Répartition et résultats des services d'anesthésie pédiatrique en Suède : une étude épidémiologique
Distribution et résultats des services d’anesthésie pédiatrique en Suède : une étude épidémiologique
Contexte académique
Ces dernières années, la tendance à la centralisation des soins périopératoires pour les enfants s’est accentuée à l’échelle mondiale, en particulier dans les pays européens. Cette tendance est principalement motivée par les résultats de recherches menées par des organisations professionnelles, qui montrent une corrélation positive entre l’expérience des équipes d’anesthésie et les résultats chirurgicaux. Par exemple, des audits internationaux tels qu’APRICOT et NECTARINE ont indiqué que les équipes d’anesthésie expérimentées peuvent réduire de manière significative l’incidence des complications chirurgicales. En outre, l’initiative Safetots propose que les enfants de moins de 3 ans atteints de maladies congénitales ou métaboliques, ainsi que ceux subissant des chirurgies majeures ou complexes, soient pris en charge par des anesthésistes pédiatriques spécialement formés. Cette initiative repose sur le fait que les complications liées à l’anesthésie sont plus fréquentes chez les enfants que chez les adultes, et que le niveau d’expérience de l’anesthésiste est inversement proportionnel au taux de complications.
Cependant, malgré les nombreux avantages théoriques de la centralisation des soins, les données sur la distribution idéale et réelle des services d’anesthésie pédiatrique à l’échelle nationale, ainsi que sur les taux de complications et de mortalité à différents niveaux de soins, restent rares. La Suède, en tant que pays peu densément peuplé, est confrontée à la question de trouver un équilibre entre la centralisation des soins et les capacités des hôpitaux locaux. Par conséquent, cette étude vise à analyser les données nationales sur l’anesthésie pédiatrique en Suède pour explorer la distribution des services d’anesthésie, l’incidence des complications et les taux de mortalité, fournissant ainsi une base scientifique pour l’élaboration de futures politiques.
Source de l’article
Cet article a été rédigé par Björn Bergh-Eklöf, Karl Stattin, Ali-Reza Modiri, Robert Frithiof et Peter Frykholm de l’Université d’Uppsala (Suède) et publié le 1er août 2024 dans le British Journal of Anaesthesia. L’étude est basée sur les données du registre périopératoire suédois (Swedish Perioperative Register, SPOR), couvrant 214 964 interventions d’anesthésie pédiatrique réalisées en Suède entre 2019 et 2022.
Déroulement de l’étude
Source et traitement des données
Cette étude est une étude de cohorte basée sur un registre, utilisant les données du registre périopératoire suédois (SPOR). Le système SPOR enregistre des informations détaillées sur toutes les interventions d’anesthésie réalisées en Suède, y compris la date de l’intervention, le type d’anesthésie et la gestion des voies aériennes. L’équipe de recherche a extrait les données de toutes les interventions d’anesthésie réalisées sur des enfants de moins de 15 ans entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2022. Les données ont été classées par groupes d’âge : nouveau-nés ( mois), nourrissons (2-12 mois), jeunes enfants (1-2 ans), enfants d’âge préscolaire (3-5 ans) et enfants d’âge scolaire (6-15 ans).
Classification des hôpitaux et distribution des interventions
L’étude a classé les hôpitaux en cinq catégories : hôpitaux pédiatriques (hôpitaux universitaires offrant des services pédiatriques spécialisés, y compris des unités de soins intensifs pédiatriques), hôpitaux universitaires (offrant des services mixtes pour adultes et enfants), hôpitaux de comté (offrant des services pour adultes et enfants, avec des unités de soins intensifs pour adultes et des soins intensifs néonatals de niveau intermédiaire), hôpitaux de district (offrant des services d’urgence de base, avec ou sans services pédiatriques, mais sans unité de soins intensifs) et petits hôpitaux (offrant quelques spécialités, sans unité de soins intensifs ni services pédiatriques réguliers). L’étude a analysé la distribution des interventions d’anesthésie dans ces différentes catégories d’hôpitaux, en tenant compte des groupes d’âge et de la classification ASA (American Society of Anesthesiologists) de l’état physique des patients.
Analyse des complications et de la mortalité
L’étude a analysé l’incidence des événements indésirables périopératoires (Adverse Events, AEs) et des événements indésirables graves (Severe Adverse Events, SAEs). Les AEs ont été classés en cinq niveaux de gravité : niveau 1 (aucun impact sur les soins postopératoires), niveau 2 (affecte les soins en salle de réveil, mais pas les soins ultérieurs), niveau 3 (affecte les soins postopératoires, nécessitant une prolongation des soins ou une surveillance supplémentaire), niveau 4 (nécessite des soins intensifs postopératoires) et niveau 5 (peut entraîner une morbidité ou une mortalité à long terme). Les SAEs ont été définis comme des complications périopératoires de niveau 4 ou 5. En outre, l’étude a analysé la mortalité toutes causes confondues à 24 heures et à 30 jours.
Résultats principaux
Distribution des interventions
Entre 2019 et 2022, 214 964 interventions d’anesthésie pédiatrique ont été réalisées en Suède, impliquant 145 693 enfants. Parmi celles-ci, 73 % des interventions sur les nouveau-nés et les nourrissons ont été réalisées dans des hôpitaux pédiatriques, et 21 % dans d’autres hôpitaux universitaires. Les hôpitaux de comté ont principalement traité des enfants plus âgés. 97 % des interventions sur les nouveau-nés et 92 % des interventions sur les nourrissons ont été réalisées dans des hôpitaux pédiatriques ou universitaires.
Incidence des complications
L’incidence globale des AEs était de 2,71 %, et celle des SAEs de 0,067 %. L’AEs le plus fréquent était le laryngospasme (0,42 %), et le SAEs le plus fréquent était le bronchospasme (1,3:10 000). L’incidence des AEs variait selon les catégories d’hôpitaux, avec un taux plus faible dans les hôpitaux pédiatriques (2,6 %) et un taux plus élevé dans les hôpitaux universitaires (3,6 %).
Taux de mortalité
Le taux de mortalité toutes causes confondues à 24 heures était de 6,6:10 000 interventions d’anesthésie, et celui à 30 jours de 14,7:10 000 interventions d’anesthésie. Le taux de mortalité à 30 jours était le plus élevé chez les nouveau-nés, avec 286:10 000 interventions d’anesthésie. La majorité des décès sont survenus dans les hôpitaux pédiatriques et universitaires, en particulier chez les enfants ayant un état physique ASA plus faible (ASA≥3).
Conclusions et implications
Cette étude fournit pour la première fois une description détaillée de la distribution des services d’anesthésie pédiatrique en Suède et présente des données nationales sur les complications et les taux de mortalité. Les résultats montrent que la plupart des interventions sur les nouveau-nés et les nourrissons sont réalisées dans des centres tertiaires (hôpitaux pédiatriques et universitaires), tandis que les hôpitaux de comté traitent principalement des enfants plus âgés. Bien que les taux de mortalité soient plus élevés dans les centres tertiaires, cela reflète le fait que ces hôpitaux prennent en charge des enfants présentant des comorbidités plus importantes. L’étude souligne également la nécessité d’améliorer la déclaration des AEs dans le système SPOR et propose l’établissement d’un consensus international sur les définitions et les principes de déclaration des AEs.
Points forts de l’étude
- Données nationales : Cette étude fournit pour la première fois des données nationales sur la distribution et les résultats des services d’anesthésie pédiatrique en Suède, comblant une lacune dans ce domaine.
- Tendance à la centralisation : L’étude confirme la tendance à la centralisation des services d’anesthésie pédiatrique vers les centres tertiaires et met en lumière l’impact de cette tendance sur les complications et les taux de mortalité.
- Analyse de la mortalité : L’étude analyse en détail les taux de mortalité selon les catégories d’hôpitaux et les groupes d’âge, fournissant des informations précieuses pour l’élaboration de politiques futures.
- Recommandations pour l’amélioration des données : L’étude propose des mesures pour améliorer la déclaration des AEs dans le système SPOR, offrant des orientations pour la collecte et l’analyse futures des données.
Autres informations utiles
L’étude souligne également que, bien que le système de santé suédois soit bien développé, dans les régions peu densément peuplées, trouver un équilibre entre la centralisation des soins et les capacités des hôpitaux locaux reste un défi. Les recherches futures devraient explorer comment garantir la sécurité des interventions tout en améliorant les capacités des hôpitaux locaux en matière d’anesthésie.
Cette étude fournit des données de référence importantes pour les services d’anesthésie pédiatrique en Suède et dans d’autres pays, et offre une base scientifique pour l’élaboration de politiques futures et l’amélioration des pratiques cliniques.