Les influences des isoformes d'APOE sur les jonctions adhérentes endothéliales et le cytosquelette d'actine en réponse à la MCRP
Contexte de la recherche
La maladie d’Alzheimer (Alzheimer’s Disease, AD) est une maladie neurodégénérative courante, caractérisée par des dépôts de protéine bêta-amyloïde (Aβ) et une phosphorylation anormale de la protéine tau. Des études récentes suggèrent que les altérations du système vasculaire cérébral jouent un rôle important dans la pathogenèse de l’AD. En particulier, les dommages aux cellules endothéliales et les réponses inflammatoires sont considérés comme des composants clés de la pathologie de l’AD. L’apolipoprotéine E (Apolipoprotein E, APOE) est un facteur de risque génétique majeur pour l’AD, en particulier l’allèle APOE4, qui est fortement associé à un risque accru de développer la maladie. APOE4 pourrait altérer la fonction des cellules endothéliales, entraînant une rupture de la barrière hémato-encéphalique (Blood-Brain Barrier, BBB), ce qui déclencherait une inflammation cérébrale et des dommages neuronaux.
La protéine C-réactive monomère (Monomeric C-Reactive Protein, mCRP), un marqueur de l’inflammation chronique, a également été impliquée dans l’AD. La mCRP se lie à la protéine CD31 à la surface des cellules endothéliales, ce qui pourrait provoquer une inflammation vasculaire cérébrale et favoriser la progression de la pathologie de l’AD. Cependant, la manière dont la mCRP affecte les jonctions cellulaires et le cytosquelette des cellules endothéliales, ainsi que le rôle des génotypes APOE dans ce processus, reste mal compris.
Objectifs de la recherche
Cette étude vise à explorer comment les génotypes APOE modulent la réponse des cellules endothéliales à la mCRP en régulant les jonctions cellulaires et le cytosquelette, influençant ainsi la pathogenèse de l’AD. Plus précisément, l’équipe de recherche émet l’hypothèse qu’APOE4 altère le cytosquelette et les jonctions des cellules endothéliales, entraînant une dysfonction de la BBB et augmentant ainsi le risque d’AD.
Méthodes de recherche
1. Analyse des tissus cérébraux humains
L’équipe a obtenu des échantillons de tissus cérébraux du lobe temporal de 8 témoins sains et 8 patients atteints d’AD auprès du Boston University Alzheimer’s Disease Center (BU ADC). Grâce à des techniques de marquage immunofluorescent et d’analyse phosphoprotéomique, les chercheurs ont mesuré les niveaux d’expression de la mCRP et de la CD31 phosphorylée (pCD31) dans les microvaisseaux cérébraux des patients AD, et ont analysé les changements dans les protéines associées au cytosquelette.
2. Expériences sur des modèles murins
Des souris génétiquement modifiées pour exprimer les allèles APOE2, APOE3 et APOE4, ainsi que des souris knock-out pour APOE, ont été utilisées. Les souris ont reçu des injections intra-péritonéales de mCRP pendant 6 semaines. Les microvaisseaux cérébraux ont ensuite été isolés pour des analyses protéomiques et des marquages immunofluorescents, afin d’étudier l’impact de la mCRP sur les protéines liées au cytosquelette et aux jonctions cellulaires.
3. Expériences in vitro
Des cellules endothéliales CD31+ ont été isolées à partir de tissus cérébraux de souris et cultivées in vitro. Ces cellules ont été exposées à la mCRP, à un mélange de mCRP et de protéines recombinantes APOE2 ou APOE4, et les changements dans l’expression des protéines liées au cytosquelette et aux jonctions cellulaires ont été mesurés.
4. Analyse des données
Grâce à des analyses phosphoprotéomiques et à l’analyse d’enrichissement des ensembles de gènes (Gene Set Enrichment Analysis, GSEA), les chercheurs ont identifié les voies moléculaires significativement régulées à la hausse ou à la baisse dans les microvaisseaux cérébraux des patients AD. De plus, des analyses d’interaction protéique (Proximity Ligation Assay, PLA) ont été utilisées pour détecter les interactions entre CD31 et LIMA1, entre autres protéines.
Résultats de la recherche
1. Altérations du cytosquelette et des jonctions cellulaires dans les microvaisseaux cérébraux des patients AD
L’étude a révélé que les niveaux de mCRP et de pCD31 étaient significativement plus élevés dans les microvaisseaux cérébraux des patients AD que chez les témoins sains. De plus, l’analyse phosphoprotéomique a montré que les niveaux de phosphorylation de la protéine tau associée aux microtubules (MAPT) étaient significativement augmentés chez les patients AD, en particulier pour les formes pTau_T217 et pTau_T231. Ces formes phosphorylées de tau étaient fortement corrélées avec les scores pathologiques de l’AD (stades de Braak) et les scores cognitifs (MMSE).
2. Réponse des souris APOE4 à la mCRP
Chez les souris knock-in APOE4, la mCRP a significativement augmenté l’expression de pCD31 et de LIMA1, et a favorisé la liaison entre pCD31 et LIMA1. De plus, la mCRP a réduit l’interaction entre CD31 et VE-cadherin au niveau des jonctions cellulaires, entraînant des dommages microvasculaires. En revanche, la protéine APOE2 a atténué ces changements.
3. Influence des génotypes APOE sur les altérations induites par la mCRP
L’étude a montré que la mCRP augmentait significativement l’expression de LIMA1 et favorisait la liaison entre pCD31 et LIMA1 chez les souris APOE4, mais pas chez les souris APOE2 et APOE3. De plus, la mCRP a réduit la colocalisation de CD31 et VE-cadherin chez les souris APOE4, entraînant des dommages microvasculaires. La protéine APOE2 a inversé ces changements, tandis que la protéine APOE4 a exacerbé les effets toxiques de la mCRP.
4. Validation in vitro
Dans les cellules endothéliales cérébrales cultivées in vitro, le traitement combiné de mCRP et de la protéine APOE4 a significativement augmenté l’expression de LIMA1 et la formation de F-actine, tandis que la protéine APOE2 a inhibé ces changements. De plus, le traitement combiné de mCRP et de la protéine APOE4 a augmenté l’expression d’ARPc4 et d’ITGB1, des protéines impliquées dans la formation du réseau de F-actine.
Conclusion de la recherche
Cette étude révèle pour la première fois que les génotypes APOE modulent la réponse des cellules endothéliales à la mCRP en régulant le cytosquelette et les jonctions cellulaires, influençant ainsi la pathogenèse de l’AD. Plus précisément, APOE4 augmente l’expression de pCD31 et de LIMA1, favorise la formation de F-actine, et entraîne une rupture des jonctions cellulaires et des dommages microvasculaires, augmentant ainsi le risque d’AD. En revanche, APOE2 atténue ces changements, protégeant l’intégrité des cellules endothéliales.
Importance de la recherche
Cette étude offre de nouvelles perspectives sur le rôle des génotypes APOE dans la pathogenèse de l’AD, en particulier comment APOE4 module le cytosquelette et les jonctions cellulaires des cellules endothéliales en réponse à l’inflammation chronique, entraînant une dysfonction de la BBB et une inflammation cérébrale. De plus, l’étude suggère que APOE2 pourrait agir comme un facteur protecteur, atténuant les effets toxiques de la mCRP sur les cellules endothéliales. Cela fournit une base théorique potentielle pour le développement de stratégies thérapeutiques ciblant les porteurs d’APOE4.
Points forts de la recherche
- Première démonstration que les génotypes APOE modulent la réponse des cellules endothéliales à la mCRP en régulant le cytosquelette et les jonctions cellulaires, influençant ainsi la pathogenèse de l’AD.
- Découverte qu’APOE4 augmente l’expression de pCD31 et de LIMA1, favorise la formation de F-actine, et entraîne une rupture des jonctions cellulaires et des dommages microvasculaires.
- APOE2 atténue les effets toxiques de la mCRP sur les cellules endothéliales, protégeant leur intégrité.
- Fournit une base théorique potentielle pour le développement de stratégies thérapeutiques ciblant les porteurs d’APOE4.
Autres informations utiles
L’étude a également révélé que le traitement combiné de mCRP et de la protéine APOE4 augmentait significativement les marqueurs de stress oxydatif (comme OXCT1 et ROS), exacerbant ainsi les dommages aux cellules endothéliales. Cela suggère qu’APOE4 pourrait moduler la fonction mitochondriale, affectant le métabolisme et la réponse inflammatoire des cellules endothéliales, et favorisant ainsi la progression de la pathologie de l’AD.