Profil topographique unicellulaire de la synapse immunitaire révèle une signature biomécanique de la cytotoxicité

L’analyse topologique à l’échelle d’une seule cellule révèle les caractéristiques biomécaniques des cellules T cytotoxiques

Introduction

Ces dernières années, les recherches sur la façon dont le système immunitaire fonctionne dans différents environnements mécano-chimiques ont montré que les cellules immunitaires perçoivent les paramètres physiques et activent la réponse immunitaire en changeant dynamiquement de forme et en exerçant des forces sur leur environnement. Ces paramètres physiques ont un impact significatif sur l’expression génétique des cellules, le métabolisme et les comportements cellulaires à l’échelle mésoscopique. Cela est particulièrement vrai pour les cellules T cytotoxiques (CTLs) qui, lorsqu’elles tuent les cellules cibles infectées ou transformées, libèrent de la perforine et des granzymes, un comportement sécrétoire étroitement lié à l’activité mécanique. Cependant, la façon dont les forces dérivées des CTLs ciblent précisément la libération de la perforine et des granzymes, ainsi que l’impact de ces forces sur la membrane des cellules cibles reste un problème non résolu. Ainsi, les auteurs de cet article ont utilisé la microscopie de force de traction à super-résolution (TFM) pour comparer la synapse immunitaire formée par les CTLs avec d’autres sous-groupes de cellules T et les macrophages, afin de révéler des modèles spécifiques de force de sortie, dans le but de comprendre la fonction des CTLs dans les environnements mécaniques potentiels.

Source de l’article

Cet article a été rédigé par Miguel de Jesus et al., avec des auteurs issus du Memorial Sloan Kettering Cancer Center, de l’Université de Wageningen & Recherche, de l’Université de Washington, entre autres institutions de recherche. L’article a été publié le 28 juin 2024 dans “Science Immunology” sous le titre “Single-cell topographical profiling of the immune synapse reveals a biomechanical signature of cytotoxicity”.

Méthodologie de l’étude

Méthodes expérimentales

L’étude a utilisé un système de microscopie de force de traction en trois dimensions (3D TFM), qui analyse les caractéristiques mécaniques de l’interaction en induisant la formation de synapses entre les cellules T et des particules d’acrylamide d’acide acrylique déformables (particules DAAM, diamètre de 13 µm, rigidité de 300 Pa). Les particules DAAM ont été fonctionnalisées pour induire la formation de synapses immunitaires avec les cellules T et ont été imagées à l’aide de la microscopie à illumination structurée de haute vitesse (SIM). La déformation de la surface de chaque particule a été reconstruite en utilisant la méthode de triangulation, ce qui a permis de visualiser la déformation physique provoquée par les synapses CTL.

Analyse des données et algorithmes

Au cours de l’analyse, les auteurs ont utilisé une série de scripts MATLAB personnalisés pour réaliser la reconstruction tridimensionnelle des formes des particules et ont procédé à une analyse topologique en utilisant des polynômes de Zernike, représentant chaque synapse immunitaire comme un spectre de fréquences spatiales. De cette manière, il est possible d’arranger les structures topologiques en fonction de la similarité, révélant ainsi les caractéristiques mécaniques spécifiques des CTLs par rapport aux autres cellules immunitaires.

Résultats de l’étude

Interprétation des résultats

L’étude a découvert que les CTLs non seulement s’étendent sur les particules DAAM, mais les enfoncent également, formant un “cratère” d’environ 10µm dans la zone de contact. Ce “cratère” comprend une bordure à courbure positive périphérique (région du bord) et une zone enfoncée centrale (plancher du cratère), présentant des caractéristiques locales saillantes et enfoncées. En analysant quantitativement la déviation de la forme des particules DAAM par rapport à une sphère idéale, il a été confirmé que les CTLs peuvent induire une compression significative des particules dans les 5 minutes après le contact et la maintenir pendant plus de 30 minutes. En même temps, en analysant la distribution de l’actine F (F-actin), il a été découvert que ces caractéristiques topologiques sont causées par une restructuration locale du cytosquelette et que l’inhibiteur d’agrégation de l’actine, la Latrunculine A, élimine presque complètement la compression ciblée.

Afin d’évaluer la relation entre ces structures et la libération de cytotoxicité, les chercheurs ont observé la dynamique des granules en temps réel en marquant la protéine lampy1 (Lamp1), constatant que les granules fusionnent et disparaissent principalement au niveau du plancher du cratère, indiquant que la libération de perforine et de granzymes est principalement concentrée dans cette région. L’utilisation d’un modèle de calcul basé sur la théorie de l’élasticité des milieux continus pour simuler les forces synaptiques générées par l’F-actine suggère que le relief variable à l’intérieur de la synapse peut maximiser l’efficacité de la cytotoxicité.

De plus, pour les éminences d’F-actin, il a été trouvé que les structures agglomérées étaient plus efficaces pour déformer la surface cible et fournir une plus grande zone de membrane pour la fusion et la libération de particules toxiques, par rapport à de petites saillies dispersées. Cette stratégie combinée pourrait expliquer les motifs de sortie mécanique spécifiques formés par les CTLs au cours de l’évolution.

Conclusion et importance

Cette étude a mis en lumière les caractéristiques biomécaniques uniques de la synapse immunitaire formée par les CTLs, offrant une nouvelle perspective sur le mécanisme d’assassinat des CTLs. Plus précisément, l’efficacité de tuerie des CTLs dépend non seulement des sécrétions chimiques, mais elle est également étroitement liée aux actions mécaniques complexes qu’elles exercent sur les cellules cibles. Des expériences supplémentaires montrent que ce motif de sortie mécanique est optimisé en s’adaptant aux propriétés physiques de la cible. Ces résultats indiquent que les formes d’interaction mécanique entre les cellules immunitaires reflètent leurs fonctions spécifiques, et que les motifs mécaniques interfaciaux peuvent être utilisés pour distinguer les différents sous-groupes de cellules immunitaires.

Points forts et innovations

Les points forts de la recherche incluent : 1. Lien étroit entre mécanique et fonction : révèle la forte corrélation entre cytotoxicité et modèles de sortie mécanique spécifiques (forces de compression et protrusions locales). 2. Techniques d’imagerie à haute résolution : utilise pour la première fois la technologie 3D TFM à super-résolution pour présenter clairement les interactions mécaniques entre les CTLs et les particules cibles. 3. Combinaison de modèles de calcul et de validation expérimentale : explique la relation entre les sorties mécaniques synaptiques et l’efficacité de cytotoxicité, et établit le rôle clé du modèle de fusionnement de l’F-actin dans les propriétés mécaniques synaptiques. 4. Introduction de l’analyse de la complexité topologique : Introduit des polynômes de Zernike et leur invariance de rotation pour quantifier la complexité topologique de la synapse immunitaire et effectuer des comparaisons différentielles entre les cellules.

Cette étude fournit non seulement des connaissances fondamentales importantes dans les domaines de la biomécanique et de la cytotoxicité cellulaire, mais aussi aide à développer des stratégies d’intervention ciblant la fonction des cellules immunitaires, ayant une grande valeur appliquée pour les thérapies immunitaires et la recherche en pathologie.