Le récepteur neuronal A2A exacerbe la perte de synapse et les déficits de mémoire chez les souris APP/PS1

Les récepteurs adénosine A2A exacerbent la perte synaptique et les déficits de mémoire chez les souris APP/PS1

La maladie d’Alzheimer (MA) est une maladie neurodégénérative caractérisée par un déclin progressif des capacités cognitives, avec des dépôts extracellulaires de plaques amyloïdes β (Aβ) et une accumulation intraneuronale de protéines tau hyperphosphorylées. Certaines études épidémiologiques suggèrent une corrélation négative entre la consommation de caféine et le risque de troubles cognitifs liés à l’âge et de MA ultérieure. La caféine est considérée comme protectrice, potentiellement en bloquant les récepteurs adénosine A2A (A2AR), dont l’expression est augmentée dans le cerveau des patients atteints de MA. Cette étude vise à mieux comprendre le rôle des A2AR précoces dans le développement de la pathologie de la MA, en se concentrant particulièrement sur leurs effets sur les synapses et les déficits de mémoire.

Contexte et origine de la recherche

Cette étude a été réalisée par Victoria Gomez-Murcia, Agathe Launay et plusieurs autres chercheurs affiliés à diverses institutions de neurosciences en France et en Suisse, comme l’équipe UMR-S1172 Lille Neuroscience & Cognition et le Laboratoire de Neuroscience Cognitives et Adaptatives. L’étude a été publiée dans la revue “Brain” le 5 juillet 2024, avec pour objectif d’explorer l’impact des A2AR chez les souris modèles de la MA.

Processus de recherche et méthodes expérimentales

Modèle animal

L’étude a utilisé des souris transgéniques Appswe/PS1de9 (appelées APP/PS1), qui ont reçu des injections bilatérales dans l’hippocampe à l’âge de 3 mois, utilisant un vecteur viral AAV2/5 pour surexprimer les A2AR dans l’hippocampe. Quatre génotypes de souris ont été utilisés : type sauvage (WT), A2AR surexprimé, APP/PS1, et APP/PS1 A2AR surexprimé. Toutes les souris ont été élevées dans des conditions de laboratoire standard avec un accès libre à la nourriture et à l’eau.

Analyses comportementales

À l’âge de 5 à 6 mois, les souris ont été soumises à divers tests comportementaux (comme le labyrinthe en Y et le labyrinthe de Barnes) pour évaluer leur mémoire spatiale. L’étude a révélé que bien que les souris WT, A2AR et APP/PS1 présentaient une mémoire spatiale normale, les souris APP/PS1 A2AR montraient des déficits significatifs de mémoire spatiale à 6 mois, indiquant que la surexpression précoce des A2AR exacerbe les troubles comportementaux chez les souris APP/PS1.

Traitement des échantillons tissulaires

Les souris ont été anesthésiées et perfusées par voie cardiaque à 6 mois, puis leurs cerveaux ont été coupés en tranches et congelés pour des analyses biochimiques et d’ARNm ultérieures. Pour étudier l’impact de la neuropathologie, les souris ont été divisées en groupes contrôle et expérimental, et leurs échantillons tissulaires ont été analysés par immunohistochimie, Western blot, microscopie électronique à transmission et protéomique.

Analyses transcriptomiques et protéomiques

Le séquençage de l’ARN a été utilisé pour analyser les changements d’expression génique dans l’hippocampe, tandis que la spectrométrie de masse en tandem couplée à la nano-chromatographie liquide a été utilisée pour analyser les niveaux d’expression protéique. L’étude a révélé des différences significatives dans l’expression des gènes et des protéines chez les souris APP/PS1 et APP/PS1 A2AR. Les gènes présentant des changements spécifiques à la population chez les souris APP/PS1 A2AR étaient principalement impliqués dans la réponse immunitaire et la fonction mitochondriale, avec une régulation négative particulièrement marquée des gènes liés aux synapses.

Principaux résultats de recherche

Exacerbation des déficits de mémoire

Les analyses comportementales ont montré que la surexpression des A2AR dans l’hippocampe exacerbe les déficits de mémoire spatiale précoces chez les souris APP/PS1. Cela correspond aux résultats d’études antérieures montrant que la régulation négative des A2AR peut restaurer la plasticité hippocampique chez les souris APP/PS1.

Changements pathologiques

Dans les tests pathologiques, la surexpression des A2AR n’a pas significativement modifié la production et l’agrégation de l’Aβ, mais a considérablement augmenté la phosphorylation de la protéine tau autour des plaques amyloïdes, ce qui pourrait expliquer l’exacerbation de la perte synaptique et des déficits de mémoire. Les résultats immunohistochimiques ont montré des changements dans les cellules neuronales et non neuronales chez les souris APP/PS1 A2AR, en particulier une réponse neuro-inflammatoire accrue, une perte de synapses excitatrices et une dysfonction mitochondriale.

Mécanismes moléculaires

Les analyses transcriptomiques et protéomiques ont révélé que les modules de gènes impliqués dans la réponse immunitaire et la fonction mitochondriale étaient significativement affectés chez les souris surexprimant les A2AR. La régulation positive des gènes liés à l’immunité pourrait conduire à une perte synaptique, expliquant ainsi les déficits de mémoire associés. De plus, la régulation négative des gènes liés aux mitochondries pourrait être associée à une diminution de la production d’énergie et à une perte de structure synaptique.

Conclusions et implications de l’étude

Dans l’ensemble, cette étude fournit des preuves solides que le dysfonctionnement des A2AR neuronaux, similaire à ce qui est observé dans le cerveau des patients, contribue aux changements pathologiques liés à l’amyloïde, suggérant que les A2AR pourraient être une cible thérapeutique potentielle pour atténuer les déficits cognitifs dans cette maladie neurodégénérative. Une étude approfondie des A2AR pourrait conduire au développement de nouvelles stratégies thérapeutiques ciblant la perte synaptique précoce dans la MA, offrant ainsi de meilleures options de prévention et de traitement pour les patients.

Points forts de l’étude

  1. Exacerbation des déficits de mémoire : La surexpression des A2AR aggrave les déficits de mémoire spatiale chez les souris APP/PS1, révélant leur rôle crucial dans le déclin cognitif précoce.
  2. Mécanismes spécifiques des changements pathologiques : L’étude détaille que la réponse immunitaire, la perte synaptique et le dysfonctionnement mitochondrial sont les principaux changements pathologiques induits par la surexpression des A2AR.
  3. Cible thérapeutique potentielle : Les A2AR sont soulignés comme une cible thérapeutique importante pour les déficits cognitifs précoces dans la MA, fournissant une direction pour le développement futur de médicaments.

Cette étude souligne également le rôle crucial des changements mitochondriaux et synaptiques dans la pathologie synaptique de la MA, rappelant aux chercheurs la nécessité d’explorer plus en profondeur ces mécanismes de changement et leur application clinique translationnelle à l’avenir.