Les canaux potassiques sensibles à l'ATP modulent le flux glycolytique pour réguler l'activité corticale et le sommeil
Les canaux KATP modulent l’activité corticale et le sommeil en régulant le flux glycolytique
Contexte académique
Le glucose n’est pas seulement une source d’énergie pour le cerveau, mais aussi un substrat biosynthétique pour la synthèse des neurotransmetteurs. Les changements dans le flux glycolytique peuvent altérer la synthèse des neurotransmetteurs, réduisant ainsi l’activité électroencéphalographique (EEG) corticale, l’éveil et le sommeil malgré une disponibilité énergétique suffisante. Les canaux KATP (potassium sensible à l’ATP) sont des capteurs métaboliques sous contrôle circadien qui contrôlent le flux glycolytique, l’éveil et les transitions veille/sommeil. La régulation du flux glycolytique par les canaux KATP facilite le maintien et la transition entre les états de veille et de sommeil. Cependant, les mécanismes moléculaires sous-jacents ne sont pas entièrement compris. Cette étude vise à explorer comment les canaux KATP modulent l’activité corticale et les états de veille/sommeil via la régulation du flux glycolytique, tout en révélant les mécanismes moléculaires impliqués.
Source de l’article
Cette recherche a été réalisée par Nicholas J. Constantino, Caitlin M. Carroll, Holden C. Williams et al., issus de plusieurs institutions renommées telles que l’University of Kentucky et la Washington University School of Medicine. L’article a été publié le 18 février 2025 dans PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences), intitulé “Les canaux potassiques sensibles à l’ATP modifient le flux glycolytique pour moduler l’activité corticale et le sommeil”.
Processus de recherche et résultats
1. Localisation des canaux KATP dans les neurones
Les chercheurs ont tout d’abord analysé des bases de données publiques de séquençage d’ARN unicellulaire (brainrnaseq.org et portal.brain-map.org) pour déterminer l’expression principale des canaux KATP. Les résultats montrent que les sous-unités Kir6.2 (codées par le gène KCNJ11) et SUR1 (codées par le gène ABCC8) des canaux KATP sont principalement exprimées sur les neurones excitateurs et inhibiteurs, en particulier sur les neurones glutamatergiques et GABAergiques, avec une expression minimale dans les cellules non neuronales (comme les cellules gliales et vasculaires). Cette découverte suggère que la suppression des canaux KATP affecte principalement le métabolisme et l’excitabilité neuronale.
2. Impact de la suppression des canaux KATP sur la glycolyse et la synthèse des neurotransmetteurs
En administrant du glucose U-13C par voie orale et en utilisant la métabolomique résolue par isotopes stables (SIRM), les chercheurs ont analysé le métabolisme du glucose dans le cerveau de souris déficientes en canaux KATP (Kir6.2−/−) et de souris témoins (WT). Les résultats montrent que le flux glycolytique est augmenté chez les souris Kir6.2−/−, tandis que la synthèse des neurotransmetteurs est réduite. Plus précisément, les niveaux de pyruvate et de lactate augmentent significativement dans le cerveau des souris Kir6.2−/−, alors que la synthèse des précurseurs de neurotransmetteurs comme le glutamine et le GABA diminue. Cela indique que la perte des canaux KATP conduit à une utilisation prioritaire du glucose pour la glycolyse plutôt que pour la biosynthèse des neurotransmetteurs.
3. Impact de la suppression des canaux KATP sur la respiration mitochondriale
Pour exclure l’influence potentielle des défauts de fonctionnement mitochondrial sur l’augmentation du flux glycolytique, les chercheurs ont isolé les mitochondries synaptiques et non synaptiques des souris Kir6.2−/− et WT et mesuré leur taux de consommation d’oxygène (OCR). Les résultats montrent que la fonction respiratoire mitochondriale est similaire entre les deux groupes, ce qui indique que l’augmentation du flux glycolytique n’est pas due à un défaut mitochondrial mais au résultat direct de la suppression des canaux KATP.
4. Effets de la suppression des canaux KATP sur l’activité EEG et le comportement
À travers des enregistrements EEG, les chercheurs ont constaté que la puissance absolue des ondes cérébrales était significativement réduite chez les souris Kir6.2−/− dans tous les états de veille/sommeil, notamment dans les bandes θ (4-8 Hz) et α (8-13 Hz), associées à l’éveil. De plus, les souris Kir6.2−/− présentaient un retard dans le temps d’induction et de réveil sous anesthésie, suggérant une capacité altérée de transition veille/sommeil. Des tests comportementaux ont également montré une diminution des comportements liés à l’anxiété chez ces souris, bien qu’une légère baisse de la fonction mnésique ait été observée.
5. Impact de la suppression des canaux KATP sur les états de veille/sommeil
Grâce à des enregistrements EEG/EMG, les chercheurs ont découvert que les souris Kir6.2−/− passaient plus de temps éveillées au début de la période lumineuse (ZT0-3), indiquant un retard dans la transition veille-sommeil. En outre, pendant le sommeil, la puissance relative des ondes cérébrales basculait des fréquences basses (comme les ondes θ) vers les fréquences élevées (comme les ondes γ), ce qui suggère une qualité de sommeil réduite.
6. Effet de la suppression des canaux KATP sur la dynamique du lactate dans le liquide interstitiel (LIS)
En enregistrant simultanément l’EEG/EMG et les niveaux de lactate dans le LIS, les chercheurs ont constaté que les variations du lactate étaient significativement ralenties chez les souris Kir6.2−/− lors des transitions veille/sommeil. Plus précisément, le lactate augmentait plus lentement lors de la transition sommeil-éveil et diminuait plus lentement lors de la transition éveil-sommeil. Cela montre que les canaux KATP jouent un rôle clé dans la régulation de la dynamique du lactate, influençant ainsi les transitions veille/sommeil.
7. Expression circadienne des canaux KATP
À travers le séquençage d’ARN et l’analyse de rythmicité, les chercheurs ont découvert que l’expression des gènes KCNJ11 et ABCC8 présentait une rythmicité circadienne, avec un pic d’expression durant la période lumineuse et une baisse durant la période sombre. Cette découverte suggère que l’expression des canaux KATP est régulée par des rythmes circadiens, expliquant pourquoi les changements dans les états de veille/sommeil sont plus prononcés à certains moments de la journée chez les souris Kir6.2−/−.
Conclusion et signification
Cette étude révèle comment les canaux KATP régulent le flux glycolytique, influençant ainsi l’activité corticale, l’éveil et les états de veille/sommeil. En particulier, la suppression des canaux KATP entraîne une utilisation prioritaire du glucose pour la glycolyse au détriment de la synthèse des neurotransmetteurs, réduisant ainsi l’activité corticale et retardant les transitions veille/sommeil. De plus, l’expression des canaux KATP est régulée par des rythmes circadiens, ce qui influence davantage le maintien et la transition entre les états de veille et de sommeil. Ces travaux approfondissent notre compréhension des relations entre métabolisme et activité neuronale et ouvrent de nouvelles perspectives pour les maladies liées aux canaux KATP (comme le diabète de type 2 et le syndrome DEND).
Points forts de la recherche
- Rôle métabolique des canaux KATP : Première démonstration que les canaux KATP modulent la synthèse des neurotransmetteurs et l’activité corticale via le flux glycolytique.
- Mécanisme moléculaire des transitions veille/sommeil : Éclaircissement du rôle crucial des canaux KATP dans la régulation de la dynamique du lactate et des transitions veille/sommeil.
- Interaction entre rythmes circadiens et métabolisme : Découverte que l’expression des canaux KATP est régulée par des rythmes circadiens, offrant une nouvelle perspective sur les variations quotidiennes des états de veille/sommeil.
Cette étude fournit de nouvelles perspectives sur les relations complexes entre métabolisme et activité neuronale et identifie des cibles potentielles pour le traitement de maladies associées.