Nouveau aperçu des mécanismes d'action de l'atogépant dans la prévention de la migraine

Une nouvelle étude révèle le mécanisme d’action de l’atogépant dans la prévention de la migraine

Contexte

La migraine est une maladie neurologique courante et très invalidante qui affecte la qualité de vie de millions de personnes dans le monde. Le peptide lié au gène de la calcitonine (CGRP) est considéré comme jouant un rôle clé dans la physiopathologie de la migraine. Le CGRP libéré par les neurones du ganglion trigéminal sensoriel dans des zones telles que la dure-mère et la choroïde peut provoquer des céphalées de type migraine. De plus, la dilatation de l’artère méningée moyenne est l’une des manifestations caractéristiques de la migraine déclenchée par le CGRP (Hansen et al., 2010). Ces dernières années, les médicaments inhibant le signal CGRP, tels que les anticorps monoclonaux anti-CGRP et les antagonistes des récepteurs du CGRP, ont montré une efficacité dans la prévention de la migraine (Goadsby et al., 2017 ; Lipton et al., 2019).

Présentation de l’étude

Cette étude a été menée par Agustin Melo-Carrillo et al., une équipe de recherche du Beth Israel Deaconess Medical Center et de la Harvard Medical School, en collaboration avec Allergan, une société d’Abbvie. L’article de recherche a été publié le 27 février 2024 dans la revue “Brain” d’Oxford University Press. L’étude visait à explorer le mécanisme d’action de l’atogépant, un petit antagoniste moléculaire des récepteurs du CGRP, dans la prévention de la migraine, en particulier son effet sur l’activation et la sensibilisation des neurones trigéminovasculaires centraux à seuil élevé (HT) et à large gamme dynamique (WDR) de la dure-mère induites par la dépression corticale propagée (CSD).

Méthodologie de recherche

L’expérience a utilisé 40 rats mâles Sprague-Dawley et a été approuvée par le comité de soins aux animaux du Beth Israel Deaconess Medical Center et de la Harvard Medical School. La conception expérimentale était la suivante :

  1. Préparation préopératoire : Les rats ont été anesthésiés par voie intraveineuse, puis une craniotomie a été pratiquée pour exposer le sinus transverse gauche et des zones spécifiques de la moelle épinière pour l’enregistrement électrophysiologique.
  2. Injection d’atogépant : L’atogépant ou le véhicule ont été administrés par injection intraveineuse 1 heure avant l’induction de la CSD.
  3. Enregistrement neuronal : L’activité unitaire individuelle du noyau trigéminal spinal a été enregistrée à l’aide de microélectrodes en tungstène. La période d’enregistrement comprenait une période de référence, 1 heure après l’injection du médicament, et 2 heures après l’induction de la CSD.
  4. Induction de la CSD : La CSD a été provoquée par piqûre d’aiguille, tout en enregistrant l’activité électrique cérébrale. La CSD est un événement cortical associé aux crises de migraine.
  5. Analyse des données : Les réponses des différents types de neurones à la CSD et aux stimuli mécaniques ont été analysées statistiquement, y compris les neurones HT et WDR. Des tests non paramétriques à mesures répétées et le test exact de Fisher ont été utilisés pour l’analyse statistique.

Résultats de l’étude

Les résultats de l’étude ont montré que le prétraitement à l’atogépant pouvait inhiber de manière significative l’activation et la sensibilisation des neurones à seuil élevé (HT), mais n’avait pas d’effet inhibiteur significatif sur l’activation des neurones à large gamme dynamique (WDR).

  • Neurones à seuil élevé (HT) : Dans le groupe témoin, la CSD a déclenché l’activation de 80% (810) des neurones HT, tandis que dans le groupe traité, seuls 10% (110) des neurones HT ont été activés (p = 0,005). Une analyse plus approfondie a montré que le taux de décharge spontanée des neurones HT du groupe témoin avait augmenté de manière significative 1 heure et 2 heures après la CSD, tandis qu’aucun changement significatif n’a été observé dans le groupe traité.
  • Neurones à large gamme dynamique (WDR) : Dans le groupe témoin, la CSD a déclenché l’activation de 70% (710) des neurones WDR, contre 50% (510) dans le groupe traité (p = 0,64). Bien que l’atogépant n’ait pas pu empêcher complètement l’activation des neurones WDR, il a pu inhiber de manière significative leur réponse aux stimuli mécaniques.

Discussion et conclusion

Cette étude démontre que l’atogépant peut prévenir l’activation et la sensibilisation des neurones à seuil élevé (HT) en inhibant sélectivement les fibres Aδ faiblement myélinisées. Cette inhibition sélective peut être attribuée à l’expression élevée des récepteurs du CGRP sur les fibres Aδ faiblement myélinisées et les neurones HT. De plus, l’atogépant atténue la sensibilisation centrale induite par les médicaments anti-CGRP dans le noyau trigéminal en inhibant la transmission synaptique lente médiée par le CGRP.

L’atogépant a un effet inhibiteur plus faible sur les neurones à large gamme dynamique (WDR), probablement en raison de son impact moindre sur les fibres C non myélinisées. Cependant, l’atogépant peut prévenir la sensibilisation centrale des neurones WDR en réduisant les entrées de transmission lente provenant des fibres C de la dure-mère.

Points forts de l’étude

  • Haute sélectivité : L’atogépant agit sélectivement sur les fibres Aδ faiblement myélinisées, inhibant de manière significative l’activation des neurones HT, ce qui est un mécanisme clé dans la prévention de la migraine.
  • Prévention de la sensibilisation centrale : Bien que l’atogépant n’ait pas d’effet significatif sur l’activation des neurones WDR, il prévient efficacement le processus de sensibilisation centrale en inhibant les entrées de transmission lente médiées par les fibres C.
  • Perspectives d’application clinique : Ces découvertes élargissent notre compréhension du mécanisme d’action de l’atogépant dans la migraine, soulignant sa valeur potentielle dans la prévention des crises de migraine et de la sensibilisation centrale.

Cette étude, grâce à une conception expérimentale et une analyse détaillées, révèle le mécanisme d’action complexe de l’atogépant dans la prévention de la migraine, fournissant un soutien solide pour les futures applications cliniques.

Limites de l’étude et orientations futures

Bien que l’étude actuelle n’ait été menée que sur des rats mâles, les recherches futures devraient valider les résultats actuels chez les rats femelles. De plus, davantage d’essais cliniques sont nécessaires pour confirmer l’efficacité réelle de l’atogépant chez les patients migraineux humains.