n’ont pas eu d’impact significatif sur l’effet du regard.

Conclusions et implications

1. Conclusions principales

  • Les adultes traitent le regard des robots de manière similaire à celui des humains, en le percevant comme un signal d’état mental (comme une préférence pour un objet).
  • Le regard seul ne suffit pas pour influencer significativement les préférences individuelles, qu’il provienne d’un humain ou d’un robot.
  • Dans la condition robot, différentes dimensions de la ToM (prise de perspective et lecture des émotions) prédisent respectivement la préférence du regard et la préférence individuelle.

2. Valeur scientifique

Cette étude révèle pour la première fois le rôle des capacités de ToM dans l’effet du regard des robots, offrant une nouvelle perspective pour la recherche sur les interactions homme-robot. Elle montre que le regard des robots peut être interprété par les humains comme un signal d’état mental, mais son impact sur les préférences individuelles est plus faible, probablement en raison de la distance cognitive associée au statut non-humain des robots.

3. Valeur pratique

Les résultats de cette étude ont des implications importantes pour la conception des robots. Par exemple, dans des contextes sensibles comme la santé ou l’éducation, les robots peuvent combiner le regard avec des signaux émotionnels (comme un sourire ou un froncement de sourcils) pour transmettre plus efficacement leurs intentions et ainsi influencer le comportement et les préférences humaines.

Points forts de l’étude

  1. Perspective novatrice : Première exploration du rôle des capacités de ToM dans l’effet du regard des robots, comblant une lacune dans la recherche sur les interactions homme-robot.
  2. Approche interdisciplinaire : Combinaison de la psychologie et de la robotique pour révéler les mécanismes psychologiques sous-jacents à la façon dont les humains traitent le regard des robots.
  3. Potentiel d’application pratique : Les résultats fournissent des recommandations spécifiques pour la conception des robots, contribuant à améliorer leur performance dans les scénarios sociaux.

Autres informations précieuses

L’étude souligne également que les facteurs culturels peuvent influencer la manière dont les humains interprètent le regard des robots. Par exemple, dans les cultures d’Asie de l’Est, où l’acceptation des technologies robotiques est plus élevée, il pourrait être plus facile d’interpréter le regard des robots comme un signal d’état mental. Les recherches futures pourraient approfondir l’impact des différences culturelles sur l’effet du regard des robots.