Les Cellules Souches Trophoblastiques de Marmoset et Humaines Diffèrent dans les Exigences de Signalisation et Récapitulent des Modes Divergents d'Invasion Trophoblastique

Différences dans les besoins en signaux des cellules souches trophoblastiques humaines et des ouistitis

Contexte et motivation de la recherche

L’implantation de l’embryon et la formation du placenta sont des caractéristiques clés du développement des mammifères euthériens. Le trophoblaste est le groupe de cellules de la couche externe de l’embryon qui joue un rôle dans la médiation de la connexion entre l’embryon et les tissus maternels. Les cellules trophoblastiques proviennent du trophectoderme à un stade précoce de l’embryogenèse et subissent une fusion cellulaire primaire lors de l’implantation de l’embryon pour former des cellules invasives, qui pénètrent ensuite l’épithélium utérin pour former trois lignées cellulaires principales : le cytotrophoblaste, le syncytiotrophoblaste et le trophoblaste extravilleux. Dans le développement précoce de l’homme, le syncytiotrophoblaste sécrète l’hormone chorionique gonadotrope pour maintenir la grossesse, tandis que le trophoblaste extravilleux pénètre profondément l’utérus pour favoriser la reconfiguration vasculaire et la régulation immunitaire.

Cependant, en raison de restrictions éthiques et techniques, il est difficile de se procurer des échantillons d’embryons humains précoces, et les mécanismes moléculaires du développement des cellules trophoblastiques restent inconnus. Les modèles de primates non humains, tels que le ouistiti (Callithrix jacchus), présentent des caractéristiques similaires à celles des humains pendant le développement, mais la méthode d’invasion du trophoblaste diffère. Les embryons de ouistiti se fixent à la surface de la cavité centrale de l’utérus, ce qui est relativement superficiel comparé aux humains. L’étude du développement des trophoblastes chez ces singes du Nouveau Monde pourrait fournir des éclaircissements sur le développement des trophoblastes humains et ses anomalies. Cet article est le fruit du travail de scientifiques tels que Dylan Siriwardena et a été publié dans la revue “Cell Stem Cell”.

Processus de recherche

Cette étude se concentre sur le suivi du développement des cellules trophoblastiques chez les embryons précoces de ouistiti, de l’implantation à la phase post-implantation, en explorant les besoins en signaux sous différentes conditions et en cultivant in vitro des cellules souches trophoblastiques (TSCs) de ouistiti, révélant ainsi les divergences dans les modes d’invasion des cellules trophoblastiques humaines et ouistitis.

Méthodes expérimentales

  1. Étude in vivo du développement des trophoblastes chez le ouistiti :

    • L’équipe de recherche a utilisé des techniques d’analyse embryonnaire spatio-temporelles pour analyser plus avant l’attachement du trophoblaste, l’invasion et la formation du placenta chez les embryons de ouistiti aux stades embryonnaires de Carnegie (CS) 5 à 7.
    • Grâce au marquage par immunofluorescence, ils ont découvert qu’au stade CS5, le trophectoderme polaire adjacent à la masse cellulaire interne s’attache à l’endomètre utérin et commence à dégrader l’épithélium utérin. Au stade CS6, les cellules trophoblastiques établissent un site d’implantation secondaire sur la paroi utérine opposée, formant une couche de cellules composée principalement de cytotrophoblastes et de syncytiotrophoblastes.
  2. Culture in vitro des cellules souches trophoblastiques de ouistiti :

    • L’équipe de recherche a différencié des cellules souches pluripotentes de ouistiti en cellules souches trophoblastiques, explorant les différents besoins en signaux.
    • Ils ont constaté que les conditions de culture des TSC humaines ne supportaient pas la formation de TSC chez les cellules de ouistiti, conduisant plutôt ces cellules à se différencier en mésoderme extraembryonnaire.
    • En inhibant conjointement les signaux MEK, TGF-β/Nodal et HDAC (histone désacétylase), ils ont stabilisé les caractéristiques “post-implantation” du trophoblaste de ouistiti, tandis que dans ces mêmes conditions, les TSC humaines avaient tendance à se différencier en trophoblaste extravilleux.
  3. Comparaison des besoins en voies de signalisation :

    • L’étude a révélé que le signal Wnt joue un rôle clé dans l’inhibition de la différenciation invasive du trophoblaste extravilleux chez les TSC humaines, tandis que les cellules trophoblastiques de ouistiti ne dépendent pas du signal Wnt.
    • Grâce à l’analyse transcriptomique, le trophoblaste de ouistiti a montré des caractéristiques de signalisation Wnt uniques après implantation, différentes de celles des humains, indiquant une adaptation évolutive divergente.

Analyse des données et points forts techniques

L’équipe de recherche a utilisé des technologies à haut débit comme le séquençage d’ARN unicellulaire et la méthylomique pour cartographier l’identité spatiale des échantillons différenciés. Notamment, grâce à des analyses de réduction dimensionnelle telles que UMAP (uniform manifold approximation and projection), ils ont révélé l’unicité de la trajectoire de différenciation post-implantation précoce du trophoblaste de ouistiti. Les TSC de ouistiti peuvent former des structures multinoyaux in vitro, démontrant un potentiel de différenciation en syncytiotrophoblaste, et ces structures se forment plus facilement à faible densité. De plus, les cellules souches trophoblastiques de ouistiti ont la capacité de s’implanter dans un modèle chimère humain-ouistiti, confirmant davantage la pertinence inter-espèces de ce modèle.

Principales découvertes et conclusions

  1. Différences interspécifiques dans le développement des trophoblastes :

    • Les trophoblastes de ouistiti montrent une invasion superficielle précoce après implantation, contrastant avec le mode d’invasion profonde chez l’homme. Cette différence serait due à des variations évolutives interspécifiques.
    • Les cellules trophoblastiques de ouistiti présentent un potentiel de différenciation considérable en culture in vitro, pouvant former les principales lignées de cellules trophoblastiques, mais nécessitant une signalisation différente pour refléter une adaptation évolutive.
  2. Rôle de la signalisation Wnt dans le développement des trophoblastes chez différentes espèces :

    • Chez les TSC de ouistiti, le signal Wnt n’a pas d’effet notable, alors qu’il inhibe la différenciation spontanée du trophoblaste extravilleux chez les TSC humaines. Cette différence de besoin pourrait être le résultat d’une régulation propre au mode d’invasion unique chez l’homme.
  3. Établissement d’un modèle de TSC et application inter-espèces :

    • Cette étude a établi un modèle de culture in vitro pour les TSC de ouistiti, révélant un potentiel significatif pour maintenir les caractéristiques des cellules souches trophoblastiques et différencier en syncytiotrophoblastes multinoyaux. Ce modèle a un potentiel d’application large pour explorer les interactions précoces entre l’embryon et l’utérus et comprendre en profondeur les maladies liées au placenta (comme l’accrétion placentaire anormale et le syndrome d’hypertension gestationnelle).

Valeur scientifique et implications pratiques

Cette étude, en comparant systématiquement les besoins en signaux et les caractéristiques d’invasion des TSC humaines et de ouistiti, offre une nouvelle perspective sur les différences évolutives dans le développement des trophoblastes chez les primates. Cela aide non seulement à explorer les mécanismes moléculaires pendant l’implantation embryonnaire précoce, mais pourrait également fournir une base théorique pour le traitement des maladies liées au placenta. Grâce au modèle de ouistiti, les chercheurs peuvent mieux étudier le comportement dynamique des trophoblastes dans l’environnement utérin, offrant de nouvelles pistes de recherche et des plateformes expérimentales pour le développement placentaire humain et ses pathologies associées.