Mécanismes de la variation liée à l'âge dans la régénération des cellules immunitaires chez les individus

Avec le vieillissement des organismes, la fonctionnalité du système immunitaire diminue progressivement, se traduisant par une augmentation des cellules immunitaires innées (telles que les granulocytes) et une diminution des cellules immunitaires adaptatives (comme les cellules B). Ce déséquilibre du système immunitaire est étroitement lié à l’apparition de diverses maladies, notamment la leucémie myéloïde et les déficiences immunitaires observées fréquemment chez les personnes âgées. Bien que tous les organismes biologiques vieillissent, le rythme du vieillissement varie considérablement d’un individu à l’autre. Les mécanismes à l’origine de ces variations demeurent mal compris, en particulier le rôle des cellules souches responsables de la régénération des cellules immunitaires, telles que les cellules souches hématopoïétiques (HSC), dans le processus de vieillissement.

Comprendre cette hétérogénéité du vieillissement entre individus pourrait apporter des éclairages fondamentaux sur les déclencheurs des déclins physiologiques associés à l’âge et contribuer à l’élaboration de stratégies pour retarder le vieillissement.

Les HSC jouent un rôle crucial dans le maintien de l’homéostasie tissulaire et la régénération des cellules endommagées. Avec l’âge, elles subissent divers changements fonctionnels, comme une auto-renouvelabilité accrue, une augmentation de la myélopoïèse (différenciation myéloïde) et une diminution de la lymphopoïèse (différenciation lymphoïde). Ces modifications fonctionnelles sont étroitement liées à des changements moléculaires, notamment des altérations de l’ADN, le remodelage épigénétique, des défauts de traduction et des modifications des signaux extracellulaires. Malgré divers modèles proposés pour expliquer le vieillissement des HSC, les mécanismes expliquant les différences interindividuelles dans le vieillissement restent inconnus.

Cette étude utilise des technologies monocellulaires de haut débit pour comparer les souris de la même tranche d’âge chronologique confrontées à des taux de vieillissement immunitaire distincts (précoce ou retardé). Les résultats révèlent des variations hétérogènes dans les modifications des HSC et leur rôle dans l’apparition du déséquilibre immunitaire associé à l’âge.


Source de l’article

Cet article a été rédigé par Anna Nogalska, Jiya Eerdeng, Samir Akre, Mary Vergel-Rodriguez, Yeachan Lee, Charles Bramlett, Adnan Y. Chowdhury, Bowen Wang, Colin G. Cess, Stacey D. Finley, et Rong Lu. Les auteurs proviennent du département de recherche en biologie des cellules souches et en médecine régénérative de l’Université de Californie du Sud (University of Southern California), ainsi que des départements de bio-ingénierie biomédicale et de biologie quantitative et computationnelle. La recherche a été publiée en ligne dans Cellular & Molecular Immunology le 24 octobre 2024. DOI : 10.1038/s41423-024-01225-y.


Processus de recherche et résultats

Processus de la recherche

  1. Modèle murin et classification du vieillissement immunitaire
    Les chercheurs ont utilisé des souris C57BL/6J et ont évalué le phénotype de vieillissement immunitaire en calculant le ratio entre les cellules B et les granulocytes (BG ratio) dans le sang périphérique. À 30 mois, certaines souris manifestent un phénotype de vieillissement précoce (diminution du BG ratio), tandis que d’autres conservent un rapport BT proche de celui des souris jeunes (vieillissement retardé). Les souris ont été classées selon ces observations.

  2. Analyse monocellulaire des transcriptomes
    En utilisant le séquençage de l’ARN monocellulaire (scRNA-seq), les chercheurs ont comparé les profils d’expression génique des HSC des groupes à vieillissement précoce et retardé. Ils ont identifié des sur-régulations de gènes liés au vieillissement et à la différenciation myéloïde chez les souris à vieillissement précoce. À l’inverse, chez les souris à vieillissement retardé, les HSC présentaient une expression accrue de gènes impliqués dans la réponse aux signaux externes et la régulation du maintien des cellules souches.

  3. Expériences de suivi des clones cellulaires
    Grâce à des barcodes génétiques, les chercheurs ont étudié les clones de HSC d’origine individuelle dans la régénération immunitaire des souris âgées. Environ 30 à 40 % des clones ont modifié leur engagement dans les lignées cellulaires en vieillissant : vers la lignée myéloïde chez les souris à vieillissement précoce, et vers la lignée lymphoïde chez celles à vieillissement retardé.

  4. Protocole CRISPR pour valider des gènes différentsiellement exprimés
    Certains gènes clés (comme LGALS9, NME1) identifiés dans les groupes précoces/retardés ont été invalidés par CRISPR pour évaluer leur rôle. La suppression des gènes upregulés chez les souris à vieillissement précoce a conduit à une augmentation des ratios BG, et inversement dans le groupe retardé.

  5. Analyse de l’expansion et de l’épuisement clonaux
    Les chercheurs ont observé une expansion des clones myéloïdes significativement plus importante chez les souris à vieillissement précoce. À l’inverse, les souris à vieillissement retardé présentaient une expansion plus massive des clones lymphoïdes, sans épuisement clonal significatif.


Conclusions principales

  1. Différences phénotypiques dans le vieillissement immunitaire
    Les résultats montrent des variations notables du phénotype immunitaire chez des souris chronologiquement identiques. Le ratio BG diminue de manière significative chez les souris à vieillissement précoce, mais reste stable chez les souris retardées.

  2. Hétérogénéité du vieillissement au niveau des HSC
    Les HSC des groupes précoces et retardés montrent des signatures génétiques distinctes. Les gènes associés à la prolifération et différenciation myéloïde sont plus exprimés chez les souris précoces, tandis que des gènes liés à l’intégrité des cellules souches dominent dans le groupe retardé.

  3. Modifications d’engagement des lignées cellulaires
    Les changements de biais des lignées cellulaires des clones de HSC correspondent au phénotype de vieillissement immunitaire observé. Les clones “anti-vieillissement” orientés lymphoïdes ont un rôle compensatoire significatif.

  4. Impacts des gènes clés sur l’équilibre immunitaire
    Des gènes particuliers semblent avoir un rôle critique dans la régulation de la différenciation myéloïde, ce qui pourrait être ciblé pour retarder le vieillissement.

  5. Lien entre expansion clonale et vieillissement
    Une forte expansion des clones myéloïdes est un trait marquant chez les souris à vieillissement précoce, ce qui contraste avec une meilleure conservation des clones lymphoïdes chez les souris retardées.


Conclusions et implications

Valeur scientifique et applications

Valeur scientifique

L’étude dévoile pour la première fois l’importance de l’hétérogénéité clonale dans la régression des fonctions immunitaires avec l’âge, offrant un cadre explicatif aux variations interindividuelles dans les modèles murins de vieillissement.

Applications pratiques

En régulant la différenciation myéloïde des HSC, il pourrait être possible de retarder le début du vieillissement immunitaire. L’identification des gènes critiques fournit un point de départ pour le développement de nouvelles thérapies anti-âge.


Points forts

  1. Analyse interindividuelle du vieillissement
    Cette recherche met en lumière une compréhension mécanistique des différences de vieillissement, identifiant spécifiquement les sous-groupes cellulaires comme moteurs de ces variations.

  2. Caractérisation des clones anti-vieillissement
    La découverte de clones “anti-vieillissement”, capables de réguler la linéarité lymphoïde et myéloïde, ouvre des perspectives pour des interventions ciblées.

  3. Validation génétique centrée sur les gènes clefs
    Des expériences CRISPR viennent confirmer les rôles fonctionnels des gènes dans les processus de vieillissement et fournissent des éléments adaptables dans des contextes cliniques.


Résumé

Par l’utilisation des technologies modernes (RNAseq monocellulaire et suivi clonal in vivo), cette étude a révélé des différences moléculaires et fonctionnelles marquées dans le vieillissement des HSC, expliquant les variations individuelles dans l’âge fonctionnel des souris. En particulier, le contrôle de la myélopoïèse apparaît comme une cible prometteuse pour moduler les effets du vieillissement. Ces découvertes contribuent notablement aux sciences du vieillissement et jettent les bases pour de futures interventions thérapeutiques.