L'impact d'un régime riche en graisses sur les cellules microgliales et ses effets sur la fonction cérébrale

Étude sur l’effet des acides gras saturés sur la fonction cérébrale

Introduction

L’obésité et le syndrome métabolique sont de grands défis pour la santé mondiale actuelle. De nombreuses études montrent qu’une consommation excessive d’aliments riches en acides gras saturés peut conduire à l’obésité et s’accompagner d’une série de complications métaboliques telles que la résistance à l’insuline et le diabète. Cependant, l’obésité n’affecte pas seulement la santé physique mais peut également avoir un impact considérable sur la fonction cérébrale. Les études sur les modèles animaux ont montré que l’obésité induite par le régime alimentaire (DIO) entraîne des changements métaboliques dans la région de l’hippocampe, une dysfonction synaptique ainsi que des dommages dans les processus d’apprentissage et de mémoire [1-3]. Il est surprenant de constater que chez les humains, une courte période de consommation d’un régime riche en graisses et en sucre (seulement quatre jours) est suffisante pour causer des dommages significatifs à l’apprentissage et à la mémoire dépendant de l’hippocampe.

L’obésité est souvent accompagnée d’un état d’inflammation de bas grade. Dans le cerveau, l’inflammation neuronale déclenchée par le DIO est particulièrement marquée. Ce processus inflammatoire implique l’activation de la microglie (microgliose). Bien que la littérature sur l’inflammation neuronale induite par le DIO soit controversée, certaines études n’ont pas montré d’expression évidente de cytokines dans des régions du cerveau telles que l’hippocampe et le cortex [5-9]. Par conséquent, le rôle spécifique de la microglie dans le DIO reste incertain. Cet article utilise le modèle de cellules BV2, pour étudier les caractéristiques de la réponse de la microglie après exposition à l’acide palmitique (palmitate, un acide gras saturé riche dans un régime alimentaire riche en graisses ainsi que dans le cerveau des individus obèses).

Source de l’étude

Cette étude a été co-écrite par les scientifiques Gabriela C. de Paula, Blanca I. Aldana, Roberta Battistella, Rosalía Fernández-Calle, Andreas Bjure, Iben Lundgaard, Tomas Deierborg et João M. N. Duarte, principalement de la Department of Experimental Medical Science de l’Université de Lund en Suède (Department of Experimental Medical Science) et du Wallenberg Centre for Molecular Medicine, ainsi que de la Department of Drug Design and Pharmacology de la Faculté des Sciences de la Santé de l’Université de Copenhague au Danemark (Department of Drug Design and Pharmacology). L’article a été publié en 2024 dans la revue Journal of Neuroinflammation.

Méthodologie

Objets d’étude et méthodes expérimentales

  1. Culture et traitement des cellules

    • Les cellules microgliales BV2 (provenant de l’ATCC, Manassas, VA-USA, numéro #CRL-2469) sont cultivées dans un milieu Dulbecco modifié Eagle (DMEM) contenant 5 mmol/L de glucose, 1 mmol/L de pyruvate et 4 mmol/L de glutamine, avec en supplément 10% de sérum de veau fœtal (FBS), 100U/ml de pénicilline/streptomycine (P/S).
  2. Test de prolifération et de viabilité cellulaire

    • La prolifération cellulaire est déterminée par le comptage des cellules, effectuée toutes les 6 heures.
    • La viabilité cellulaire et l’apoptose sont testées à l’aide d’un kit de réactifs CyQuant MTT et d’un kit de dosage pour l’activité de la caspase-Glo 37.
  3. Taux de consommation d’oxygène (OCR) et taux d’émission de protons (ECAR)

    • L’OCR et l’ECAR des cellules sont mesurés à l’aide d’un analyseur Seahorse XF96 pour évaluer l’activité métabolique des cellules.
  4. PCR quantitative en temps réel (qPCR)

    • Après l’extraction de l’ARN total des cellules, la synthèse d’ADNc est réalisée en utilisant un kit de rétrotranscription, pour l’analyse par qPCR (gènes spécifiques tels que TNF-α, IL-6, IL-1β, etc.).
  5. Analyse protéomique

    • Les vésicules extracellulaires (EVs) sécrétées par les cellules BV2 traitées sont collectées et analysées par spectrométrie de masse (MS) pour détecter leur profil protéique.
  6. Expériences sur les animaux

    • Les EVs sécrétées par les cellules BV2 traitées au palmitate et par des cellules contrôles sont injectées dans les ventricules cérébraux de souris, pour observer leur impact sur le comportement, la cognition et la tolérance au glucose des souris.

Principaux résultats

  1. Le palmitate induit la prolifération de la microglie sans augmenter l’expression des cytokines

    • Après une exposition de 24 heures à 200µmol/L de palmitate, une augmentation du taux de prolifération des cellules BV2 est constatée, mais il n’y a pas d’augmentation significative dans les niveaux d’expression de cytokines telles que TNF-α ou IL-1β.
  2. Remaniement des voies métaboliques

    • Le traitement au palmitate augmente significativement l’activité glycolytique des cellules BV2, mais réduit la capacité respiratoire mitochondriale associée à la phosphorylation oxydative, suggérant un remaniement du métabolisme énergétique.
  3. Changements dans le protéome des EVs

    • L’analyse par spectrométrie de masse révèle que les EVs sécrétées par les cellules BV2 après traitement au palmitate portent des caractéristiques protéomiques spécifiques, incluant une diminution dans le contenu en protéines liées à la ribosome et au métabolisme des protéines.
  4. Impact des EVs sur la fonction cérébrale et le comportement des souris

    • L’injection des EVs dans les ventricules cérébraux des souris montre que celles qui ont reçu des EVs traitées au palmitate présentent une diminution de la mémoire (comme le test de reconnaissance d’objets nouveaux) et des comportements de type dépressif (comme le test de suspension par la queue au test de préférence de la solution de saccharose), ainsi qu’une tolérance au glucose réduite.

Conclusion et implications

Cette étude montre que les cellules BV2 exposées au palmitate transmettent des signaux de remaniement métabolique en sécrétant des EVs spécifiques, ce qui pourrait conduire à des dysfonctionnements cérébraux. Bien qu’aucune sur-expression significative des cytokines ne soit remarquée, les changements protéomiques portés par les EVs pourraient jouer un rôle clé dans l’inflammation neuronale et l’altération de la fonction cérébrale. Cette découverte offre une nouvelle perspective pour comprendre les troubles de la fonction cérébrale dans un contexte d’obésité et suggère que les EVs pourraient être une nouvelle cible pour les interventions sur les dysfonctionnements cérébraux liés à l’obésité.

Points forts de l’étude

  • Remaniement des voies métaboliques : Dévoile les mécanismes de la conversion métabolique de la microglie induite par le palmitate.
  • Rôle médiateur des EVs : Première étude systématique et validation du rôle des EVs sécrétées par la microglie après exposition au palmitate dans les troubles de la fonction neuronale.
  • Impact sur le comportement : Preuve expérimentale sur les souris de l’effet direct des EVs sur la mémoire et le comportement affectif.

Limitations et perspectives

Il est nécessaire de valider ces résultats en utilisant des microglies primaires. De plus, l’étude est limitée à la cartographie protéique et pourrait à l’avenir explorer l’impact d’autres composants des EVs, tels que les métabolites, les lipides et les acides nucléiques. En outre, l’examen des différences de réponse chez les individus à différents stades de la vie, ainsi que la conception d’un plan de recherche plus global sont également des directions importantes à prendre en compte.