Les collatérales leptomeningées régulent la reperfusion dans l'accident vasculaire cérébral ischémique et sauvent le cerveau de la recanalisation futile
Régulation gliale de la membrane synaptique pour la reperfusion dans les AVC ischémiques et prévention de la reperméabilisation inefficace
Introduction
Les AVC ischémiques sont causés par l’obstruction soudaine d’une artère alimentant le cerveau, entraînant chaque année des millions d’incapacités et de décès dans le monde. Le traitement actuel des AVC ischémiques consiste principalement en une thrombolyse veineuse ou une thrombectomie mécanique, ou une combinaison des deux pour restaurer le flux sanguin. Cependant, malgré une recanalisation rapide et réussie des vaisseaux obstrués, de nombreux patients n’ont pas une amélioration clinique significative. Ce phénomène est connu sous le nom de “recanalisation futile” (Futile Recanalization). Une recanalisation vasculaire efficace est essentielle pour rétablir le flux sanguin vers le cerveau, mais plusieurs processus, y compris la dissolution des thrombus distaux, la contraction des péricytes ou l’obstruction des capillaires par les neutrophiles, peuvent entraver la reperfusion des zones cérébrales ischémiques, conduisant ainsi à une “reperfusion inefficace”.
Les collatérales leptomeningées (Leptomeningeal Collaterals, ci-après LMC) sont des vaisseaux anastomotiques reliant les branches terminales de l’artère cérébrale moyenne (MCA) aux branches terminales de l’artère cérébrale antérieure (ACA) et de l’artère cérébrale postérieure (PCA). Des études ont montré que dans des conditions physiologiques normales, le flux sanguin dans les LMCs est minime, mais en cas d’obstruction principale des artères alimentant le cerveau, le flux sanguin dans les LMCs est activé pour fournir un flux sanguin partiel au cerveau. Chez les patients victimes d’un AVC, des LMCs étendues sont associées à de meilleurs résultats de thrombolyse et de thrombectomie mécanique, mais le rôle des LMCs dans la reperfusion après recanalisation reste à approfondir.
Origines de la recherche
Cette étude a été réalisée par Nadine Felizitas Binder, Mohamad El Amki, Chaim Glück, et al., des institutions comprenant le Département de neurologie de l’Hôpital universitaire de Zurich et l’Université de Zurich, Suisse. Les résultats de cette étude ont été publiés dans le journal « Neuron » le 1er mai 2024.
Processus de recherche
Conception et processus de l’étude
L’étude a utilisé trois lignées de souris présentant des quantités significativement différentes de LMCs : les souris C57BL/6 (LMCs abondantes), les souris Rabep2-/- (LMCs modérées à pauvres) et les souris Balb-c (LMCs pauvres). En utilisant des techniques de clarification du cerveau et de coloration immunohistochimique, les chercheurs ont utilisé la microscopie par feuillet de lumière pour imager les cellules positives à l’actine musculaire lisse dans le cerveau des souris et définir le nombre de LMCs (en moyenne 10 par hémisphère, 2-3, presque aucune).
Pour étudier l’impact des LMCs sur la formation de thrombus et le processus de thrombolyse, les chercheurs ont utilisé un modèle de thrombine pour induire un AVC chez les trois lignées de souris et ont intervenu avec un traitement thrombolytique. Grâce à la technologie d’imagerie par tache laser (LSCI), d’imagerie ultrasonore ultrarapide et de microscopie biphotonique, ils ont observé les changements de flux sanguin cérébral pendant le processus de reperfusion. En parallèle, les chercheurs ont réalisé une imagerie globale du cerveau chez les animaux vivants et une simulation du flux sanguin in vivo et in vitro pour analyser le rôle des LMCs dans la redistribution du flux sanguin.
Résultats expérimentaux
Dans le groupe de contrôle, l’injection de thrombine a provoqué une occlusion vasculaire pendant 2 heures, tandis que dans le modèle de perfusion de rt-PA (thrombolytique) débutant 30 minutes après l’AVC, le taux de recanalisation vasculaire ne montrait pas de différence significative entre les différentes lignées. Cela suggère que les LMCs n’ont pas d’impact direct sur le processus de thrombolyse.
L’étude a révélé que les souris C57BL/6 avec des LMCs abondantes avaient le plus petit volume d’infarctus cérébral et la meilleure fonction sensorimotrice 7 jours après l’AVC, tandis que les souris Balb-c pauvres en LMCs montraient des résultats opposés. Grâce à la microscopie biphotonique, il a été observé que, après l’AVC, le flux sanguin des LMCs se redistribuait de l’ACA vers le MCA et revenait progressivement à son niveau de base après la recanalisation de la MCA.
La simulation du flux sanguin a montré que, dans le cas d’abondance de LMCs, le flux sanguin était redistribué de l’ACA vers le côté MCA, atteignant son maximum à une distance de 0 à 500 um des LMCs (augmentation du flux de 714% dans une zone <250um en présence de 100% de LMCs par rapport à l’absence de LMCs).
La technique d’imagerie par tache laser a montré que chez les souris C57BL/6 avec des LMCs abondantes, la vitesse de reperfusion dans les zones ischémiques était plus lente mais plus stable, tandis que les souris pauvres en LMCs montraient une reperfusion rapide et incontrôlée, entraînant des complications hémorragiques et de moins bons résultats cliniques.
Validation des données cliniques
En clinique, les chercheurs ont collecté des données sur 96 patients traités pour un AVC ischémique aigu à l’Hôpital universitaire de Zurich. Ils ont découvert que les patients pauvres en LMCs présentaient également un modèle de reperfusion rapide et entretenaient un taux plus élevé de transformation hémorragique et une tendance à une mauvaise récupération après la recanalisation.
Conclusion
Par des expériences animales détaillées et une analyse des données cliniques, l’étude a confirmé que les LMCs jouent un rôle crucial dans le processus de reperfusion des AVC ischémiques. Chez les souris avec des LMCs abondantes, la reperfusion était progressive et stable, maintenant une meilleure intégrité tissulaire et des résultats cliniques. À l’inverse, les souris et les patients manquant de LMCs pouvaient subir une reperfusion rapide et excessive, augmentant les risques de lésions tissulaires et d’hémorragies.
Les traitements futurs des AVC devraient se concentrer sur l’amélioration de la fonction des LMCs pour assurer une reperfusion bénéfique après la thrombolyse et la thrombectomie mécanique. Cette étude met en évidence le potentiel des LMCs comme nouvelle cible thérapeutique pour le traitement des AVC et fournit de nouvelles perspectives pour des stratégies de traitement connexes.
Points forts de l’étude
- L’étude révèle pour la première fois le rôle clé des LMCs dans le traitement des AVC, enrichissant la compréhension des mécanismes de la reperfusion cérébrale.
- L’utilisation de techniques d’imagerie avancées a permis de suivre précisément les changements de flux sanguin et de démontrer l’effet protecteur des LMCs dans la reperfusion.
- Les données cliniques corroborent les résultats expérimentaux, indiquant que la quantité de LMCs est étroitement liée au pronostic clinique, offrant une base importante pour les stratégies de traitement clinique des AVC.
Grâce à cette recherche, la communauté médicale peut espérer développer des méthodes de traitement des AVC plus ciblées, réduire les reperméabilisations inefficaces, et améliorer les taux de récupération ainsi que la qualité de vie des patients.