Synapses GABAergiques entre les neurones efférents auditifs et les neurones afférents ganglionnaires spirale de type II dans la cochlée de souris

Synapses GABAergiques entre les neurones effecteurs auditifs et les neurones afférents du ganglion spiral de type II dans la cochlée de la souris

Introduction contextuelle

La complexité et la précision du système auditif ont toujours constitué un sujet important dans la recherche en neurosciences. En tant que composant clé du système auditif, la cochlée joue un rôle crucial dans l’interaction entre ses cellules et neurones pour assurer la fonction auditive. Les cellules ciliées externes (outer hair cells, OHC) amplifient les signaux sonores grâce à leurs propriétés électromotiles, améliorant ainsi la sensibilité auditive et le réglage des fréquences. Les OHC reçoivent non seulement une rétroaction cholinergique des neurones effecteurs olivo-cochléaires médians (medial olivocochlear, MOC), mais transmettent également des informations au tronc cérébral via les neurones afférents du ganglion spiral de type II (type II spiral ganglion neurons, SGN). Cependant, les mécanismes d’interaction entre les neurones dans la région des OHC restent mal compris, en particulier le rôle du GABA (acide γ-aminobutyrique).

Des études antérieures ont montré que les neurones MOC libèrent non seulement de l’acétylcholine (ACh), mais aussi potentiellement du GABA. Cependant, la fonction spécifique et les mécanismes du GABA dans la cochlée restent flous. Cette étude vise à explorer l’existence de synapses GABAergiques entre les neurones MOC et les SGN de type II, et à révéler leur rôle dans la fonction cochléaire.

Source de l’article

Cette recherche a été réalisée par Julia L. Bachman, Siân R. Kitcher, Lucas G. Vattino et leurs collaborateurs, issus notamment de l’Institut national de la surdité et autres troubles de la communication (NIDCD) des NIH et du Conseil national de la recherche scientifique et technique (CONICET) en Argentine. L’article, intitulé “GABAergic synapses between auditory efferent neurons and type II spiral ganglion afferent neurons in the mouse cochlea”, a été publié dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) le 18 février 2025.

Protocole expérimental

1. Conception de l’étude et méthodologie

Cette étude combine la détection optique des neurotransmetteurs, l’immunohistochimie et l’électrophysiologie par patch-clamp pour analyser les synapses GABAergiques entre les neurones MOC et les SGN de type II. Le processus expérimental est décrit ci-dessous :

a) Expériences d’immunohistochimie

Les chercheurs ont utilisé un modèle murin Chat-IRES-Cre; tdTomato pour marquer l’enzyme de synthèse du GABA (glutamic acid decarboxylase, GAD) et le marqueur présynaptique (synapsin), afin de vérifier si les neurones MOC possèdent des caractéristiques GABAergiques. Les tissus cochléaires de souris âgées de 5 jours postnataux (P5) à 20 jours postnataux (P20) ont été analysés avec un microscope inversé Nikon A1R équipé d’objectifs 40x ou 60x, et traités avec le logiciel Nikon Elements.

b) Expériences d’électrophysiologie par patch-clamp

Les chercheurs ont isolé les OHC des sommets cochléaires de souris âgées de P11-P13 pour réaliser des enregistrements en voltage-clamp à cellule entière. En stimulant électriquement les axones des neurones MOC, ils ont enregistré les courants postsynaptiques (postsynaptic currents, PSC) des OHC et évalué la régulation de la libération de neurotransmetteurs par les récepteurs GABA B (GABA B receptor, GABA BR). De plus, des enregistrements par patch-clamp ont été effectués sur les dendrites des SGN de type II de souris âgées de P3-P10 pour étudier les réponses médiées par les récepteurs GABA A (GABA A receptor, GABA AR).

c) Détection optique des neurotransmetteurs

Les chercheurs ont injecté un virus adéno-associé (adeno-associated virus, AAV) dans le canal semi-circulaire postérieur pour exprimer un indicateur optique de GABA (iGABASnFR) dans les SGN de type II. La libération de GABA par les axones des neurones MOC a été détectée par microscopie confocale, combinée à des techniques de stimulation électrique pour étudier la cinétique de libération du GABA.

2. Résultats expérimentaux

a) Propriétés GABAergiques des neurones MOC

Les expériences d’immunohistochimie ont montré que les terminaisons axonales des neurones MOC présentaient une immunopositivité pour le GAD dès P7, qui restait stable avant et après l’apparition de l’audition (P9-P20). La colocalisation du GAD avec le marqueur présynaptique synapsin indique que les neurones MOC possèdent des propriétés GABAergiques.

b) Régulation de la libération de neurotransmetteurs par les récepteurs GABA B

Les expériences de patch-clamp ont révélé que le GABA inhibe la libération d’ACh en activant les récepteurs GABA B présynaptiques, ce qui réduit l’entrée de calcium par les canaux calciques voltage-dépendants (VGCC) de type P/Q. Ce mécanisme est similaire à celui observé aux synapses MOC-IHC (cellules ciliées internes).

c) Libération de GABA par les neurones MOC vers les SGN de type II

Les expériences de détection optique ont montré qu’une stimulation électrique des axones des neurones MOC induit une augmentation du signal fluorescent iGABASnFR dans les SGN de type II, indiquant que le GABA est libéré des axones MOC et diffuse vers les SGN de type II. Ce phénomène est présent avant et après l’apparition de l’audition.

d) Réponses médiées par les récepteurs GABA A dans les SGN de type II

Les enregistrements par patch-clamp ont montré que le GABA exogène provoque des réponses électriques dans les SGN de type II, bloquées par l’antagoniste des récepteurs GABA A, la gabazine. Des expériences de relation courant-tension ont confirmé que le GABA agit via des canaux chlorure ionotropes médiés par les récepteurs GABA A.

3. Conclusion de l’étude

Cette étude montre pour la première fois l’existence de synapses GABAergiques fonctionnelles entre les neurones MOC et les SGN de type II. Le GABA régule non seulement la libération de neurotransmetteurs par les récepteurs GABA B, mais agit également directement sur les SGN de type II via les récepteurs GABA A, influençant leur activité. Cette découverte met en lumière un réseau neuronal complexe dans la cochlée, offrant une nouvelle perspective sur la régulation fine du système auditif.

Signification et points forts de l’étude

1. Importance scientifique

Cette recherche révèle pour la première fois les synapses GABAergiques entre les neurones MOC et les SGN de type II, comblant une lacune dans la compréhension des mécanismes d’interaction neuronale dans la cochlée. Ces résultats fournissent des indices cruciaux pour comprendre les réseaux de régulation neuronale dans la cochlée.

2. Valeur applicative

L’existence de synapses GABAergiques pourrait jouer un rôle essentiel dans le développement et la régulation des fonctions auditives. Par exemple, les signaux GABAergiques pourraient être cruciaux pendant le développement des neurones cochléaires ou influencer la sensibilité auditive en modulant l’activité des OHC. De plus, cette découverte pourrait offrir de nouvelles cibles pour le traitement des troubles auditifs.

3. Points forts de l’étude

  • Méthodes expérimentales innovantes : Combinaison de la détection optique des neurotransmetteurs, de l’immunohistochimie et de l’électrophysiologie par patch-clamp pour une analyse complète des synapses GABAergiques.
  • Découverte importante : Première preuve des synapses GABAergiques entre les neurones MOC et les SGN de type II, révélant leur rôle dans la fonction cochléaire.
  • Perspectives d’application étendues : Nouvelles directions pour l’étude du développement et de la régulation fonctionnelle du système auditif, ainsi que des maladies associées.

Informations supplémentaires utiles

Les données expérimentales, les images d’immunohistochimie et les images des indicateurs optiques de GABA sont disponibles publiquement via la base de données Dryad (DOI: 10.5061/dryad.2rbnzs80g). L’équipe de recherche remercie également l’équipe du projet Genie du Janelia Research Campus pour avoir fourni les plasmides iGABASnFR, ainsi qu’Alan Hoofring du service artistique des NIH pour avoir dessiné le schéma synaptique.

En combinant plusieurs technologies multidisciplinaires, cette étude révèle les synapses GABAergiques entre les neurones MOC et les SGN de type II dans la cochlée, ouvrant de nouveaux horizons pour la recherche sur le système auditif.