Le glioblastome induit le recrutement et la différenciation des neutrophiles 'hybrides' de type dendritique à partir de la moelle osseuse du crâne
Contexte
Le glioblastome (GBM) est une tumeur maligne du système nerveux central extrêmement agressive, avec un pronostic très pauvre, et la durée de vie des patients est généralement courte. Bien que les technologies et méthodes de traitement des tumeurs aient considérablement progressé ces dernières années, la radiothérapie et la chimiothérapie classiques n’obtiennent toujours pas des résultats satisfaisants, car elles ciblent principalement les cellules tumorales elles-mêmes, sans prendre suffisamment en compte le rôle de soutien du microenvironnement tumoral (TME) dans la croissance et l’invasivité des tumeurs. Les cellules GBM attirent différents types de cellules immunitaires en sécrétant des cytokines, des chimiokines et des facteurs de croissance, ces cellules immunitaires agissent dans le microenvironnement tumoral, influençant l’invasivité de la tumeur et la résistance au traitement. Bien que la plupart des études se concentrent sur le rôle des macrophages associés aux tumeurs (TAM) dans le GBM, la fonction des neutrophiles associés aux tumeurs (TAN) dans le GBM a été peu étudiée.
Cet article, rédigé par Meeki Lad et al. du Département de Neurochirurgie de l’Université de Californie à San Francisco (UCSF), a été publié dans le journal Cancer Cell en septembre 2024, et révèle pour la première fois que les neutrophiles immatures de la moelle osseuse crânienne sont induits à se polariser en un type “hybride” avec des caractéristiques dendritiques dans le microenvironnement du GBM. Cette découverte montre que le GBM recrute et induit la polarisation dendritique de ces neutrophiles, formant des cellules immunitaires capables de présenter des antigènes, activant ainsi la réponse des cellules T anti-tumorales. Cette recherche fournit non seulement de nouvelles perspectives sur le microenvironnement immunitaire du GBM, mais indique également la moelle osseuse crânienne comme une cible thérapeutique potentielle pour les tumeurs du système nerveux central (CNS).
Méthodes de recherche
Conception et processus de l’étude
Cette étude utilise une combinaison de diverses expériences in vitro, des modèles animaux et la technologie de séquençage d’ARN monocaténaire (scRNA-seq), divisée en plusieurs étapes :
- Isolation et analyse des neutrophiles : Isolation des TAN à partir des tissus tumoraux des patients atteints de GBM et comparaison de leur transcriptome avec celui des neutrophiles du sang périphérique des patients (PBN), en analysant les différences dans les gènes liés à la présentation des antigènes.
- Validation de l’origine crâniale de la moelle osseuse : A travers des expérimentations de transplantation, les chercheurs confirment que les cellules présentatrices d’antigènes (APC) immatures migrent de la moelle osseuse crânienne vers le GBM. Grâce à des essais de transplantation de fragments crâniens marqués par fluorescence, les chercheurs ont découvert la contribution unique de la moelle osseuse crânienne aux cellules présentatrices d’antigènes tumoraux.
- Étude fonctionnelle des neutrophiles “hybrides” : En utilisant la cytométrie en flux pour détecter l’expression des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité de classe II (MHCII) chez les TAN et confirmer par des tests in vivo et in vitro leur rôle dans l’activation des lymphocytes T.
- Vérification de l’effet anti-tumoral : Dans un modèle murin de GBM, évaluer l’impact du retrait des TAN ou des cellules T sur la charge tumorale et le microenvironnement tumoral.
Analyse des données et technologies innovantes
Pour explorer davantage l’état de polarisation fonctionnelle des TAN, les auteurs ont utilisé la technologie de scRNA-seq pour analyser les caractéristiques d’expression des gènes liés aux voies de présentation des antigènes, à la chimiotaxie, et aux fonctions phagocytaires chez les TAN et PBN des patients. De plus, afin de vérifier la fonction anti-tumorale des TAN, les chercheurs ont réalisé des expérimentations de déplétion systémique des neutrophiles, ainsi que des essais d’induction de migration des neutrophiles crâniens à l’aide du médicament AMD3100, dont les résultats soutiennent l’effet anti-tumoral des TAN. Cette voie de différenciation où des neutrophiles “hybrides” avec une capacité de présentation antigénique sont induits à partir de cellules précurseurs de la moelle osseuse offre une nouvelle perspective pour comprendre le microenvironnement immunitaire du GBM.
Résultats de l’étude
Principales découvertes
Fonction de présentation des antigènes des TAN : En utilisant la cytométrie en flux et des tests de traitement des antigènes, les chercheurs ont découvert que les cellules “hybrides” chez les TAN des patients atteints de GBM sont non seulement morphologiquement complexes, mais expriment aussi des gènes de présentation antigénique et peuvent activer les cellules T. Ces neutrophiles “hybrides” survivent à long terme dans le microenvironnement du GBM, défiant la notion conventionnelle que les neutrophiles sont de courte durée et n’agissent que comme observateurs.
Inhibition du GBM dépendante des cellules T : Des expériences in vivo montrent que l’effet inhibiteur des neutrophiles sur le GBM dépend des cellules T, réalisé via la voie de signalisation de l’interféron (IFN). Ce résultat indique que les neutrophiles “hybrides” du GBM peuvent activer les cellules T via une voie dépendante du MHCII, inhibant ainsi la croissance tumorale.
Neutrophiles “hybrides” d’origine médullaire : Par la transplantation de fragments crâniens marqués, les chercheurs ont prouvé que la moelle osseuse crânienne est la principale source des neutrophiles présentateurs d’antigènes du GBM, plutôt que des neutrophiles matures circulants. Des analyses supplémentaires montrent que les neutrophiles immatures de la moelle osseuse crânienne sont induits à se polariser dans le GBM, devenant progressivement capables de présenter des antigènes.
Potentiel thérapeutique de l’AMD3100 : La recherche a révélé que l’utilisation du médicament AMD3100 pour stimuler la migration des neutrophiles de la moelle osseuse crânienne peut significativement prolonger la durée de vie des souris, suggérant un potentiel thérapeutique.
Signification des résultats
Ces découvertes indiquent que le GBM utilise un nouveau mécanisme d’évasion immunitaire en recourant aux neutrophiles immatures de la moelle osseuse, qui sont polarisés en cellules “hybrides” capables de présenter des antigènes dans le microenvironnement tumoral, activant une réponse des cellules T anti-tumorale. Ce résultat révèle non seulement le rôle anti-tumoral des TAN dans le GBM, mais souligne également la place cruciale de la moelle osseuse crânienne dans le microenvironnement immunitaire du GBM, offrant de nouvelles cibles pour l’immunothérapie du GBM à l’avenir.
Conclusion et valeur de la recherche
La conclusion de cette étude est que la moelle osseuse crânienne peut fournir au microenvironnement du GBM des cellules présentatrices d’antigènes immatures, y compris des neutrophiles “hybrides” ayant des caractéristiques dendritiques, qui exercent une fonction immunitaire anti-tumorale dans le microenvironnement tumoral. Ces découvertes fournissent de nouvelles idées pour l’immunothérapie du glioblastome, en particulier pour l’utilisation de médicaments qui augmentent la migration des neutrophiles médullaires (comme l’AMD3100) dans le traitement du GBM.
Points forts de la recherche
- Cette étude révèle pour la première fois le rôle de soutien immunitaire de la moelle osseuse crânienne dans le microenvironnement tumoral du système nerveux central, et indique qu’elle pourrait devenir une cible thérapeutique clinique.
- L’état de polarisation “hybride” des TAN possède une fonction unique de présentation antigénique, capable d’activer les cellules T via une voie dépendante du MHCII, offrant ainsi une nouvelle approche pour l’immunothérapie tumorale.
- L’utilisation du médicament AMD3100 pour augmenter la migration des neutrophiles de la moelle osseuse crânienne peut significativement prolonger la durée de vie des souris modèles de GBM, démontrant la valeur clinique potentielle de l’amélioration de la migration des neutrophiles médullaires.
Perspectives d’avenir
Cette recherche indique une direction de recherche importante : explorer davantage le rôle des cellules immunitaires d’origine médullaire dans le microenvironnement des tumeurs du système nerveux central. Les recherches futures pourront approfondir le rôle immunitaire de la moelle osseuse crânienne dans d’autres tumeurs ou pathologies du CNS, en évaluant notamment l’efficacité et la sécurité clinique de médicament tels que l’AMD3100.