L'incertitude de décision comme contexte pour la mémoire motrice

L’incertitude décisionnelle comme indice contextuel de la mémoire motrice

Introduction

Dans une séance de tirs au but lors d’un match de football, les joueurs peuvent se trouver dans deux situations de décision radicalement différentes. Par exemple, un joueur peut décider de tirer résolument vers le coin droit après avoir vu le gardien se déplacer vers l’autre côté, ou il peut exécuter le même tir sans savoir où se déplacera le gardien. On considère généralement que, quelle que soit la certitude de la décision préalable, les deux situations invoquent et exécutent la même mémoire motrice (par exemple, le programme de mouvement pour tirer à droite). Mais cette hypothèse est-elle vraie ? C’est le cœur de cette étude.

Les modèles de décision perceptive existants suggèrent que, une fois la décision prise, le programme de mouvement suivant ne tient pas compte de l’incertitude décisionnelle précédente et accomplit une tâche motrice unique. Cependant, cette étude remet en question cette idée et propose que l’incertitude décisionnelle puisse en réalité servir d’indice contextuel pour la mémoire motrice.

Les théories dominantes de l’apprentissage moteur suggèrent que le cerveau forme et change de mémoire motrice de manière flexible grâce à un processus d’inférence contextuelle, principalement basé sur des indices sensoriels externes directs spécifiant l’action. Toutefois, ces indices contextuels n’incluent pas l’état décisionnel avant l’action. Mais en réalité, il semble plus raisonnable que les individus ajustent leur action en fonction de l’incertitude décisionnelle, car cette incertitude subjective est liée à des facteurs importants tels que les résultats comportementaux. Cette étude explore si l’incertitude décisionnelle affecte la mémoire motrice et si cet effet peut s’étendre à de nouveaux contextes.

Présentation de la source

Cet article a été rédigé par Kisho Ogasa, Atsushi Yokoi, Gouki Okazawa, Morimichi Nishigaki, Masaya Hirashima et Nobuhiro Hagura. Les auteurs sont affiliés respectivement à l’Institut national des technologies de l’information et des communications (NICT) au Japon, à l’Université d’Osaka, à l’Académie chinoise des sciences et à Honda R&D Co. Ltd. Les résultats de cette recherche ont été acceptés par Nature Human Behaviour le 13 mai 2024 et publiés en ligne récemment.

Méthodologie de l’étude

Expérience 1 : Apprentissage et test de base

L’expérience se divise en deux phases : la phase d’apprentissage et la phase de test. Avant le début de l’expérience, les participants se familiarisent avec la tâche de décision de mouvement de points aléatoires. Ensuite, les participants sont divisés en deux groupes : groupe de décision certaine et groupe de décision incertaine. Le groupe de décision certaine évalue un mouvement de points aléatoires à 100 % cohérent, tandis que le groupe de décision incertaine évalue un mouvement de points à 3,2 % cohérent. Lors de la phase d’apprentissage, les participants effectuent un mouvement linéaire sous l’influence d’un champ de forces dépendant de la vitesse. Pour compenser l’interférence du champ, les participants doivent générer une force verticale appropriée (force de compensation) mesurée par des tests exploratoires (essais en canal).

Pendant la phase de test, les participants continuent d’effectuer la même tâche de champ de forces que lors de la phase d’apprentissage, mais les essais exploratoires incluent des mouvements à six niveaux d’incertitude. Cette conception permet d’observer comment la mémoire motrice formée sous une incertitude décisionnelle spécifique se généralise à différents niveaux d’incertitude. Ces niveaux d’incertitude incluent des mouvements à 3,2 %, 6,4 %, 12,8 %, 25,6 %, 51,2 % et 100 %.

Expérience 2 : L’incertitude décisionnelle comme indice contextuel

Pour démontrer directement le rôle de l’incertitude décisionnelle comme indice contextuel, les chercheurs ont conçu une expérience avec des champs de forces de différentes intensités associés à des incertitudes décisionnelles. L’expérience se divise en trois groupes : l’expérience principale 2-1 et deux expériences de contrôle 2-2 et 2-3. L’expérience principale 2-1 teste si les participants peuvent apprendre des champs de forces de différentes intensités sous des contextes d’incertitude décisionnelle différents (par exemple, associant des incertitudes décisionnelles certaines et incertaines). L’expérience de contrôle 2-2 examine le rôle des caractéristiques visuelles différentes, tandis que la 2-3 explore l’effet du temps avant la décision.

Expérience 3 : Apprentissage de champs de forces opposés

L’expérience 3 teste si les participants peuvent apprendre à compenser des champs de forces associés à des directions opposées en associant différentes incertitudes décisionnelles, en utilisant un design de groupe contrôle. L’expérience comprend deux expériences principales 3-1 et 3-2, testant différentes intensités de champs de forces, et une expérience de contrôle 3-3 vérifiant les caractéristiques visuelles.

Expérience 4 : Transfert contextuel d’incertitude décisionnelle entre différents stimuli visuels

Les chercheurs ont examiné dans l’expérience 4 le transfert de la mémoire motrice sous des niveaux d’incertitude décisionnelle similaires entre deux types de stimuli visuels : le mouvement de points aléatoires et une séquence de flèches. Cette expérience vise à déterminer si la mémoire motrice formée sous l’incertitude décisionnelle peut se transférer entre différents stimuli visuels en égalant les niveaux d’incertitude subjective des deux stimuli.

Expérience 5 : Incertitude décisionnelle pendant les phases de planification et d’exécution

Dans l’expérience 5, les chercheurs ont exploré si l’incertitude décisionnelle peut servir d’indice contextuel affectant la mémoire motrice pendant les phases de planification et d’exécution. Les participants devaient effectuer un mouvement linéaire initial, puis accomplir une action suivante selon la direction de décision. Les décisions à différents niveaux d’incertitude ont été rapportées séparément et évaluées pour leur impact sur le mouvement initial.

Principaux résultats de l’étude

L’expérience 1 a montré que les participants ont réussi à apprendre et à compenser le champ de forces dans leurs conditions d’incertitude respectives. Cependant, pendant la phase de test, les deux groupes ont montré des niveaux de compensation différents en raison de l’incertitude décisionnelle.

Dans l’expérience 2, les résultats indiquent que les participants peuvent apprendre des champs de forces de différentes intensités selon les contextes d’incertitude décisionnelle. Les expériences de contrôle 2-2 et 2-3 ont montré que cet effet n’est pas dû uniquement aux caractéristiques visuelles ou au temps avant la décision.

Les résultats de l’expérience 3 ont montré que les participants peuvent apprendre à compenser des champs de forces opposés selon les contextes d’incertitude décisionnelle, confirmant les conclusions de l’expérience 2-1.

L’expérience 4 a démontré que le contexte d’incertitude décisionnelle est abstrait et ne dépend pas de stimuli spécifiques. L’incertitude décisionnelle basée sur le mouvement de points aléatoires peut se transférer à des séquences de flèches.

L’expérience 5 a confirmé que l’incertitude décisionnelle peut également servir d’indice contextuel influençant la mémoire motrice pendant les phases de planification et d’exécution. Même sans exécuter complètement l’action décidée (essais nogo), la mémoire motrice basée sur le contexte d’incertitude peut être extraite.

Signification et valeur de l’étude

Les résultats de cette étude remettent en question les théories dominantes de la décision et de l’apprentissage moteur et étendent le rôle de l’inférence contextuelle dans la mémoire motrice. Intuitivement, ces recherches enrichissent notre compréhension de l’influence de l’inférence contextuelle sur la mémoire motrice, soulignant non seulement les indices de contrôle moteur directs, mais aussi l’incertitude du processus décisionnel lui-même.

Points forts de l’étude

  1. Vérification du rôle de l’incertitude décisionnelle comme indice contextuel de la mémoire motrice, aidant à mieux comprendre les mécanismes d’inférence contextuelle de la mémoire motrice.
  2. Démonstration de la transférabilité de la mémoire motrice entre différents stimuli visuels, suggérant l’abstraction de cette mémoire.
  3. Exploration de l’impact de l’incertitude pendant les phases de planification et d’exécution sur la mémoire motrice, enrichissant notre compréhension des mécanismes neuronaux du processus décisionnel.

Cette étude offre non seulement de nouvelles perspectives pour la recherche en apprentissage moteur et en sciences de la décision, mais pourrait également avoir des applications pratiques, telles que l’optimisation des stratégies dans l’entraînement moteur et la réhabilitation. Les recherches futures devraient explorer davantage la généralité de ce contexte d’incertitude dans différentes tâches et ses mécanismes neuronaux.