Le transfert cortico-cortical des informations d'origine sociale régule la reconnaissance des émotions

Le rôle de la modulation corticale de l’information sociale dérivée dans la reconnaissance des émotions

Introduction

La reconnaissance des émotions et les réactions conséquentes sont essentielles pour la survie et la fonction sociale. Cependant, comment le cerveau traite l’information sociale pour permettre une reconnaissance fiable des émotions reste en grande partie inconnu. Dans cette nouvelle étude, les auteurs dévoilent le rôle d’un réseau cérébral d’inhibition/excitation à longue portée, conservé sur le plan évolutif, dans ces processus de cognition sociale. Cette étude analyse en détail le réseau de projection à longue portée du cortex préfrontal médial (mPFC) au cortex rétrosplénial (RSC) pour découvrir son rôle dans la reconnaissance des émotions.

L’importance contextuelle de ces découvertes réside dans le fait que les défauts de reconnaissance des émotions peuvent empêcher les individus d’aider leurs pairs en cas de changement émotionnel ou d’éviter les menaces. De plus, de tels déficits en cognition sociale sont fréquents dans certains troubles psychiatriques et neurodéveloppementaux tels que la schizophrénie et l’autisme, ayant un impact profond sur la vie des patients. Des réseaux neuronaux à grande échelle participent à ces compétences cognitives sociales, notamment ceux qui organisent ce qu’on appelle le réseau par défaut (default mode network, DMN). Cependant, il reste inconnu comment ces réseaux corticaux interrégionaux régulent les mécanismes de la reconnaissance des émotions.

Sources de l’article

Cet article a été réalisé par plusieurs chercheurs dont Daniel Dautan, Anna Monai, Federica Maltese, Xiao Chang, Cinzia Molent, avec Daniel Dautan et Anna Monai comme auteurs principaux, et Francesco Papaleo comme auteur correspondant. Les institutions de recherche incluent l’Institut Italien de Technologie, l’Institut de Recherche en Sciences et Technologies Inspirées par le Cerveau de l’Université de Fudan, et l’Université Charité de Berlin. L’article a été publié en 2023 dans la revue Nature Neuroscience, DOI : https://doi.org/10.1038/s41593-024-01647-x.

Méthodologie de la recherche

Conception et déroulement de l’expérimentation

L’étude commence par révéler, chez la souris, des projections d’un sous-groupe de neurones GABAergiques inhibiteurs du cortex préfrontal médial (mPFC) vers le cortex rétrosplénial (RSC) grâce à des traçages anatomiques. L’implication de ces projections mPFC-RSC dans la reconnaissance des émotions est démontrée par des manipulations optogénétiques et par l’imagerie calcique photométrique. En outre, des données d’imagerie fonctionnelle humaine suggèrent que ces projections à longue portée et les boucles de rétroaction jouent un rôle spécifique dans la reconnaissance des émotions.

  1. Traçage anatomique : En injectant la sous-unité B de la toxine cholérique (CTB-647) dans le RSC des souris, des traçages rétrogénérateurs ont confirmé des inputs du mPFC, avec marquage in vivo des neurones somatostatinergiques (som) du mPFC par des vecteurs viraux exogènes.
  2. Injection virale et manipulation optogénétique : Injection chez des souris som-Cre de virus adéno-associés (AAV-dio-NpHR ou AAV-dio-ChR2) dans le mPFC et placement de LED dans le RSC pour inhiber ou exciter les projections som du mPFC vers le RSC.
  3. Test comportemental : Observation des comportements de reconnaissance et de réaction à des congénères après un changement émotionnel dans une tâche de reconnaissance émotionnelle.
  4. Enregistrement photométrique calcique : Utilisation d’indicateurs calciques (GCaMP6f) pour enregistrer les fluctuations de signal calcique terminal des neurones somatostatinergiques projetant du mPFC au RSC lors de la reconnaissance des émotions.
  5. Intervention vivo optogénétique : Utilisation d’outils optogénétiques pour simuler les modèles d’activité neuronale normaux de la reconnaissance des émotions chez des souris libres afin de vérifier l’effet des manipulations sur ce processus.

Principales découvertes expérimentales

  1. Confirmation anatomique et fonctionnelle des projections mPFC-RSC : Utilisant un traçage rétrogénératif et une cartographie cérébrale complète, environ 10 % des neurones som du mPFC projettent vers le RSC, ces projections étant principalement situées dans les couches superficielles et profondes du RSC.
  2. Participation des projections som du mPFC vers le RSC dans la reconnaissance des émotions : La manipulation de ces projections montre que leur inhibition améliore la reconnaissance des émotions chez les souris, tandis que leur activation inhibe ce comportement.
  3. Résultats de l’imagerie calcique : Pendant la reconnaissance des émotions, des fluctuations spécifiques du signal calcique terminal des neurones som du mPFC vers le RSC sont observées.
  4. Rôle des boucles circulaires : Les projections de rétroaction du RSC vers le mPFC jouent également un rôle important dans la reconnaissance des émotions, un résultat confirmé par des données d’imagerie fonctionnelle chez le modèle de souris.

Résultats et conclusions

  1. Différences fonctionnelles : Les projections som du mPFC vers le RSC et l’ensemble des activités des neurones som du mPFC montrent des comportements différents : l’activité des som du mPFC augmente pendant la reconnaissance des émotions, tandis que leurs projections vers le RSC diminuent.
  2. Rôle des réseaux corticaux dans la reconnaissance des émotions : Globalement, le réseau inhibiteur som du mPFC vers le RSC a un impact significatif sur le traitement de l’information émotionnelle, et cette connexion présente un modèle d’activité inversement corrélé dans les analyses d’imagerie.
  3. Valeur clinique et applicative : Cette étude révèle le rôle potentiel de ces projections et boucles de rétroaction dans les déficits de reconnaissance des émotions liés à la psychopathologie, fournissant ainsi de nouvelles perspectives pour le traitement de maladies comme la schizophrénie.

Points forts de l’étude

  1. Description et vérification détaillées des projections inhibitrices à longue portée des neurones som du mPFC vers le RSC et leur rôle dans la reconnaissance des émotions.
  2. Utilisation des technologies avancées d’optogénétique et d’imagerie calcique, basées sur un modèle de souris, avec validation croisée par des données d’imagerie fonctionnelle humaine pour dévoiler les fonctions centrales des réseaux corticaux dans la reconnaissance des émotions.
  3. Éclaircissement du rôle de circuits corticaux spécifiques et démonstration de leur fonction unique dans le traitement et la réponse aux émotions des autres, apportant des significations fondamentales et cliniques pour la compréhension des processus sociaux évolutifs conservés.

Conclusion

Cette recherche offre une nouvelle perspective pour comprendre les processus cognitifs sociaux conservés par l’évolution. En révélant le rôle clé des projections som du mPFC vers le RSC dans la reconnaissance des émotions, l’étude non seulement apporte des avancées scientifiques fondamentales, mais suggère également de nouvelles cibles potentielles pour l’amélioration des fonctions cognitives sociales en clinique. Cette étude souligne l’importance de maintenir l’équilibre excitation-inhibition des cortex dans la reconnaissance des émotions, fournissant une base solide pour des recherches approfondies sur la cognition émotionnelle humaine.