Inférence de circuit latent à partir de réponses neuronales hétérogènes lors de tâches cognitives
Inférence de circuits latents à partir de réponses neuronales hétérogènes pendant des tâches cognitives
Contexte académique
Dans les tâches cognitives, les zones corticales supérieures du cerveau (comme le cortex préfrontal, Prefrontal Cortex, PFC) sont responsables de l’intégration de divers signaux sensoriels, cognitifs et moteurs. Cependant, les réponses des neurones individuels présentent souvent une hétérogénéité complexe, c’est-à-dire qu’ils répondent simultanément à plusieurs variables de la tâche. Cette hétérogénéité rend difficile pour les chercheurs d’inférer directement à partir de l’activité neuronale les mécanismes des circuits neuronaux qui pilotent le comportement. Les méthodes traditionnelles de réduction de dimensionnalité reposent sur la corrélation entre l’activité neuronale et les variables de la tâche, mais ne parviennent pas à révéler les connexions des circuits neuronaux sous-jacents à ces réponses hétérogènes.
Pour résoudre ce problème, Christopher Langdon et Tatiana A. Engel ont développé une nouvelle méthode de réduction de dimensionnalité appelée modèle de circuit latent (Latent Circuit Model). Ce modèle simule les interactions entre les variables de la tâche via des connexions récurrentes de faible dimensionnalité (recurrent connectivity) et génère une sortie comportementale. Grâce à ce modèle, les chercheurs peuvent inférer des mécanismes de circuits neuronaux de faible dimensionnalité à partir de données de réponse neuronale de haute dimensionnalité, révélant ainsi les processus de calcul dans les tâches cognitives.
Source de l’article
Cet article a été coécrit par Christopher Langdon et Tatiana A. Engel, respectivement affiliés au Princeton Neuroscience Institute, Princeton University, et au Cold Spring Harbor Laboratory. Il a été publié en 2025 dans la revue Nature Neuroscience, sous le titre “Latent circuit inference from heterogeneous neural responses during cognitive tasks”.
Processus de recherche et résultats
1. Développement du modèle de circuit latent
Les auteurs ont d’abord développé le modèle de circuit latent, qui simule les interactions entre les variables de la tâche via des connexions récurrentes de faible dimensionnalité. L’idée principale du modèle est de projeter les données de réponse neuronale de haute dimensionnalité dans un espace latent de faible dimensionnalité, et de générer une sortie comportementale via un réseau neuronal de faible dimensionnalité. Plus précisément, l’équation dynamique du modèle est la suivante : $$ \dot{x} = -x + f(W{rec}x + W{in}u) $$ où (x) est la variable latente, (W{rec}) est la matrice de connectivité récurrente, (W{in}) est la matrice de connectivité d’entrée, (u) est l’entrée de la tâche, et (f) est la fonction d’activation.
2. Application du modèle aux RNN
Pour valider l’efficacité du modèle de circuit latent, les auteurs l’ont appliqué à un réseau neuronal récurrent (Recurrent Neural Network, RNN) entraîné pour exécuter une tâche de prise de décision dépendante du contexte (context-dependent decision-making task). Dans cette tâche, le RNN devait traiter sélectivement les entrées sensorielles en fonction des indices contextuels. À travers le modèle de circuit latent, les auteurs ont découvert un mécanisme de suppression, où les représentations contextuelles inhibent les réponses sensorielles non pertinentes. Ce mécanisme est cohérent avec les hypothèses formulées dans les modèles de circuits neuronaux conçus manuellement précédemment.
3. Validation du modèle
Pour valider les mécanismes inférés par le modèle de circuit latent, les auteurs ont effectué des perturbations structurées (patterned perturbations) sur les connexions du RNN et ont observé leurs effets sur le comportement. Les résultats montrent que ces perturbations affectent le comportement conformément aux prédictions du modèle de circuit latent, confirmant ainsi le mécanisme de suppression inféré. De plus, les auteurs ont également découvert un mécanisme de suppression similaire dans les enregistrements du cortex préfrontal de singes effectuant la même tâche.
4. Comparaison avec les modèles de régression
Les auteurs ont également comparé les résultats du modèle de circuit latent avec ceux des modèles de régression classiques (regression models). Les modèles de régression analysent les réponses neuronales en recherchant les projections de faible dimensionnalité les plus corrélées avec les variables de la tâche, mais ils ne prennent pas en compte les interactions entre les variables de la tâche. Les résultats montrent que les modèles de régression n’ont pas réussi à révéler le mécanisme de suppression découvert par le modèle de circuit latent, indiquant que l’omission des interactions entre les variables de la tâche peut conduire à une mauvaise interprétation des calculs neuronaux.
Conclusions et implications
Cette étude a permis, grâce au développement du modèle de circuit latent, d’inférer avec succès des mécanismes de circuits neuronaux de faible dimensionnalité à partir de données de réponse neuronale de haute dimensionnalité. Ce modèle explique non seulement l’origine des réponses neuronales hétérogènes, mais révèle également les processus de calcul dans les tâches cognitives. En outre, l’étude prouve que les mécanismes de faible dimensionnalité dans les réseaux de grande dimensionnalité peuvent toujours piloter le comportement. Cette découverte offre une nouvelle perspective pour comprendre les fonctions cognitives dans le cerveau et fournit un outil puissant pour les futures recherches sur les circuits neuronaux.
Points forts de la recherche
- Développement d’un modèle innovant : Le modèle de circuit latent combine pour la première fois des mécanismes de circuits neuronaux de faible dimensionnalité avec des données de réponse neuronale de haute dimensionnalité, comblant ainsi le fossé entre les méthodes traditionnelles de réduction de dimensionnalité et les mécanismes de circuits neuronaux.
- Découverte d’un mécanisme de suppression : Grâce à l’inférence du modèle, les auteurs ont découvert un mécanisme de suppression, où les représentations contextuelles inhibent les réponses sensorielles non pertinentes. Ce mécanisme a été validé dans les RNN ainsi que dans le cortex préfrontal de singes.
- Comparaison avec les modèles traditionnels : L’étude met en évidence, à travers une comparaison avec les modèles de régression, l’importance des interactions entre les variables de la tâche, offrant ainsi de nouvelles directions pour les futures recherches sur les calculs neuronaux.
Autres informations utiles
Cette étude montre également comment valider expérimentalement les mécanismes de circuits neuronaux inférés via des expériences de perturbation, fournissant des méthodes opérationnelles pour les futures recherches sur les circuits neuronaux. En outre, les résultats suggèrent que les mécanismes de faible dimensionnalité dans les réseaux de grande dimensionnalité pourraient être similaires aux modèles classiques de circuits neuronaux de petite échelle, offrant ainsi de nouvelles perspectives pour comprendre les calculs neuronaux complexes.