Les humains ont besoin d'expérience auditive pour produire des vocalisations non verbales volitionnelles typiques
Les humains ont besoin d’expériences auditives pour produire des vocalisations non verbales volontaires typiques
Introduction
Cette étude de recherche explore si les humains ont besoin d’input auditif pour produire des expressions émotionnelles non verbales (comme des cris et des pleurs). Ces vocalisations non verbales semblent avoir une base réflexe forte, mais de nombreuses vocalisations émotionnelles sont sous notre contrôle volontaire. Cela suggère que ces vocalisations, comme le langage, pourraient nécessiter un input auditif pour un développement normal. Pour tester cette hypothèse, les auteurs ont analysé plusieurs centaines de vocalisations volontaires produites par des adultes totalement sourds et un groupe témoin avec une audition typique.
Présentation de la source
Cet article a été publié dans “Communications Psychology” en 2024, réalisé conjointement par Katarzyna Pisanski, David Reby et Anna Oleszkiewicz. Les auteurs sont respectivement affiliés au laboratoire de recherche en bioacoustique ENES, CRNL Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon, Université de Saint-Étienne, France ; au CNRS Centre National de la Recherche Scientifique, France ; à l’Institut de Psychologie, Université de Wrocław, Pologne ; et au Département d’Oto-rhino-laryngologie, Université Technique de Dresde, Allemagne.
Processus de recherche
Sujets d’étude et conception expérimentale
L’étude incluait 60 adultes totalement sourds et 60 sujets témoins avec une audition normale, appariés par sexe et âge. Tous les sujets ont été invités à produire des vocalisations non verbales exprimant l’agression, la douleur et la peur, avec trois échantillons audio par personne, pour un total de 360 échantillons vocaux.
Collecte et analyse des sons
La collecte des sons a été réalisée dans une pièce calme, utilisant un équipement d’enregistrement avec une quantification 24 bits et un taux d’échantillonnage de 48kHz. Les analyses acoustiques ont ensuite été effectuées à l’aide du logiciel open source Praat et du package R soundgen, incluant 15 paramètres sonores tels que la fréquence fondamentale (pitch), les vibrations, le bruit, l’amplitude et les phénomènes non linéaires.
Analyse des données
Des modèles linéaires mixtes (Linear Mixed Models, LMMs) ont été utilisés pour comparer les échantillons vocaux des sujets sourds et du groupe témoin, en considérant principalement la structure spectro-temporelle des vocalisations. L’étude a également mené une série d’expériences de perception auditive pour évaluer comment les auditeurs identifient et perçoivent ces vocalisations.
Principaux résultats de recherche
Résultats de l’analyse vocale
Structure anormale des vocalisations non verbales chez les sujets sourds : Les adultes sourds produisaient généralement des vocalisations à haute fréquence, monotones, manquant de phénomènes non linéaires et sans phonèmes efficaces. Ces vocalisations étaient particulièrement inhabituelles lors de l’expression de l’agression et de la douleur. Dans le groupe témoin, les vocalisations agressives étaient généralement de basse fréquence, aiguës et contenaient plus de phénomènes non linéaires, tandis que les sujets sourds produisaient l’inverse, leurs vocalisations étant trop tonales, manquant d’acuité et de rugosité.
Relative normalité des vocalisations de peur : En comparaison, les vocalisations de peur des sujets sourds étaient relativement plus conformes à la typicité auditive, bien qu’elles aient été identifiées comme ayant des fréquences plus élevées, mais avec une distorsion globale moindre. Cela suggère que les vocalisations de peur pourraient avoir une base innée et biologique plus forte, leur permettant de se développer normalement avec moins d’input auditif.
Résultats des expériences de perception auditive
Précision de l’identification émotionnelle : Dans une tâche de choix forcé, les auditeurs ont pu identifier plus précisément l’intention émotionnelle des vocalisations non verbales du groupe témoin, tandis que la précision d’identification émotionnelle pour le groupe sourd a significativement diminué. Plus spécifiquement, les vocalisations agressives du groupe sourd étaient plus souvent mal identifiées comme de la peur ou de la douleur.
Jugement d’authenticité : Les auditeurs ont jugé les vocalisations des sujets sourds comme moins authentiques que celles du groupe témoin, particulièrement pour l’expression de l’agression qui a été jugée extrêmement inauthentique. Cela est lié au manque de caractéristiques typiques d’agression dans leurs vocalisations, tandis que les évaluations d’authenticité pour la douleur et la peur étaient relativement plus proches.
Identification de la perte auditive : Les auditeurs ont pu déterminer auditivement si le vocalisant avait une perte auditive, ce qui indique que les vocalisations non verbales des sujets sourds diffèrent structurellement de manière significative de celles des personnes avec une audition normale.
Effets supplémentaires d’une privation auditive sévère
L’étude a en outre divisé les sujets sourds en deux groupes : ceux sans aucune expérience auditive (sourds congénitaux n’ayant jamais utilisé d’appareils auditifs) et ceux avec une expérience auditive partielle. Les résultats ont montré que les sujets sans aucune expérience auditive présentaient les anomalies de structure vocale les plus sévères et les plus grandes difficultés d’identification émotionnelle.
Conclusion et signification
Cette étude démontre que les humains ont effectivement besoin d’input auditif pour produire des vocalisations non verbales volontaires typiques. Cette découverte souligne l’importance de l’expérience auditive dans le développement vocal, indiquant que non seulement le langage, mais aussi les sons émotionnels non verbaux nécessitent un apprentissage sonore pour atteindre leur pleine expression. Les anomalies vocales enregistrées reflètent également le rôle crucial de l’input auditif dans l’expression émotionnelle, offrant de nouvelles perspectives et directions d’intervention pour la communication émotionnelle des personnes malentendantes.
Cette recherche ne fait pas seulement progresser notre compréhension des mécanismes de vocalisation et d’expression émotionnelle humaines, mais fournit également une base scientifique précieuse et des méthodes d’intervention potentielles pour la communication non verbale des personnes malentendantes.