Opinions du public sur l'opportunité d'autoriser l'utilisation des neuro-améliorations pharmaceutiques

Rapport de recherche sur l’opportunité de permettre l’utilisation des neuro-améliorateurs pharmacologiques par le public

Introduction

Ces dernières années, certaines personnes ont commencé à utiliser des médicaments dans le but d’améliorer les fonctions cognitives et socio-émotionnelles, demandant aux médecins des prescriptions hors étiquette pour une amélioration neurologique (par exemple, des stimulants). Cependant, la discussion sur l’opportunité de permettre cette utilisation et ses impacts sociaux potentiels (par exemple, la justice distributive) a suscité de nombreux débats. Avec l’apparition d’un nombre croissant de neuro-améliorateurs sur le marché, il existe une grande incertitude quant aux institutions (telles que les associations médicales, les gouvernements, les universités, etc.) qui devraient prendre ces décisions et s’il convient de prendre en compte les effets sociaux potentiels de ces médicaments.

Objectifs et contexte de la recherche

Cet article, rédigé par Saskia Hendriks, Xiaobai Li, Christine Grady et Scott Y. Kim, a été publié dans “Neurology” le 27 août 2024, volume e209681. L’objectif principal de cette étude est d’examiner l’impact des effets individuels et sociaux des neuro-améliorateurs pharmacologiques sur le soutien des politiques par le public, y compris la décision des institutions quant à l’autorisation de l’utilisation des neuro-améliorateurs.

Aux États-Unis, la question de l’utilisation et de la régulation des neuro-améliorateurs pharmacologiques a suscité une large attention. Par exemple, l’American Academy of Neurology estime qu’il est éthiquement acceptable de prescrire des neuro-améliorateurs à des individus en bonne santé, tandis que l’American Medical Association et plusieurs associations de neurologie s’opposent à cette pratique. Dans ce contexte de controverse, il est particulièrement important d’examiner les attitudes du public envers les neuro-améliorateurs pharmacologiques.

Méthodologie

L’étude a utilisé la méthode de l’expérience de choix discret (Discrete-Choice Experiment, DCE), en enquêtant un échantillon représentatif du public adulte américain. Les données ont été analysées à l’aide de modèles logit multinomiaux. Le questionnaire de l’enquête a conçu six scénarios de neuro-améliorateurs avec différents niveaux de caractéristiques, et les participants devaient choisir à plusieurs reprises l’un des deux médicaments neuro-améliorateurs hypothétiques qu’ils estimaient devoir être autorisés.

Les sujets de cette étude étaient 927 adultes américains, dont l’échantillon est représentatif de la population américaine en termes d’âge, de sexe, de race, etc. La collecte des données a été réalisée par CloudResearch, une société de Baidu, entre janvier et juin 2022. Outre les informations de base, le questionnaire comprenait également des contrôles de compréhension et d’attention pour garantir la qualité des données.

Résultats principaux

Les résultats principaux de l’enquête montrent que le risque d’effets secondaires graves pour les utilisateurs de neuro-améliorateurs et l’absence de bénéfices pour les utilisateurs sont les principaux facteurs négatifs influençant le soutien des participants à l’autorisation des neuro-améliorateurs. L’impact des neuro-améliorateurs sur le bien-être social et la justice a également significativement influencé les choix des participants. En outre, l’authenticité de l’utilisateur et le type d’institution ont également eu une certaine influence sur les décisions des participants, mais relativement moindre.

Impact individuel sur les utilisateurs

Les résultats de l’enquête montrent que, pour les neuro-améliorateurs présentant un risque d’effets secondaires graves, le taux de soutien du public a diminué d’environ cinq fois (OR 0.20, CI 0.18–0.22, p < 0.0001), tandis que pour les neuro-améliorateurs sans bénéfice, le taux de soutien a diminué d’un tiers (OR 0.31, CI 0.26–0.38, p < 0.0001). En revanche, les neuro-améliorateurs présentant des bénéfices importants et durables avaient un taux de soutien plus élevé (OR 1.74, CI 1.61–1.87, p < 0.0001).

Impact sur la société

L’étude a révélé que l’impact des neuro-améliorateurs sur le bien-être social et la justice a modérément influencé le taux de soutien du public. Si les neuro-améliorateurs ont un impact négatif sur le bien-être social, le taux de soutien a diminué d’environ moitié (OR 0.45, CI 0.40–0.50, p < 0.0001). De plus, si les neuro-améliorateurs peuvent améliorer l’égalité sociale ou avoir un impact positif sur le bien-être social, le taux de soutien a significativement augmenté (respectivement OR 1.50, CI 1.41–1.80, p < 0.0001 et OR 1.60, CI 1.35–1.65, p < 0.0001).

Impact des différentes institutions

L’étude a également révélé que, bien que le public n’ait pas de préférence significative quant à l’institution chargée de réguler les neuro-améliorateurs, les différentes institutions ont des poids différents en ce qui concerne les risques, le bien-être social et la justice. Par exemple, lorsque les neuro-améliorateurs présentent un risque grave pour les utilisateurs, le gouvernement et les employeurs ont un impact plus important sur le taux de soutien du public (respectivement OR 0.55, p = 0.001 et OR 0.70, p = 0.02).

Différences de points de vue entre petits groupes

L’analyse de classe latente a montré que les participants pouvaient être divisés en deux sous-groupes principaux. Une partie des personnes (62%) étaient extrêmement opposées aux neuro-améliorateurs présentant des effets secondaires graves et sans bénéfice, tandis qu’un autre groupe (38%) était relativement moins sensible à ces risques et pourrait être plus favorable à laisser les individus décider par eux-mêmes d’utiliser ou non des neuro-améliorateurs en connaissance de cause.

Conclusion

Cette étude montre que le public, en soutenant ou non l’autorisation des neuro-améliorateurs pharmacologiques, prend en compte à la fois les risques et les bénéfices individuels pour les utilisateurs, ainsi que les questions de bien-être social et d’équité. Le public a une attitude très négative envers les neuro-améliorateurs présentant des effets secondaires graves, tout en ayant une attitude très positive envers ceux apportant des bénéfices significatifs et durables. Bien que le type d’institution de régulation ait peu d’impact sur l’opinion publique, le public ajuste ses préférences en fonction des risques et des effets sociaux dans des contextes spécifiques.

Les résultats de cette étude soutiennent que les décideurs en matière de politiques sur les neuro-améliorateurs pharmacologiques devraient prendre en compte non seulement les risques et les bénéfices individuels, mais également les impacts sur le bien-être social et l’équité. Cela diffère quelque peu des pratiques de régulation des médicaments actuelles, qui se concentrent principalement sur la sécurité et l’efficacité pour l’utilisateur, et cela est particulièrement pertinent dans le contexte où les neuro-améliorateurs pourraient avoir des effets plus larges sur la société. Les recherches futures pourraient explorer davantage les rôles et les responsabilités des différentes institutions dans la régulation des neuro-améliorateurs.