Induction des structures lymphoïdes tertiaires dans le microenvironnement du gliome et leur rôle dans l'immunité anti-gliome

Induction des structures lymphoïdes tertiaires dans l’immunothérapie du gliome et leur rôle dans l’immunité antitumorale

Contexte

Le gliome est une tumeur cérébrale hautement maligne caractérisée par une infiltration limitée de lymphocytes dans le microenvironnement tumoral (glioma microenvironment, GME), créant un “désert immunitaire”. Cette caractéristique rend le gliome insensible à de nombreuses thérapies immunitaires, entraînant une efficacité thérapeutique médiocre. Ces dernières années, l’immunothérapie a fait des progrès significatifs dans le traitement de nombreux cancers solides, mais son application dans le gliome reste un défi majeur. Bien que des recherches sur l’immunothérapie du glioblastome (GBM) aient été menées, moins de 20 % des patients en tirent un bénéfice clinique durable. Par conséquent, la question de savoir comment promouvoir l’infiltration des lymphocytes infiltrant la tumeur (tumor-infiltrating lymphocytes, TILs) dans le GME et transformer le GME d’un état de résistance immunitaire à un état d’activation immunitaire est devenue un axe de recherche majeur.

Les structures lymphoïdes tertiaires (tertiary lymphoid structures, TLS) sont des structures similaires aux organes lymphoïdes secondaires qui se forment dans le microenvironnement tumoral et peuvent stimuler les réponses immunitaires locales. La présence de TLS est associée à un meilleur pronostic dans plusieurs types de cancer, et leur induction dans les tumeurs “froides” sur le plan immunitaire est considérée comme une stratégie thérapeutique prometteuse. Cependant, le rôle des TLS dans le microenvironnement du gliome et les mécanismes de leur induction restent mal compris. Cette étude vise donc à explorer une stratégie d’induction des TLS via des agonistes des récepteurs de type Toll (Toll-like receptor, TLR) pour renforcer la réponse immunitaire antitumorale dans le gliome.

Source de l’article

Cet article a été co-écrit par Shaoping Shen, Yong Cui, Mingxiao Li et plusieurs autres auteurs, principalement affiliés au Département de Neurochirurgie de l’Hôpital Tiantan de Pékin et à l’Université de Médecine de la Capitale. L’article a été publié en ligne le 27 août 2024 dans la revue Neuro-Oncology, sous le titre Toll-like receptor agonists promote the formation of tertiary lymphoid structure and improve anti-glioma immunity.

Méthodologie et résultats

1. Conception de l’étude et protocole expérimental

Cette étude a induit la formation de TLS dans le GME par injection intracrânienne d’un agoniste TLR (OK-432) et d’antigènes de gliome (i.c. αTLR-mix), tout en explorant les mécanismes de l’immunité anti-gliome. Les étapes principales de l’étude sont les suivantes :

a) Établissement du modèle murin de gliome et traitement

  • Sujets de l’étude : Des souris C57BL/6 ont été utilisées, avec des cellules de gliome GL261 et CT-2A injectées intracrânialement pour établir un modèle de gliome.
  • Traitement : Un mélange d’agoniste TLR et d’antigènes de gliome a été injecté intracrânialement (i.c.) dans le groupe traité, tandis que le groupe témoin a reçu du PBS.
  • Conception expérimentale : Les souris des groupes traités et témoins ont subi des IRM aux jours 7, 14 et 21 pour évaluer la croissance tumorale, et des échantillons de tissu cérébral ont été collectés au jour 21 pour des analyses ultérieures.

b) Détection et analyse de la formation des TLS

  • Analyse par coloration : La formation des TLS et leur composition cellulaire ont été évaluées par coloration HE, immunohistochimie (IHC) et immunohistochimie multiplexe fluorescente (mIHC).
  • Cytométrie en flux : L’infiltration des cellules B (B220+) et T (CD3+ CD4+ et CD3+ CD8+) dans le tissu cérébral a été analysée.
  • Séquençage d’ARN monocellulaire (scRNA-seq) : Des échantillons de tissu cérébral et de ganglions lymphatiques cervicaux (cervical lymph node, CLN) ont été soumis à un séquençage d’ARN monocellulaire pour analyser l’état et la trajectoire de différenciation des cellules B et T.

c) Exploration des mécanismes d’induction des TLS

  • Expériences de neutralisation par anticorps : L’injection d’anticorps bloquant TNF-α et LTβR a permis d’évaluer le rôle de ces voies de signalisation dans la formation des TLS.
  • Analyse des interactions intercellulaires : Le logiciel CellPhoneDB a été utilisé pour analyser les données de séquençage d’ARN monocellulaire et identifier les interactions intercellulaires clés dans l’induction des TLS.

d) Études précliniques

  • Essai clinique : Un essai clinique intitulé Combined Stereotactic Radiosurgery and Enhanced Immunotherapy for rGBM a évalué la sécurité et l’efficacité préliminaire du traitement par i.c. αTLR-mix.

2. Principaux résultats

a) Formation des TLS et infiltration lymphocytaire

  • Formation des TLS : La formation de TLS a été induite avec succès dans le GME des souris traitées, les TLS étant principalement composés de cellules B CD19+, de cellules T CD3+ CD4+/CD8+ et de cellules myéloïdes CD11b+.
  • Augmentation de l’infiltration lymphocytaire : L’infiltration de cellules B et T dans le GME des souris traitées a augmenté de manière significative, en particulier celle des cellules T CD4+.

b) Mécanismes d’induction des TLS

  • Rôle de la voie de signalisation LTα/β-LTβR : Les expériences de neutralisation par anticorps ont montré que la voie LTα/β-LTβR joue un rôle clé dans l’induction des TLS. Le blocage de cette voie a significativement inhibé la formation des TLS et accéléré la croissance tumorale.
  • Rôle des cellules TH17 : Les données de séquençage d’ARN monocellulaire ont révélé que les cellules T CD4+ TH17 jouent un rôle de “cellules inductrices de tissu lymphoïde” (lymphoid tissue inducer, LTI) dans l’induction des TLS.

c) Rôle des TLS dans l’immunité anti-gliome

  • Rôle clé des cellules T CD4+ : Les expériences de neutralisation par anticorps ont montré que les cellules T CD4+ jouent un rôle crucial dans la formation des TLS et l’immunité anti-gliome, tandis que les cellules T CD8+ contribuent également à l’immunité antitumorale, mais que les cellules B n’ont pas d’effet significatif.
  • Différenciation et sélection clonale des cellules B : L’analyse par séquençage d’ARN monocellulaire et de BCR a montré que les cellules B du tissu cérébral subissent une transition de l’état naïf à l’état mature, avec des caractéristiques de sélection clonale et de recombinaison de commutation de classe (class switch recombination, CSR).

d) Résultats précliniques

  • Résultats préliminaires de l’essai clinique : Dans l’essai clinique, le traitement par i.c. αTLR-mix a montré une bonne tolérance, avec une réduction du volume tumoral chez certains patients et une prolongation significative de la survie sans progression (PFS) et de la survie globale (OS) dans le groupe traité.

3. Conclusions et implications

Cette étude démontre que l’induction de TLS dans le GME via des agonistes TLR peut renforcer de manière significative la réponse immunitaire anti-gliome, améliorer le microenvironnement immunitaire et contrôler la croissance tumorale. Les TLS pourraient servir de sites de présentation d’antigènes dans le GME, favorisant l’activation des réponses immunitaires locales. Ces découvertes ouvrent de nouvelles perspectives pour l’immunothérapie du gliome et fournissent une base expérimentale solide.

4. Points forts de l’étude

  • Nouvelle stratégie d’induction des TLS : Cette étude est la première à induire avec succès la formation de TLS dans le GME via des agonistes TLR, tout en révélant les mécanismes de l’immunité antitumorale.
  • Rôle clé des cellules TH17 : L’étude a identifié que les cellules TH17 jouent un rôle de “cellules inductrices de tissu lymphoïde” dans l’induction des TLS, offrant une nouvelle perspective sur les mécanismes de formation des TLS.
  • Potentiel de traduction clinique : Les résultats préliminaires de l’essai clinique suggèrent que le traitement par i.c. αTLR-mix a un potentiel d’application chez les patients atteints de gliome.

Conclusion

Grâce à une conception expérimentale rigoureuse et à une analyse approfondie des données, cette étude met en lumière le rôle crucial des TLS dans l’immunothérapie du gliome et fournit des bases solides pour une traduction clinique future. Ces travaux ouvrent non seulement de nouvelles voies pour le traitement du gliome, mais offrent également des perspectives pour le traitement d’autres tumeurs “froides” sur le plan immunitaire.