Profilage génomique des sous-types rares de carcinomes sarcomatoïdes indifférenciés du pancréas : à la recherche de cibles thérapeutiques

Caractéristiques génomiques du sous-type rare de sarcome indifférencié de cancer du pancréas

Contexte académique

Le carcinome canalaire pancréatique (Pancreatic Ductal Adenocarcinoma, PDAC) est l’un des cancers les plus mortels, avec des caractéristiques d’invasion et de métastase précoces. Le carcinome sarcomatoïde indifférencié (Undifferentiated Sarcomatoid Carcinoma, USC) est un sous-type particulièrement agressif mais rare du PDAC, représentant 2 % à 3 % de tous les cas de PDAC. Les caractéristiques histologiques de l’USC comprennent un manque de différenciation glandulaire et la présence de cellules fusiformes ressemblant à des stroma. En raison de sa rareté, le paysage génomique et le microenvironnement tumoral (Tumor Microenvironment, TME) de l’USC ne sont pas bien caractérisés, les informations actuelles provenant principalement de rapports de cas et d’études de cohortes de petite taille.

Quelques rapports de cas antérieurs suggèrent que les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires pourraient être efficaces dans le traitement de l’USC. En revanche, l’immunothérapie s’est avérée inefficace dans le traitement du PDAC. Cependant, une étude de cohorte antérieure sur six patients atteints d’USC a révélé une corrélation positive entre l’expression des gènes PD-L1 et Notch. Dans d’autres types de cancers, l’expression de Notch est également liée à la réponse clinique aux inhibiteurs de points de contrôle immunitaires, suggérant la possibilité de cibler l’USC par ce biais.

Source de l’étude

Cet article de recherche a été rédigé par Erik B. Faber, Harris B. Krause, Khalid Amin, Philip Walker, Peter J. Hosein, Anthony F. Shields, Heinz-Josef Lenz, Ajay Prakash, Sanjay Goel, Matthew Oberley, Giuseppe Malleo, Claudio Luchini, Justin Hwang, Vaia Florou, Ignacio Garrido-Laguna et Emil Lou, issus de diverses institutions telles que l’Université du Minnesota, Caris Life Sciences, l’Université de Miami, Wayne State University, l’Université de Californie du Sud, et l’Université d’Utah. L’article a été publié le 9 mai 2024 dans la revue JCO Precision Oncology.

Processus et méthodes de l’étude

Échantillons et évaluation pathologique

L’étude a utilisé 20 échantillons d’USC et 5562 échantillons de PDAC non-USC, fournis par Caris Life Sciences, prélevés entre 2016 et 2022. Ces échantillons ont été évalués par des pathologistes gastro-intestinaux certifiés pour confirmer le diagnostic, en utilisant la plateforme Halo AP pour l’évaluation histologique. Les tumeurs ne répondant pas aux critères de diagnostic de l’USC ont été exclues, en prévoyant d’inclure les cas USC avec une composante indifférenciée mineure.

Séquençage génomique

Des coupes minces ont été préparées à partir des échantillons tumoraux inclus dans la paraffine pour enrichir la section tumorale, en utilisant la plateforme NextSeq d’Illumina pour séquencer un panel ciblé de 592 gènes, ou en utilisant les technologies de la même entreprise pour le séquençage de l’exome complet (Whole-Exome Sequencing, WES). La profondeur de séquençage moyenne était de 500 fois, et l’analyse des données était basée sur la fréquence des variations et la couverture des amplicons pour détecter les variations.

Identification des variations génétiques

Les variations génétiques ont été interprétées par des généticiens moléculaires certifiés et classées selon les normes de l’American College of Medical Genetics and Genomics. Les variations Pathogenic (pathogènes) et Likely Pathogenic (probablement pathogènes) étaient comptabilisées comme mutations, tandis que les variations Benign (bénignes), Likely Benign (probablement bénignes) et Variant of Unknown Significance (VUS, variation de signification inconnue) étaient exclues.

Analyse du microenvironnement immunitaire tumoral (TME)

Une analyse de déconvolution des données RNAseq via l’algorithme Quantiseq a été menée pour estimer la proportion des cellules immunitaires dans le TME, déterminer la charge mutationnelle tumorale (Tumor Mutational Burden, TMB) et l’état d’instabilité des microsatellites (Microsatellite Instability, MSI).

Résultats de l’étude

Caractéristiques cliniques et mutations génétiques

Parmi les 20 patients atteints d’USC, les gènes les plus fréquemment mutés étaient TP53 (95 %), KRAS (84 %) et CDKN2A (21 %), ces gènes étant également fortement mutés dans le PDAC non-USC. Parmi les mutations de KRAS, les mutations de type G12D, G12V et G12R représentaient respectivement 56 %, 31 % et 13 %. Des différences plus marquées incluaient des mutations dans les gènes suppresseurs de tumeurs MSH6 (11 %), MLH3 (8 %) et CTCF (5,3 %).

Marqueurs de points de contrôle immunitaires et cibles thérapeutiques

Comparativement au PDAC non-USC, l’expression positive de PD-L1 était significativement augmentée dans les tumeurs USC (63 % contre 16 %, p < .001), ainsi que la présence des neutrophiles (8,99 % contre 5,55 %, p = .005), des cellules dendritiques (1,08 % contre 0,00 %, q = 0.022), et l’expression des gènes de points de contrôle immunitaires PDCD1LG2 (4,6 % contre 1,3 %, q = 0.001), PDCD1 (2.0 % contre 0.8 %, q = 0.060) et HAVCR2 (45.9 % contre 21.7 %, q = 0.107). Ces résultats suggèrent une exploration plus poussée de l’utilisation des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires dans les tumeurs USC.

Discussion et conclusion

Cette étude représente la plus grande analyse moléculaire à ce jour des tumeurs USC. Bien que les mutations dans les gènes pilotes soient similaires entre les USC et les PDAC non-USC, l’expression significativement augmentée de PD-L1 et des gènes PDCD1LG2 dans les tumeurs USC soulève des questions sur le potentiel de traitement ciblé immunitaire. L’étude a également trouvé moins de cellules B, mais plus de neutrophiles et de macrophages M2 dans les tumeurs USC, suggérant que leur TME pourrait être plus immunosuppressif.

Signification et valeur

Cette étude révèle des caractéristiques immunitaires uniques de l’USC par le biais d’une analyse génomique détaillée, suggérant le potentiel de traiter ce sous-type agressif de PDAC avec des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires. Bien que l’USC soit rare dans la clinique, les marqueurs et cibles potentiels identifiés dans cette étude fournissent une base solide pour des stratégies de traitement futures. Les recherches futures pourraient inclure la comparaison du pronostic des patients USC ayant reçu ou non une immunothérapie, ainsi que les différences d’efficacité des traitements entre les patients USC et PDAC non-USC.