L'obésité intensifie la signalisation interféron spécifique au sexe pour aggraver sélectivement l'auto-immunité du système nerveux central chez les femmes
L’obésité aggrave les maladies auto-immunes du système nerveux central chez les femmes par le biais de signaux d’interféron spécifiques au sexe
Ces dernières années, l’augmentation de l’incidence des maladies auto-immunes du système nerveux central (SNC) chez les femmes a suscité une attention considérable. L’obésité, en tant que facteur de risque environnemental potentiel, est progressivement devenue un sujet de recherche brûlant. Un article intitulé « Obesity Intensifies Sex-Specific Interferon Signaling to Selectively Worsen Central Nervous System Autoimmunity in Females » a été récemment publié dans la dernière édition de “Cell Metabolism”, dirigé par le Dr. Brendan Cordeiro et son équipe. L’étude révèle comment l’obésité, à travers des voies de signalisation des interférons spécifiques au sexe, aggrave la gravité des maladies auto-immunes du SNC chez les femmes. Cette recherche intègre des données humaines et de modèles murins, analysant profondément les interactions complexes entre l’obésité et le sexe dans la promotion des maladies auto-immunes du SNC.
Contexte et objectifs de l’étude
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie auto-immune qui attaque la substance blanche du SNC, caractérisée par des lésions inflammatoires démyélinisantes entraînées par des cellules T CD4+ autoréactives. Les femmes ont un risque significativement plus élevé de développer la SEP que les hommes, cette différence de sexe devenant particulièrement évidente après la puberté. En outre, l’incidence de la SEP chez les femmes a considérablement augmenté ces dernières décennies, suivant la même tendance que l’augmentation de l’obésité. L’obésité influence non seulement le risque de SEP, mais peut également modifier les réponses immunitaires des cellules T auxiliaires (Th1 et Th17) par divers mécanismes, favorisant ainsi le développement des maladies auto-immunes du SNC.
Bien que l’association entre l’obésité et la SEP ait été confirmée, les mécanismes spécifiques restent flous. Pour révéler comment l’obésité favorise l’inflammation auto-immune du SNC par des mécanismes spécifiques au sexe, cette recherche a combiné l’analyse protéomique sérique humaine avec des expériences sur modèles murins, expliquant systématiquement le processus d’immunorégulation induit par l’obésité.
Méthodes de recherche
1. Analyse protéomique sérique humaine
L’équipe de recherche a comparé les caractéristiques protéomiques sériques de patients masculins et féminins atteints de SEP rémittente-récurrente (RRMS) et d’un groupe de contrôle sain, avec des échantillons stratifiés selon l’état d’obésité (IMC ≥ 30 kg/m² pour le groupe obèse, IMC < 30 kg/m² pour le groupe non obèse). Une analyse protéomique multiple a été utilisée pour explorer comment le sexe et l’obésité co-régulent les voies de signalisation inflammatoires.
2. Expériences sur modèles murins
Pour étudier davantage l’effet de l’obésité sur les maladies auto-immunes du SNC, l’équipe de recherche a induit l’obésité chez les souris par un régime riche en graisses (RDG) et a utilisé le modèle d’encéphalomyélite auto-immune expérimentale (EAE) pour simuler le processus pathologique de la SEP. L’expérience a été divisée en plusieurs parties : - Induction de l’obésité et établissement du modèle EAE : des souris mâles et femelles C57BL/6J âgées de 6 semaines ont été nourries avec un RDG ou une alimentation normale (AND) pendant 4 semaines, puis ont été injectées avec une protéine de myéline oligodendrocytaire (MOG35–55) et un adjuvant complet de Freund (CFA) pour induire l’EAE. - Analyse des cellules immunitaires : l’analyse par cytométrie de flux a évalué le nombre et la fonction des sous-populations de cellules immunitaires dans la rate et le SNC, y compris l’expression des cytokines inflammatoires par les cellules T CD4+. - Analyse de l’expression des gènes et des protéines : séquençage d’ARN et analyse de l’expression protéique des cellules T CD4+, examinant l’état d’activation des voies de signalisation des interférons. - Expérimentation d’intervention par hormones sexuelles : l’ovariectomie a été utilisée pour étudier l’effet régulateur des œstrogènes sur la réponse immunitaire liée à l’obésité.
Résultats de la recherche
1. Caractéristiques inflammatoires spécifiques au sexe
Dans les échantillons humains, l’obésité a significativement augmenté l’expression des protéines inflammatoires associées à Th1 et IL-17 dans le sérum des femmes, y compris la voie de signalisation des interférons (IFN), tandis que les modifications étaient moins notables chez les hommes. L’analyse protéomique a montré que les voies de signalisation inflammatoires étaient significativement régulées à la hausse chez les femmes obèses, y compris les protéines S100, IL-6, Th1 et les voies de signalisation de la SEP, ces modifications étant indépendantes du statut de diagnostic de SEP.
2. L’obésité aggrave l’inflammation du SNC et la sévérité de l’EAE chez les souris femelles
Dans le modèle EAE, l’obésité a aggravé la progression de la maladie chez les souris femelles, se manifestant par un score clinique plus élevé, une démyélinisation spinale plus sévère et une infiltration plus forte de cellules T CD4+ inflammatoires dans le SNC. En revanche, l’effet d’augmentation de l’inflammation était plus faible chez les souris mâles.
3. Rôle central de la voie de signalisation des interférons
Les recherches ont montré que l’obésité augmentait significativement l’expression de STAT1 et la capacité de sécrétion d’IFN-γ dans les cellules T CD4+ des souris femelles, cet effet étant dépendant du signal du récepteur de l’interféron de type I (IFNAR). Par l’invalidation de l’IFNAR1 dans les cellules T, l’étude a confirmé que la signalisation des interférons de type I joue un rôle clé dans l’inflammation du SNC induite par l’obésité. De plus, la signalisation des interférons de type I a régulé à la hausse l’expression de STAT1 et du récepteur IL-18, renforçant encore l’inflammation Th1.
4. Rôle synergique des hormones sexuelles
Les expériences d’ovariectomie ont montré que les œstrogènes amplifiaient la réponse inflammatoire Th1 induite par l’obésité en renforçant l’expression d’IFN-γ par les cellules T. Cependant, les niveaux sériques d’interférons de type I n’étaient pas régulés par les œstrogènes.
Importance de la recherche
Cette étude met en lumière l’interaction synergique de l’obésité et du sexe féminin dans la promotion des maladies auto-immunes du SNC, fournissant de nouveaux mécanismes pour expliquer la différence de sexe dans la SEP et le risque lié à l’obésité. En démontrant le rôle central des interférons de type I dans la régulation de l’inflammation Th1, l’étude offre des pistes cruciales pour de futures stratégies de traitement personnalisées pour les femmes obèses. De plus, ce travail souligne l’importance de prendre en compte les facteurs de sexe et d’obésité dans la recherche sur la SEP et la conception des essais cliniques.
Points forts et limites de la recherche
Points forts de la recherche
- Analyse mécanique : cet article révèle le mécanisme moléculaire par lequel l’obésité favorise l’inflammation Th1 chez les femmes via la signalisation des interférons de type I.
- Différence de sexe : l’étude clarifie l’impact distinct de l’obésité sur les maladies auto-immunes du SNC chez les femmes et les hommes.
- Validation multi-modèles : l’étude combine les résultats expérimentaux de données humaines et de modèles murins, renforçant sa validité.
Limites de la recherche
- Limitation des échantillons humains : la recherche s’est principalement concentrée sur une population caucasienne, nécessitant une validation pour différentes races et régions.
- Origine tissulaire non analysée : il reste à déterminer de quels tissus ou cellules proviennent les interférons de type I induits par l’obésité.
Conclusion
En effectuant une étude mécanistique approfondie, Cordeiro et ses collègues offrent une nouvelle perspective pour comprendre les relations complexes entre l’obésité, le sexe et les maladies auto-immunes du SNC. Cette recherche fournit non seulement des informations précieuses sur les mécanismes pathogènes de la sclérose en plaques, mais ouvre également de nouvelles perspectives pour les stratégies d’intervention contre les maladies auto-immunes liées à l’obésité.