Base synaptique de la sélectivité des caractéristiques dans les neurones hippocampiques
Base synaptique de la sélectivité des caractéristiques dans les neurones hippocampiques
Contexte académique
En neurosciences, une question centrale est de savoir comment la plasticité synaptique façonne la sélectivité des caractéristiques des neurones chez les animaux en comportement. Les neurones pyramidaux CA1 de l’hippocampe (CA1 pyramidal neurons, CA1PNs) présentent l’une des formes les plus frappantes de sélectivité des caractéristiques en formant des champs réceptifs (place fields, PFs) sélectifs spatialement et contextuellement. Les PFs servent de modèle pour étudier la base synaptique de l’apprentissage et de la mémoire. Bien que diverses formes de plasticité synaptique aient été proposées comme substrats cellulaires pour l’émergence des PFs, notre compréhension de la manière dont la plasticité synaptique sous-tend la formation des PFs et l’encodage de la mémoire reste limitée, en grande partie en raison du manque d’outils et des défis techniques associés à la visualisation de la plasticité synaptique à la résolution d’un seul neurone chez les animaux éveillés en comportement.
Pour résoudre ce problème, les chercheurs ont développé une approche entièrement optique pour surveiller les changements spatio-temporels et les poids synaptiques des épines dendritiques avant et après l’induction des PFs dans les CA1PNs individuels pendant la navigation spatiale. Ils ont identifié un noyau de plasticité synaptique temporellement asymétrique résultant de modifications bidirectionnelles des poids synaptiques autour de l’induction des PFs. De plus, l’étude a révélé des différences spécifiques aux compartiments dans l’amplitude et l’expression temporelle de la plasticité synaptique entre les dendrites basales et obliques. Ces résultats fournissent des preuves expérimentales reliant la plasticité synaptique à l’émergence rapide de la sélectivité spatiale dans les neurones hippocampiques, un prérequis critique pour la mémoire épisodique.
Source de l’article
Cet article a été co-écrit par Kevin C. Gonzalez, Adrian Negrean, Zhenrui Liao, Satoshi Terada, Guofeng Zhang, Sungmoo Lee, Katalin Ócsai, Balázs J. Rózsa, Michael Z. Lin, Franck Polleux et Attila Losonczy. Les auteurs proviennent de plusieurs institutions de recherche, notamment l’Université Columbia, l’Université Stanford et l’Université de technologie et d’économie de Budapest. L’article a été publié en ligne le 31 octobre 2024 dans la revue Nature.
Processus de recherche
1. Développement et utilisation des outils expérimentaux
Pour étudier la relation entre les changements de poids synaptiques (δw) et la formation des PFs, les chercheurs ont développé et déployé trois outils à la résolution d’une seule cellule :
- Capteur de libération de glutamate (sfVenus-iGluSnFR-A184S) : utilisé pour mesurer le réglage spatial des entrées synaptiques excitatrices reçues par les épines dendritiques et le timing de leur activité.
- Indicateur de calcium rouge (jRGECO1a) : utilisé pour surveiller les changements de force synaptique fonctionnelle in vivo avant et après l’induction des PFs.
- Outil optogénétique excitateur rouge (bReaChES) : utilisé pour induire les PFs.
2. Électroporation et imagerie monocellulaire
Les chercheurs ont utilisé l’électroporation monocellulaire in vivo (single-cell electroporation, SCE) pour introduire des plasmides dans des neurones pyramidaux individuels situés dans la région CA1 dorsale de l’hippocampe de souris. Grâce à une tâche de navigation spatiale à tête fixe, des images biphotoniques (2P) ont été prises dans un environnement de réalité virtuelle (VR) pour surveiller la dynamique de l’activité synaptique des dendrites basales et obliques.
3. Mesure de la plasticité synaptique
Les chercheurs ont divisé l’expérience en trois phases : pré-induction, induction et post-induction. Dans la phase pré-induction, les poids synaptiques initiaux des épines dendritiques ont été mesurés ; dans la phase d’induction, les PFs ont été induits par optogénétique ; dans la phase post-induction, la formation des PFs a été confirmée et les poids synaptiques finaux de toutes les épines dendritiques ont été mesurés.
4. Analyse des données
Les chercheurs ont mesuré la plasticité synaptique en analysant les changements des signaux calciques des épines dendritiques et ont exclu les événements calciques des épines coïncidant avec des événements calciques dendritiques globaux pour s’assurer que les mesures de plasticité synaptique n’étaient pas contaminées par les changements des propriétés de décharge somatique après la formation des PFs.
Résultats principaux
Structure temporelle de la plasticité synaptique : L’étude a révélé que la plasticité synaptique présentait une structure temporelle hautement organisée autour de l’induction des PFs, formant un noyau de plasticité synaptique temporellement asymétrique. Plus précisément, les entrées synaptiques actives 1 à 2 secondes avant l’induction étaient potentialisées, tandis que celles actives en dehors de cette fenêtre temporelle étaient déprimées.
Distribution spatiale de la plasticité synaptique : L’étude a montré qu’après la formation des PFs, les épines dendritiques recevant des entrées actives avant le site d’induction étaient significativement potentialisées, tandis que celles recevant des entrées actives après le site d’induction étaient supprimées.
Différences spécifiques aux compartiments : L’étude a révélé des différences significatives dans l’expression de la plasticité synaptique entre les dendrites obliques et basales. Les épines dendritiques des dendrites obliques présentaient des changements de poids synaptiques plus importants et étaient plus susceptibles de subir une potentialisation et une dépression.
Conclusion
Cette étude a utilisé une approche entièrement optique pour révéler les règles de plasticité synaptique sous-jacentes à la formation des PFs dans les CA1PNs de l’hippocampe. Les résultats montrent que la plasticité synaptique présente une asymétrie temporelle autour de l’induction des PFs et que cette plasticité varie selon les compartiments dendritiques. Ces découvertes fournissent des informations importantes sur la manière dont la plasticité synaptique soutient la sélectivité spatiale et la mémoire épisodique.
Points forts de l’étude
- Noyau de plasticité synaptique temporellement asymétrique : L’étude a démontré pour la première fois in vivo l’asymétrie temporelle de la plasticité synaptique autour de l’induction des PFs.
- Différences spécifiques aux compartiments : L’étude a révélé des différences significatives dans l’expression de la plasticité synaptique entre les dendrites obliques et basales.
- Innovation de l’approche entièrement optique : L’approche développée fournit un nouvel outil et un cadre pour étudier la plasticité synaptique chez les animaux en comportement.
Signification de l’étude
Cette étude approfondit notre compréhension de la manière dont la plasticité synaptique soutient l’apprentissage et la mémoire, et fournit un cadre expérimental pour les recherches futures sur les mécanismes moléculaires de la plasticité synaptique. Ces découvertes sont importantes pour comprendre le fonctionnement des circuits neuronaux et pour développer des stratégies thérapeutiques ciblant les troubles de la mémoire.