Un circuit du tronc cérébral amplifie l'aversion

Étude d’un mécanisme de circuit du tronc cérébral amplifiant la réaction d’aversion

Contexte et motivation de la recherche

La réaction d’aversion est une réponse naturelle chez les humains et les animaux face à des menaces ou à des stimuli désagréables, capable d’aider l’individu à éviter le danger et occupant un rôle clé dans l’adaptation évolutive. Cependant, une réaction d’aversion excessive peut conduire à divers troubles émotionnels, tels que la dépression, l’anxiété, le trouble bipolaire et le trouble de stress post-traumatique (TSPT). Le contrôle dynamique et la régulation des signaux d’aversion aide l’individu à s’adapter aux menaces environnantes et à ajuster ses réactions comportementales en conséquence. Néanmoins, la recherche sur les circuits neuronaux et les mécanismes qui amplifient la réaction d’aversion reste insuffisante. Les études antérieures se sont principalement concentrées sur le noyau amygdalien et les zones cérébrales associées pour le contrôle de l’aversion et des émotions négatives; cependant, l’activation de l’amygdale induit souvent des comportements de peur et d’anxiété, plutôt que d’amplifier simplement les signaux d’aversion. Ainsi, identifier un circuit neuronal capable de réguler précisément l’intensité de la réaction d’aversion est d’une importance cruciale.

Dans cette étude, une équipe de scientifiques composée de Liang Jingwen, Zhou Yu, Feng Qiru, entre autres, a mis en évidence un nouveau circuit d’amplification des signaux d’aversion basé sur les connexions neuronales entre le noyau interpédonculaire (Interpeduncular Nucleus, IPN) et le noyau incertain (Nucleus Incertus, NI). Leur recherche a découvert que l’activation des neurones GABAergiques dans l’IPN est positivement corrélée avec l’intensité des réactions d’aversion et régule les réactions d’aversion liées à l’apprentissage de la peur et au sevrage des opiacés via une voie connectée au NI. Cette recherche propose de nouvelles possibilités pour le développement futur de stratégies d’intervention face aux troubles émotionnels et à la rechute de la dépendance aux drogues.

Source de la recherche

Cette étude résulte de la collaboration de scientifiques de l’Institut de recherche cérébrale de Chine (CIBR), de l’Université de Pékin, de l’Université de Hainan, et de l’Université des sciences et technologies de Huazhong. Les principaux auteurs sont Liang Jingwen et Zhou Yu, et les résultats de la recherche ont été publiés dans la revue « Neuron » le 6 novembre 2024.

Processus de recherche et méthodes

1. Sujets et méthodes de marquage expérimental

Pour révéler le rôle du circuit IPN-NI dans la réaction d’aversion, l’équipe de recherche a utilisé des souris transgéniques Pax7-CreER, avec expression induite par le tamoxifène de la protéine fluorescente verte (EGFP) pour marquer précisément les neurones GABAergiques dans l’IPN. Ainsi, les chercheurs ont pu localiser avec précision et manipuler les neurones Pax7 de l’IPN, tout en utilisant des vecteurs viraux associés à un adéno (AAV) pour marquer et contrôler davantage la fonction neuronale. Cette méthode assure la spécificité de l’expérimentation, permettant à l’équipe d’exclure les réactions croisées avec d’autres neurones.

2. Photométrie par fibre optique et détection de l’activité neuronale

Les chercheurs ont utilisé la technique de la photométrie par fibre optique pour enregistrer les signaux calciques (Ca2+) chez des souris en activité libre, en observant la réaction des neurones de l’IPN aux stimuli aversifs. À travers une expérience de réflexe conditionné pavlovien, ils ont exposé les souris à des chocs électriques d’intensité variable et à des solutions amères (quinine), et ont observé la force de réaction des neurones de l’IPN face à ces stimuli d’aversion. Les résultats ont montré que la force de réaction des neurones de l’IPN est en corrélation positive avec le degré d’aversion (comme l’intensité des chocs et la concentration de quinine), indiquant que les neurones de l’IPN codent non seulement la survenue d’événements aversifs et leur association, mais reflètent également l’intensité des stimuli.

3. Analyse causale de l’amplification de la réponse d’aversion

Pour vérifier le rôle des neurones de l’IPN dans la réponse d’aversion, l’équipe a utilisé une stratégie de perte de fonction en introduisant la Caspase-3 dans l’IPN via un vecteur AAV afin de détruire sélectivement les neurones Pax7. Les résultats ont montré que, sous stimuli aversifs, les souris avec destruction des neurones présentaient une réponse d’aversion plus faible. En outre, en utilisant la technologie DREADD pour activer génétiquement les neurones de l’IPN, l’équipe a constaté que l’activation des neurones Pax7 augmentait la réponse d’aversion des souris à des chocs légers sans déclencher de comportement anxieux direct. Ces résultats confirment l’importance des neurones de l’IPN dans la réponse d’aversion.

4. Voie descendante de l’IPN vers le NI

Grâce à un marquage d’étiquetage cellulaire spécifique et à l’imagerie par tomographie de lampe de microscope léger, les chercheurs ont reconstruit la morphologie des neurones projetant de l’IPN au NI et ont observé que ces neurones projetaient principalement vers la pars compacta (NIC) et la pars dissipata (NID) du NI. Pour valider la connexion synaptique entre l’IPN et le NI, les chercheurs ont utilisé l’enregistrement par clamp de patch en cellule entière, découvrant que l’activation optogénétique des terminaisons axonales des neurones de l’IPN pouvait induire un courant postsynaptique dans les neurones du NI, prouvant ainsi l’existence de connexions synaptiques monosynaptiques fonctionnelles de l’IPN vers le NI. En outre, il a été démontré que ces connexions étaient principalement inhibitrices et gabaergiques, confirmant la régulation de l’activité des neurones du NI par les projections gabaergiques de l’IPN.

5. Régulation de la réaction d’aversion lors du sevrage des opioïdes

Pour explorer davantage le rôle de la voie IPN-NI dans le sevrage des opioïdes, l’équipe de recherche a conçu une expérience de sevrage à la morphine induite par le naloxone et a constaté une augmentation significative de l’activité des neurones Pax7 dans le NI. De plus, les souris avec destruction des projections neuronales de l’IPN vers le NI montraient une diminution notable de la réponse d’aversion sans affecter la réaction aux récompenses, indiquant que l’activation des neurones de l’IPN amplifie la mémorisation et l’apprentissage des aversions liées au sevrage.

Résultats de la recherche et principales découvertes

Cette recherche a révélé que l’activité des neurones Pax7 de l’IPN a un effet amplificateur sur l’intensité de la réaction aux stimuli aversifs. L’activité neuronale de l’IPN est étroitement liée à la valeur d’aversion des stimuli et, via sa connexion à la voie descendante vers le NI, elle régule l’apprentissage de la peur et la réponse d’aversion au sevrage. Dans l’expérimentation de conditionnement peur, l’activité des neurones de l’IPN augmente non seulement au moment du stimulus conditionné mais reste élevée lors de la phase d’extinction après la cessation des chocs. Par ailleurs, le rôle des neurones Pax7 dans la réponse d’aversion s’applique également aux scénarios de sevrage des opioïdes.

En effet, la projection des neurones Pax7 de l’IPN vers le NI peut intensifier la réponse d’aversion, provoquant chez les souris une comportement plus évitant face à des stimuli d’aversion modérée (comme un choc léger ou une solution de quinine). L’activation génétique de ces neurones projectifs du NI peut significativement accroître la réponse de gel des souris. Cet effet ne s’observe pas seulement lors de la phase d’apprentissage conditionné, mais il reste effectif lors de la consolidation et de l’expression ultérieures de la mémoire.

Signification de la recherche et valeur applicative

Cette recherche procure un nouvel éclairage sur les mécanismes neuronaux de l’amplification de la réponse d’aversion, dévoilant le rôle du circuit IPN-NI en tant qu’amplificateur du signal d’aversion. Ce circuit régule non seulement l’amplification normale des signaux d’aversion mais favorise aussi la mémoire et l’apprentissage aversifs lors du sevrage des opioïdes, montrant son rôle clé dans ce contexte de sevrage. Ces résultats fournissent des cibles potentielles pour le traitement futur des troubles émotionnels et des rechutes liées à la dépendance aux substances.

De plus, l’amplification de l’aversion par les neurones Pax7 de l’IPN dans un contexte de sevrage présente un large potentiel clinique. Notamment lors du sevrage des opioïdes, la suractivation des signaux d’aversion rend difficile pour les dépendants de se libérer de la dépendance. Par conséquent, le contrôle spécifique de la voie IPN-NI pourrait offrir de nouvelles approches thérapeutiques pour aider à la cessation de la dépendance.

Points forts de la recherche

  1. Nouveau circuit d’amplification des signaux d’aversion : La voie IPN-NI est révélée pour la première fois comme amplificateur de signaux d’aversion, offrant une nouvelle perspective sur les mécanismes neuronaux du contrôle de la réaction d’aversion.
  2. Fonction d’amplification aversive spécifique : Les neurones de l’IPN à travers leur projection vers le NI ont un effet amplificateur sélectif sur les signaux d’aversion sans directement induire d’anxiété générale ou de changements d’activité.
  3. Régulation de l’aversion lors du sevrage : Les neurones Pax7 de l’IPN jouent un rôle amplificateur dans la réponse d’aversion durant le sevrage des opioïdes, soulignant leur rôle clé dans le processus de sevrage.
  4. Valeur clinique potentielle : La voie IPN-NI pourrait devenir une cible potentielle pour le traitement des troubles émotionnels et des récidives de dépendance, offrant de nouvelles alternatives pour l’intervention dans les domaines émotionnels et de la dépendance aux drogues.

Conclusion

La recherche de Liang Jingwen et al. éclaire le rôle unique des circuits du tronc cérébral dans l’amplification de la réponse d’aversion. En modulant la voie IPN-NI, l’intensité des réponses des souris aux stimuli aversifs est considérablement augmentée. Cette étude offre une base importante pour comprendre les mécanismes neuronaux de la réponse d’aversion et son application dans le sevrage médicamenteux et les troubles émotionnels, posant la possibilité de réguler la mémoire et l’apprentissage aversifs via le circuit IPN-NI, ouvrant ainsi un nouvel horizon pour le traitement futur des émotions et de la dépendance.