Mécanisme de l'inhibition de SRC dans le cholangiocarcinome mutant de l'IDH

Les scientifiques révèlent le mécanisme antitumoral des inhibiteurs de Src dans le cholangiocarcinome avec mutation IDH

Introduction

Ces dernières années, l’incidence du cholangiocarcinome intra-hépatique (ICC) a augmenté dans le monde entier. L’ICC est une tumeur très agressive qui présente souvent des symptômes peu évidents au stade précoce et qui est généralement impossible à réséquer chirurgicalement lorsqu’elle est diagnostiquée à un stade avancé. Actuellement, pour les cas non résécables d’ICC, le traitement standard est la chimiothérapie par gemcitabine combinée avec le cisplatine. Récemment, la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis a approuvé une thérapie combinée comprenant le Durvalumab avec la gemcitabine et le cisplatine. Malgré des avancées thérapeutiques, le taux de survie à 5 ans de l’ICC reste bas, à seulement 9%.

Des études de criblage génétique ont révélé que de nombreuses instances d’ICC présentent des mutations génétiques que l’on peut cibler pour des traitements. Parmi celles-ci, les mutations de l’isocitrate déshydrogénase 12 (IDH1/2) représentent de 18% à 37% des cas d’ICC en Amérique du Nord et en Europe. Ces mutations produisent un métabolite cancérigène appelé R(-)-2-hydroxyglutarate (R(-)-2-HG), qui inhibe les dioxygénases dépendant de l’α-cétoglutarate, conduisant à des modifications génomiques drastiques et des troubles de la différenciation des cellules biliaires.

Origine de la recherche

Cet article de recherche a été coécrit par Iris S. Luk et Caroline M. Bridgwater, entre autres, venant du Fred Hutchinson Cancer Center (Seattle, États-Unis) et du Vall d’Hebron Institute of Oncology (Barcelone, Espagne), ainsi que d’autres institutions. L’article a été publié dans Science Translational Medicine le 15 mai 2024.

Méthodologie

Le processus de recherche comporte cinq principales étapes :

1. Méthodes et Matériaux

La recherche a utilisé six lignées cellulaires humaines d’ICC, dont trois sont de type sauvage IDH, et trois sont de type mutant IDH. Les chercheurs ont traité les cellules avec un inhibiteur de la kinase Src, le dasatinib, et ont analysé ses effets sur la prolifération cellulaire et la signalisation. Les changements d’activité des voies de signalisation ont été évalués par immunofluorescence et western blot. Des expériences de knockdown et knock-out de gènes clés ont été menées en utilisant des technologies d’interférence par ARN et d’édition de gènes CRISPR-Cas9.

2. Criblage de la phosphoprotéomique

Les chercheurs ont adopté une approche phosphoprotéomique basée sur la spectrométrie de masse pour identifier les protéines phosphorylées montrant des variations significatives après traitement par le dasatinib. Ils ont découvert que la guanylate kinase associée à la membrane et la protéine à domaine WW et PDZ 1 (MAGI1) est un substrat majeur de la kinase Src dans les ICC avec mutations IDH.

3. Validation de la fonction du complexe MAGI1-PP2A

Des essais biochimiques et fonctionnels ont démontré que la kinase Src active la voie de signalisation S6K/S6 en inhibant la fonction suppressive de tumeur du complexe MAGI1-protéine phosphatase 2A (PP2A), facilitant ainsi la croissance des ICC mutés IDH. L’inhibition de Src kinases active PP2A, déphosphorylant ainsi S6K, ce qui induit la mort cellulaire.

4. Résultats expérimentaux

Les résultats montrent que le dasatinib inhibe de manière plus significative la croissance des cellules ICC mutées IDH par rapport aux cellules de type sauvage IDH. L’inhibition de la phosphorylation de S6K et S6 et de la synthèse des protéines est particulièrement notable. MAGI1 a été confirmé comme un substrat clé de la kinase Src et le complexe MAGI1-PP2A joue un rôle crucial dans l’inhibition de S6K, constituant un mécanisme antitumoral important.

5. Conclusion et Application

La recherche a clarifié le mécanisme d’action du dasatinib dans les ICC avec mutations IDH, révélant un complexe de signalisation régulant la phosphorylation de S6K, indépendamment de la voie de signalisation mTOR. Une thérapie combinant le dasatinib avec des inhibiteurs S6K/AKT (comme le M2698) a été proposée, ce qui peut considérablement réduire la phosphorylation de S6 dans les lignées cellulaires et les organoïdes dérivés des patients ICC mutés IDH, inhibant ainsi la croissance tumorale. Cette découverte peut offrir une option thérapeutique pratique en clinique.

Points forts et signification de l’étude

Découvertes importantes

  1. Rôle clé de la kinase Src : Cette étude est la première à révéler que la kinase Src régule la voie de signalisation S6K/S6 via le complexe MAGI1-PP2A pour promouvoir la croissance des ICC mutés IDH.
  2. Inhibition de la voie de signalisation S6K/S6 : Il a été montré que l’inhibition de la kinase Src active PP2A, induisant la déphosphorylation de S6K et S6, inhibant ainsi la synthèse des protéines et induisant la mort cellulaire.
  3. Stratégie de traitement combiné : Une nouvelle stratégie de combinaison du dasatinib avec des inhibiteurs S6K/AKT est proposée, capable de surmonter la résistance inhérente et acquise au dasatinib.

Valeur scientifique et perspectives d’application

Cette étude élargit non seulement la compréhension des mécanismes pathologiques de l’ICC muté IDH, mais fournit également de nouvelles cibles et stratégies thérapeutiques, offrant de précieuses idées pour les traitements cliniques futurs. La combinaison du dasatinib avec des inhibiteurs S6K/AKT pourrait devenir un moyen efficace de traiter ce cancer agressif, augmentant le taux de survie et la qualité de vie des patients.

Autres informations de valeur

En outre, l’étude a révélé que la présence de 2-HG est cruciale pour l’inhibition de la voie de signalisation S6K/S6, suggérant que dans le traitement clinique, il faut soigneusement envisager l’utilisation combinée ou séquentielle du dasatinib avec d’autres inhibiteurs IDH1/2 pour éviter une résistance médicamenteuse due à des interactions entre les médicaments. Cet article propose de nouvelles méthodes et options pour le traitement du cholangiocarcinome et apporte de l’espoir et des perspectives pour la future personnalisation des traitements contre le cancer.