Association des variantes de l'EIF2AK3 avec les troubles neurocognitifs chez les personnes vivant avec le VIH

Rapport de recherche sur l’association entre les variations génétiques et les troubles neurocognitifs chez les patients atteints du VIH

Au cours des dernières décennies, la thérapie antirétrovirale (ART) a considérablement amélioré l’état de santé des personnes infectées par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Cependant, même lorsque le virus est efficacement supprimé et que le système immunitaire est partiellement restauré, jusqu’à 50% des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) connaissent un certain degré de troubles neurocognitifs (TNC) et d’autres maladies du système nerveux. Les TNC légers sont particulièrement persistants dans ces circonstances, même lorsque les niveaux d’ARN viral sont réduits en dessous du seuil de détection.

Comme le montrent les études, les troubles neuropsychiatriques tels que la dépression et les maladies liées au vieillissement sont plus fréquents chez les PVVIH. De plus, un faible nombre de lymphocytes T CD4+, le syndrome métabolique, la co-infection par le virus de l’hépatite C (VHC) et la dépression sont associés à un risque accru de TNC. Bien qu’il n’existe actuellement pas de traitement plus efficace que l’ART, la recherche de biomarqueurs mécanistiques de la vulnérabilité neurocognitive pourrait aider à diagnostiquer précocement les TNC et à développer de nouvelles approches thérapeutiques.

Le contexte de recherche montre que la réplication du VIH, le vieillissement et l’inflammation chronique déclenchent la réponse au stress intégré (Integrated Stress Response, ISR), une voie cellulaire omniprésente qui répond aux signaux de stress tels que les interleukines. L’ISR régule l’homéostasie cellulaire en activant des kinases senseurs spécifiques comme PERK (PKR-like endoplasmic reticulum kinase), qui à son tour active des molécules de signalisation en aval comme eIF2α (facteur d’initiation eucaryote 2α). Cependant, une activation prolongée de l’ISR peut entraîner des dommages cellulaires ou la mort.

Des recherches récentes suggèrent que des variants mononucléotidiques (Single-Nucleotide Variants, SNVs) spécifiques de PERK, codé par EIF2AK3, sont associés à des maladies neurodégénératives, certains haplotypes codant pour des protéines étant liés à un risque accru de paralysie supranucléaire progressive (PSP). Par conséquent, cet article émet l’hypothèse que des allèles mineurs spécifiques d’EIF2AK3 pourraient être des facteurs de risque de TNC chez les PVVIH.

Source de l’étude

Cette étude a été réalisée en collaboration par plusieurs chercheurs, dont Cagla Akay-Espinoza, Sarah E.B. Newton, Beth A. Dombroski et Asha Kallianpur. Les auteurs sont affiliés à des institutions telles que l’Université de Pennsylvanie, l’Institut de recherche Lerner de la Cleveland Clinic et l’Université de Californie à San Diego. L’article a été publié dans le Journal of Neuroimmune Pharmacology en 2024.

Processus de recherche

Cette étude a utilisé une approche de gène candidat, analysant rétrospectivement les données de 1047 participants de la cohorte Charter pour évaluer l’association entre les SNVs d’EIF2AK3 et les performances neurocognitives chez les personnes infectées par le VIH. Les principales étapes de l’étude comprennent :

  1. Sujets d’étude et collecte de données : Sur 1047 participants, 992 disposaient de données d’analyse d’ADN génomique, de traitement médicamenteux et d’informations liées à la maladie.
  2. Génotypage et séquençage : Analyse de trois SNVs non codants tels que rs6739095, rs1913671, rs11684404, et trois SNVs codants tels que rs867529, rs1805165 et rs13045 à l’aide de données génomiques spécifiques et de séquençage ciblé.
  3. Évaluation neurocognitive : Utilisation de méthodes d’évaluation neuropsychologique standardisées pour tester sept domaines cognitifs liés au VIH, dont l’apprentissage, la mémoire, les fonctions exécutives et la fluence verbale.
  4. Analyse statistique : Combinaison de méthodes univariées et multivariées avec des régressions linéaires et logistiques pour évaluer l’association entre les SNVs et les performances neurocognitives.

Principaux résultats

L’étude a révélé que les trois SNVs non codants d’EIF2AK3 étaient significativement associés au GDS (Global Deficit Score) et aux TNC. Des données spécifiques montrent que le score GDS moyen pour l’allèle à risque cc de rs11684404 était respectivement de 0,43 (tt), 0,50 (ct) et 0,56 (cc). Parmi les trois SNVs codants, plus de 30% des participants présentaient au moins un allèle à risque, y compris rs13045(a).

L’analyse multivariée a montré que l’allèle à risque rs13045(a), l’utilisation actuelle d’ART et un score BDI-II (Beck Depression Inventory-II) >13 étaient indépendamment associés au GDS et aux TNC. rs867529 et rs1805165 n’étaient pas significatifs dans les modèles incluant rs13045(a). Cependant, les SNVs codants étaient associés aux performances dans les domaines des fonctions exécutives, des fonctions motrices, de l’apprentissage et de la fluence verbale. Une augmentation des niveaux d’IL-6 dans le LCR était également significativement associée aux SNVs codants d’EIF2AK3.

Conclusion

Cette étude démontre que les SNVs codants et non codants d’EIF2AK3 sont significativement associés aux performances neurocognitives globales et spécifiques à certains domaines chez les personnes infectées par le VIH. Bien que ces associations n’aient montré que des effets faibles à modérés dans l’analyse multivariée, elles suggèrent que des variations génétiques spécifiques pourraient être des facteurs de vulnérabilité génétique potentiels pour les TNC chez les PVVIH. Cette étude souligne l’importance de la détection des facteurs de l’hôte au début du processus de la maladie, offrant de nouvelles perspectives pour des stratégies de prévention ou de traitement plus efficaces.

Points forts de l’étude

  1. Première démonstration de l’association de multiples SNVs codants et non codants d’EIF2AK3 avec les performances cognitives chez les PVVIH.
  2. Mise en évidence du mécanisme pathogène potentiel de la réponse au stress intégré chez les personnes infectées par le VIH, soulignant l’importance de la voie PERK.
  3. Clarification de la relation entre des variations génétiques spécifiques, les concentrations d’IL-6 dans le LCR et les symptômes de TNC, soulignant le rôle de la neuroinflammation dans les TNC liés au VIH.
  4. Identification de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles, telles que la régulation de PERK et de la voie ISR, présentant une valeur scientifique et clinique importante.

Autres informations pertinentes

L’étude souligne la nécessité de recherches supplémentaires sur les mécanismes d’action de variations génétiques spécifiques, par exemple comment les réponses cellulaires spécifiques au stress pathologique influencent le processus des TNC. De plus, des études de validation futures dans des cohortes plus importantes, explorant la relation entre ces gènes et les biomarqueurs moléculaires et d’imagerie, sont essentielles. Cela fournira une base importante pour la médecine personnalisée et les mesures thérapeutiques complémentaires.

Cette étude fournit des données détaillées et des arguments scientifiques qui révèlent davantage les bases génétiques et les mécanismes moléculaires des troubles neurocognitifs chez les personnes infectées par le VIH, avec des implications importantes pour la recherche scientifique et les applications cliniques.