La neurotoxine botulique de type A a inhibé l'angiogenèse oculaire en modulant l'activation gliale via SOCS3

Contexte académique

La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est l’une des principales causes de perte de vision centrale chez les personnes âgées, en particulier dans sa forme néovasculaire (NV), où la néovascularisation choroïdienne (CNV) entraîne une perte de vision rapide et sévère. Actuellement, le traitement de la DMLA repose principalement sur des injections intravitréennes de médicaments anti-facteur de croissance endothélial vasculaire (anti-VEGF). Bien que ces traitements améliorent significativement la condition, les injections répétées à long terme peuvent entraîner des effets secondaires, tels qu’une réduction du flux sanguin et une aggravation de l’atrophie géographique (GA). Par conséquent, l’exploration de nouvelles approches thérapeutiques pour surmonter les limites des traitements actuels est cruciale.

Des études antérieures ont montré que les interactions entre les neurones/les cellules gliales et les vaisseaux sanguins dans la rétine jouent un rôle clé dans la régulation de l’angiogenèse et la libération de facteurs neurotrophiques. Les cellules gliales (telles que les cellules de Müller, les astrocytes et les microglies) sont activées de manière ubiquitaire en réponse à presque toutes les formes de lésions et de maladies rétiniennes, et libèrent des facteurs pro-angiogéniques, tels que le VEGF, qui sont une source majeure de néovascularisation dans les rétines ischémiques. Ainsi, l’étude de la modulation de l’activation des cellules gliales pour inhiber l’angiogenèse pathologique présente un intérêt clinique significatif.

La toxine botulique de type A (BoNT/A) est un médicament largement utilisé pour traiter divers troubles neurologiques, qui inhibe la libération de neurotransmetteurs en clivant la protéine synaptosomale associée à 25 kDa (SNAP-25). Bien que les effets angiogéniques de la BoNT/A dans les tissus non oculaires aient été étudiés, son rôle dans l’angiogenèse rétinienne reste mal compris. Cette étude vise à explorer si la BoNT/A module la prolifération pathologique des cellules endothéliales par l’activation des cellules gliales et la libération de facteurs de croissance, et à révéler les mécanismes moléculaires sous-jacents.

Source de l’article

Cet article a été rédigé par une équipe de recherche du Boston Children’s Hospital et de la Harvard Medical School, avec comme principaux auteurs Austin T. Gregg, Tianxi Wang, Lois E. H. Smith et Ye Sun. L’article a été publié en ligne le 26 juin 2024 dans la revue Angiogenesis, sous le titre Botulinum neurotoxin serotype A inhibited ocular angiogenesis through modulating glial activation via SOCS3.

Processus de recherche

1. Modèles animaux et conception expérimentale

L’étude a utilisé un modèle murin de néovascularisation choroïdienne (CNV) induite par laser, couramment utilisé pour simuler le processus angiogénique de la DMLA néovasculaire humaine. Les souris expérimentales ont été divisées en deux groupes : un groupe témoin et un groupe traité, ce dernier recevant une injection intravitréenne de BoNT/A immédiatement après la lésion laser, tandis que le groupe témoin recevait une injection de solution saline. Au cours de l’expérience, les chercheurs ont évalué l’effet inhibiteur de la BoNT/A sur la CNV et ses mécanismes moléculaires à l’aide de techniques telles que l’angiographie à la fluorescéine (FFA), l’immunohistochimie et la PCR quantitative en temps réel.

2. Effet de clivage de la BoNT/A sur SNAP-25

Les chercheurs ont d’abord analysé l’expression des récepteurs de la BoNT/A et des protéines SNARE dans la rétine de souris à l’aide d’un ensemble de données de séquençage d’ARN monocellulaire (scRNA-seq), révélant que SNAP-25 est largement exprimée dans les neurones rétiniens. Ensuite, par immunocoloration, ils ont confirmé la capacité de la BoNT/A à cliver SNAP-25 dans la rétine de souris, indiquant que la BoNT/A est active dans la rétine.

3. Effet inhibiteur de la BoNT/A sur la CNV pathologique

Dans le modèle murin de CNV induite par laser, la BoNT/A a significativement réduit la surface des lésions de CNV, inhibé la fuite vasculaire et l’activation des cellules gliales rétiniennes. Par analyse FFA et immunohistochimie, les chercheurs ont constaté que la surface des lésions de CNV était réduite d’environ 32 % chez les souris traitées par BoNT/A, et que la fuite vasculaire était également significativement réduite.

4. Effet inhibiteur de la BoNT/A sur l’activation des cellules gliales

L’étude a approfondi l’effet de la BoNT/A sur l’activation des cellules gliales rétiniennes. Par immunocoloration, les chercheurs ont observé que la BoNT/A réduisait significativement l’activation des microglies et des cellules de Müller, suggérant que la BoNT/A exerce son effet anti-angiogénique en inhibant l’activation des cellules gliales.

5. Effet inducteur de la BoNT/A sur l’expression de SOCS3

Les chercheurs ont découvert que le traitement par BoNT/A induisait significativement l’expression de l’ARNm de SOCS3, tout en inhibant l’expression de l’ARNm de VEGFA. SOCS3 est un suppresseur de la signalisation des cytokines, jouant un rôle important dans la régulation de la réponse inflammatoire et de l’angiogenèse. En utilisant des souris déficientes en SOCS3 spécifiquement dans les neurones/les cellules gliales, les chercheurs ont confirmé le rôle clé de SOCS3 dans l’effet anti-angiogénique de la BoNT/A.

Principaux résultats

  1. Clivage de SNAP-25 par la BoNT/A : La BoNT/A clive SNAP-25 dans la rétine de souris, indiquant son activité dans la rétine.
  2. Inhibition de la CNV par la BoNT/A : Dans le modèle murin de CNV induite par laser, la BoNT/A réduit significativement la surface des lésions de CNV et la fuite vasculaire.
  3. Inhibition de l’activation des cellules gliales par la BoNT/A : La BoNT/A réduit significativement l’activation des microglies et des cellules de Müller.
  4. Induction de l’expression de SOCS3 par la BoNT/A : Le traitement par BoNT/A induit significativement l’expression de l’ARNm de SOCS3, tout en inhibant l’expression de l’ARNm de VEGFA.
  5. Rôle clé de SOCS3 dans l’effet de la BoNT/A : Chez les souris déficientes en SOCS3 spécifiquement dans les neurones/les cellules gliales, l’effet anti-angiogénique de la BoNT/A est significativement atténué.

Conclusion

Cette étude montre que la BoNT/A inhibe l’angiogenèse pathologique en induisant l’expression de SOCS3 dans les neurones/les cellules gliales, supprimant ainsi l’activation des cellules gliales et réduisant la libération de facteurs pro-angiogéniques tels que le VEGFA. Cette découverte fournit une base théorique pour l’utilisation potentielle de la BoNT/A comme traitement des rétinopathies néovasculaires.

Points forts de la recherche

  1. Nouvelle cible thérapeutique : Cette étude révèle pour la première fois le mécanisme par lequel la BoNT/A inhibe l’angiogenèse pathologique en modulant l’activation des cellules gliales.
  2. Rôle clé de SOCS3 : L’étude confirme le rôle crucial de SOCS3 dans l’effet anti-angiogénique de la BoNT/A, ouvrant de nouvelles voies pour le développement de médicaments.
  3. Applications cliniques potentielles : La BoNT/A, déjà largement utilisée en clinique, pourrait devenir un traitement efficace pour la DMLA et d’autres rétinopathies, réduisant la dépendance aux injections intravitréennes répétées et améliorant les résultats à long terme.

Signification de la recherche

Cette étude révèle non seulement un nouveau mécanisme par lequel la BoNT/A inhibe l’angiogenèse pathologique, mais fournit également une base théorique importante pour le développement de nouveaux traitements de la DMLA. En modulant l’activation des cellules gliales, la BoNT/A pourrait devenir un outil thérapeutique efficace, réduisant la nécessité d’injections intravitréennes répétées et améliorant les résultats à long terme pour les patients.