Les toxines bactériennes induisent une migracytose non canonique pour aggraver l'inflammation aiguë
Rapport d’étude sur l’induction de la migracytose non canonique par des toxines bactériennes aggravant l’inflammation aiguë
Contexte et objectifs de la recherche
Ces dernières années, la découverte du migrasome en tant que nouvelle structure membranaire a suscité un large intérêt dans la communauté scientifique, en raison de son rôle dans la migration cellulaire et dans diverses fonctions biologiques. Le migrasome se forme et se libère lors de la rétraction des fibres cellulaires pendant la migration cellulaire, et on pense qu’il joue un rôle crucial dans la communication intercellulaire, le contrôle de la qualité des mitochondries, la morphogenèse des organes, entre autres. Le processus de formation et de libération des migrasomes est appelé “migracytose”, et il est régulé par divers protéines et enzymes.
Toutefois, le déclenchement de la migracytose est généralement dépendant de la migration cellulaire. Une équipe de chercheurs du Collège des sciences de la vie de l’Université du Zhejiang et du Centre de recherche sur les infections et l’immunité multi-omiques de la province du Zhejiang a publié un article intitulé “Bacterial toxins induce non-canonical migracytosis to aggravate acute inflammation” dans la revue Cell Discovery. Ils y rapportent pour la première fois un nouveau type de migracytose induit par des toxines bactériennes, indépendant de la migration cellulaire. Cette découverte enrichit notre compréhension des potentiels rôles biologiques du migrasome. En effet, les toxines bactériennes peuvent déclencher la formation des migrasomes en état stationnaire, exacerbant ainsi les réactions inflammatoires aiguës et contribuant à une meilleure compréhension de la réponse immunitaire contre les infections microbiennes.
Origine de la recherche
Cette recherche a été réalisée par une collaboration entre le Collège des sciences de la vie de l’Université du Zhejiang, l’École de médecine et des sciences de la vie de l’Université Westlake, ainsi que l’Institut des sciences médicales fondamentales de l’Université Westlake. Les auteurs principaux incluent Diyin Li, Qi Yang, Jianhua Luo, Yangyushuang Xu, Jingqing Li et Liang Tao. Cette étude a été publiée en 2024 dans la revue Cell Discovery.
Conception de l’étude et méthodologie
1. Processus de recherche et conception expérimentale
Cette étude comporte plusieurs étapes, explorant de manière systématique le mécanisme d’induction de la migracytose non canonique par des toxines, les changements structuraux des cellules, leurs caractéristiques biochimiques, leur expression dans les modèles animaux, ainsi que leurs effets sur l’inflammation aiguë. Voici les grandes lignes du processus :
Expériences initiales d’induction de migrasomes par des toxines : Les chercheurs ont appliqué la toxine B de Clostridioides difficile (Tcdb3) à diverses cellules cultivées, telles que U2OS, SH-SY5Y, L929, etc. Ils ont observé la production de nombreux migrasomes dans ces cellules sous l’effet de la toxine. Les observations par microscopie électronique à balayage et transmission ont révélé des vésicules de 200 nm à 1 μm de diamètre, caractéristiques des migrasomes.
Analyse biochimique des migrasomes : Par chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse, les migrasomes induits par Tcdb3 se sont révélés riches en protéines de la famille Tspan, en Rab35, ainsi qu’en autres marqueurs des migrasomes, confirmant leur identité biochimique. L’utilisation de cellules surexprimant ou déplétées en Tspan4 a permis de valider l’implication de Tspan4 dans la formation des migrasomes.
Imagerie dynamique de la migracytose : Des techniques d’imagerie cellulaire en temps réel ont montré que la migracytose induite par Tcdb3 est un processus rapide mais non soutenu, avec la formation massive de migrasomes, suivie de leur rupture et de la libération de contenu cellulaire.
Induction sélective des migrasomes par des toxines et des effecteurs bactériens : Des toxines comme Tcdb1 et Tcda, entre autres, ont été testées, mais seules certaines (telles que Tcsl et Tpel) se sont révélées capables d’induire la migracytose de manière similaire à Tcdb3.
Validation in vivo dans des modèles animaux : En injectant Tcdb3 à des souris, les chercheurs ont observé la formation de migrasomes dans les cellules endothéliales hépatiques et les cellules de Kupffer, suggérant un rôle in vivo de la migracytose non canonique dans les réactions inflammatoires aiguës.
2. Analyse des données et contrôle des réactions biochimiques
Lien entre l’activité des GTPases et la formation de migrasomes : L’étude a montré que la formation de migrasomes induite par les toxines dépend de l’activité des GTPases Rho, particulièrement l’enrichissement de RhoA dans les migrasomes. L’utilisation d’inhibiteurs de la stabilité des microtubules, comme le nocodazole, bloque la formation de migrasomes, ce qui met en évidence l’importance de la stabilité des microtubules et du signal Rho dans ce processus.
Expériences de knockdown génique et tests de survie chez la souris : Les chercheurs ont utilisé des souris tspan9−/−, déficientes en migracytose, et ont observé qu’environ 50 % de ces souris survivaient après injection de Tcdb3, alors que toutes les souris normales mouraient en 12 à 36 heures. Ces résultats indiquent une résistance accrue des souris dépourvues de migracytose face aux toxines.
Changements dans l’expression des gènes liés à l’immunité et l’inflammation : L’analyse transcriptomique des tissus hépatiques a montré que les souris tspan9−/− présentaient une réduction de l’expression des gènes liés à la chimiotaxie cellulaire et aux réactions inflammatoires, confirmant le rôle de la migracytose non canonique dans l’aggravation des inflammations aiguës.
Résultats de la recherche
Les toxines bactériennes peuvent induire la migracytose non canonique : En utilisant la toxine Tcdb3, les chercheurs ont observé que des migrasomes pouvaient se former dans des cellules stationnaires, même en l’absence de migration cellulaire, phénomène qu’ils ont appelé “migracytose non canonique”.
La migracytose non canonique in vivo est associée à une réaction inflammatoire aiguë : Les observations sur le modèle murin ont révélé que les cellules endothéliales hépatiques et les cellules de Kupffer formaient des migrasomes riches en cytokines et chimiokines, tels que CXCL10, CCL5, VEGFA, et IL-10, soulignant leur rôle potentiel dans la communication cellulaire et l’inflammation aiguë.
Rôle essentiel des GTPases Rho dans la formation des migrasomes : Les GTPases Rho, particulièrement RhoA, se sont révélées essentielles pour l’induction des migrasomes par les toxines. En outre, la stabilité des microtubules est impliquée dans ce processus.
La migracytose aggrave la réaction inflammatoire précoce : Les souris tspan9−/− présentent une réaction inflammatoire réduite et un taux de survie plus élevé, indiquant que la migracytose induite par des toxines joue un rôle crucial dans l’aggravation des inflammations aiguës et des sépsis.
Importance et portée de la recherche
Cette étude révèle pour la première fois la capacité des toxines bactériennes à induire une migracytose sans migration cellulaire active, mettant en évidence le rôle crucial des migrasomes dans les réactions inflammatoires aiguës. Son importance scientifique réside dans les points suivants :
Extension des fonctions biologiques des migrasomes : Contrairement à la vision traditionnelle selon laquelle la migracytose n’intervient que pendant la migration cellulaire, cette étude prouve que les migrasomes peuvent être générés par des cellules stationnaires sous l’effet de stimuli bactériens, ce qui étend considérablement leur rôle potentiel dans la biologie cellulaire.
Mécanisme d’action des toxines bactériennes : En démontrant l’interaction entre les toxines et les petites GTPases, cette recherche éclaire comment les toxines bactériennes déclenchent la migracytose et modulent la réponse immunitaire de l’hôte.
Nouvelles perspectives thérapeutiques : La découverte que la migracytose aggrave les réactions inflammatoires indique que cibler cette voie pourrait être prometteur dans le traitement des inflammations et des infections systémiques, comme la sépsie.
Différences liées au sexe : Les différences observées entre les souris mâles et femelles en termes de réaction inflammatoire pourraient éventuellement conduire à une meilleure compréhension des écarts entre les sexes dans les réponses immunitaires.
Points forts de l’étude
Cette étude offre une analyse complète de la migracytose non canonique induite par des toxines, allant des expériences in vitro aux modèles animaux in vivo. Les points forts comprennent : - Découverte d’un nouveau mécanisme : Pour la première fois, il a été montré que les toxines peuvent induire la formation de migrasomes dans des cellules non migrantes. - Rôle essentiel des GTPases Rho : Les GTPases Rho, particulièrement RhoA, jouent un rôle clé dans la formation des migrasomes. - Nouvelle cible thérapeutique : L’implication de la migracytose dans l’inflammation aiguë ouvre de nouvelles possibilités de cibles thérapeutiques.