Biompression de lambeaux musculaires squelettiques perfusables et vascularisés pour le traitement de la perte musculaire volumétrique

Rapport académique sur « Bioprinting Perfusable and Vascularized Skeletal Muscle Flaps for the Treatment of Volumetric Muscle Loss »

Introduction

Les tissus musculaires représentent une composante majeure de la masse cellulaire du corps humain, constituant un tissu complexe, dynamique et hautement vascularisé. Cependant, les pertes volumétriques de muscle (Volumetric Muscle Loss, VML) résultant de traumatismes ou d’interventions chirurgicales—définies comme une perte de plus de 20% de la masse musculaire dans une région fonctionnelle—conduisent souvent à des handicaps physiques sévères. Les traitements standards reposent principalement sur la transplantation autologue de muscles prélevés sur un site donneur sain vers la zone lésée, mais cette procédure est souvent associée à des complications au niveau du site donneur (donor-site morbidity) et à une offre limitée de tissu musculaire disponible.

Actuellement, le domaine de l’ingénierie tissulaire (Tissue Engineering, TE) s’appuie sur des approches basées sur les cellules et la matrice extracellulaire (Extracellular Matrix, ECM), pour tenter de restaurer les tissus musculaires et leurs fonctions. Cependant, les technologies conventionnelles, telles que les échafaudages acellulaires ou les « feuilles cellulaires », manquent généralement de structures hiérarchiques et sont peu vascularisées, conduisant à une viabilité limitée des implants au-delà des contraintes de diffusion. Bien qu’une avancée significative ait été réalisée avec l’impression 3D biologique (3D Bioprinting) pour générer des greffons musculaires vasculaires, ces techniques s’appuient souvent sur des processus de décellularisation longs et laborieux (Decellularized ECM Bioinks), et manquent de réseaux vasculaires hiérarchiques capables d’assurer une perfusion rapide.

Cette étude innove en proposant une méthode de bioprinting multimodal qui permet non seulement d’imprimer des lambeaux musculaires de grande épaisseur avec un réseau vasculaire hiérarchique, mais aussi de développer un macro-vaisseau ingénierisé, permettant une implantation efficace, une perfusion immédiate et une intégration rapide in vivo. Ce travail apporte une réponse aux limites de diffusion des techniques traditionnelles et ouvre la voie à de nouvelles solutions pour le traitement clinique des VML.


Origine et équipe de recherche

Cet article, intitulé « Bioprinting Perfusable and Vascularized Skeletal Muscle Flaps for the Treatment of Volumetric Muscle Loss », a été rédigé par Eliana O. Fischer, Anna Tsukerman, Shulamit Levenberg et leur équipe du Département de Génie Biomédical du Technion-Israel Institute of Technology. Publiée en 2025 dans le journal Advanced Healthcare Materials, la recherche a été financée par le programme Horizon 2020 de l’Union Européenne (n° de projet 818808).


Déroulement détaillé de l’étude

Cette étude a suivi une méthodologie rigoureuse, reposant sur l’impression 3D multimodal pour concevoir, fabriquer et implanter avec succès des lambeaux musculaires vascularisés. Les principales étapes sont résumées ci-dessous :

1. Optimisation de la bio-encre et des cellules

  • Sujet d’étude : Des encres biologiques dérivées de cellules humaines ont été employées, comprenant des cellules musculaires squelettiques (Human Skeletal Muscle Cells, HSKMCs), des cellules endothéliales (Human Umbilical Vein Endothelial Cells, HUVECs) et des péricytes.
  • Formulation de la bio-encre : Une bio-encre à base de fibrine (Fibrin-based Bioink) a été produite, contenant du fibrinogène (15 mg/ml) et de la thrombine (10 U/ml), avec une concentration cellulaire élevée de 35-40 × 10⁶ cellules/ml.
  • Tests préliminaires : Des essais sur plugs ont permis de comparer les conditions de monoculture (HSKMCs), de co-culture (HUVECs + Péricytes) et de tri-culture (HSKMCs + HUVECs + Péricytes). Les résultats ont montré une viabilité cellulaire supérieure à 90% pour toutes les configurations.

2. Impression de structures vascularisées hiérarchiques

  • Processus d’impression biologiologique :
    • La méthode d’extrusion (Extrusion Bioprinting Method) a été utilisée pour imprimer d’abord les cellules musculaires, puis les cellules endothéliales et de soutien, afin de former une structure composite.
    • Un macro-vaisseau en PLLA/PLGA a été inséré autour du gel de fibrine imprimé pour maintenir la structure intacte.
  • Formation d’un réseau vasculaire hiérarchique : Le macro-vaisseau était connecté au tissu musculaire imprimé via des micro-vaisseaux, formant un réseau mécaniquement stable et homogène.

3. Modélisation et tests mécaniques des structures vasculaires

  • Dynamique des fluides computationnelle (CFD) : À l’aide du logiciel ANSYS, les paramètres de flux (vitesse, contrainte de cisaillement et pression) ont été simulés, révélant une correspondance étroite avec les propriétés naturelles de l’artère fémorale chez le rat.
  • Analyse des éléments finis (FEA) : Les propriétés mécaniques du macro-vaisseau, comme le module élastique (40.5 MPa) et le facteur de sécurité (15), ont confirmé sa résistance en conditions physiologiques.

4. Validation fonctionnelle et implantation in vivo

  • Validation fonctionnelle : Les macro-vaisseaux ont été reliés chirurgicalement à l’artère fémorale des rats, démontrant une perfusion immédiate.
  • Groupes de contrôle :
    • Groupe expérimental : Lambeaux musculaires imprimés avec perfusion.
    • Groupe de contrôle positif : Greffons sans intervention sur la perfusion sanguine.
    • Groupe de contrôle négatif : Ligature de l’artère fémorale.
    • Le groupe perfusé a maintenu un flux sanguin supérieur à 65%, tandis que le groupe ligaturé présentait une perfusion de seulement 50%.

Résultats

1. Perfusion vasculaire et validation fonctionnelle

  • Micro-CT : Les contrastes injectés montraient une distribution nette dans les vaisseaux imprimés et perfusés.
  • Histologie : Les colorations CD31 et H&E ont révélé une abondance de nouveaux vaisseaux et de globules rouges dans le groupe perfusé.

2. Différenciation musculaire et intégration tissulaire

  • Imagerie confocale : Les lambeaux perfusés présentaient une différenciation musculaire marquée (Desmin, Myosin Heavy Chain).
  • Nombre de noyaux : Une moyenne de 39,2 noyaux par fibre a été observée dans les muscles du groupe perfusé.
  • Viabilité tissulaire : Une densité importante de matrice extracellulaire, associée à une faible fibrose, a été majoritairement constatée dans les flaps perfusés.

3. Caractéristiques mécaniques

  • Les macro-vaisseaux ont conservé leur continuité structurelle sous des flux physiologiques.

Conclusions et implications

Conclusions : Cette étude pionnière démontre la fabrication de lambeaux musculaires vascularisés, prêts à être implantés et connectés efficacement au système circulatoire, avec des effets bénéfiques sur la vascularisation et la myogenèse.

Implications : 1. Valeur scientifique : La production à grande échelle de tissus musculaires différenciés et vascularisés représente une avancée majeure pour la médecine régénérative. 2. Applications cliniques : Offre une méthode nouvelle pour traiter les VML et personnaliser les greffes musculaires.

Points forts : - Stratégiques innovations en impression multimodale ; - Réseaux vasculaires simulant les conditions physiologiques ; - Différenciation musculaire accélérée.


Perspectives

Cette avancée ouvre de nouvelles perspectives dans la réparation tissulaire, en proposant une méthode intégrative qui pourrait se généraliser dans de multiples domaines cliniques et d’ingénierie d’organes. Ces méthodes innovantes pourraient également servir de base pour des approches encore plus complexes dans l’avenir.