La Nécessité du Cortex Préfrontal Ventromédian Humain dans la Motivation Prosociale

La Nécessité de la Cortex Préfrontale Ventromédiale chez l’Humain pour la Motivation Prosociale

Contexte et Motivation

La cortex préfrontale ventromédiale (ventromedial prefrontal cortex, vmpfc) joue un rôle crucial dans le processus de prise de décision. Les études en neuroimagerie fonctionnelle indiquent que la vmpfc est essentielle dans le traitement des récompenses et des efforts, et est également associée au comportement prosocial. Cependant, il reste inconnu si la vmpfc est indispensable dans ces fonctions. De nombreuses études de lésions de la vmpfc se limitent à des études de cas ou à des petits groupes de moins de dix patients. Étant donné les variations individuelles typiques dans le comportement social, l’effort et le traitement des récompenses, un échantillon plus large est crucial pour tirer des conclusions fiables. Par conséquent, cette étude vise à explorer le rôle causal de la vmpfc dans le comportement prosocial en comparant des patients avec des lésions focales rares de la vmpfc (n=25), des patients avec des lésions d’autres régions (n=15), et un groupe de contrôle en bonne santé (n=40).

Source de l’Article

Cet article de recherche a été rédigé par Patricia L. Lockwood, Jo Cutler, Daniel Drew, Ayat Abdurahman, Deva Sanjeeva Jeyaretna, Matthew A. J. Apps, Masud Husain et Sanjay G. Manohar. Ils viennent respectivement du Centre pour la Santé Cérébrale Humaine de l’Université de Birmingham, de l’Institut de Recherche en Santé Mentale, du Département de Psychologie Expérimentale de l’Université d’Oxford, du Département de Psychologie de l’Université de Cambridge, du Département des Neurosciences Cliniques de l’Université d’Oxford et du Département de Neurologie de l’Hôpital John Radcliffe. L’article a été publié en 2024 dans la revue « Nature Human Behaviour ».

Détails du Processus de Recherche

Conception de l’Étude

Cette étude repose sur une tâche de décision basée sur l’effort. Elle compare la performance de 25 patients avec des lésions de la vmpfc à deux groupes de contrôle (patients avec d’autres lésions et groupe de contrôle sain) dans le cadre d’un comportement prosocial, en manipulant l’effort et la récompense. À chaque essai, les participants choisissent entre se reposer ou effectuer un travail pour obtenir des récompenses, destinées soit à eux-mêmes, soit à un autre participant anonyme (condition prosociale). L’étude utilise des modèles computationnels pour quantifier avec précision l’intégration de l’effort et des récompenses dans les choix des participants.

Étapes Expérimentales

  1. Sélection des Participants : En tout, l’étude comprend 80 participants répartis en groupes de lésions de la vmpfc, de lésions d’autres régions et de contrôle sain. Tous les participants ont été évalués par un neurologue avant de commencer la tâche.
  2. Conception de la Tâche : Les participants réalisent un test de force physique à l’aide d’un dynamomètre manuel, mesurant leur contraction maximale volontaire (CMV), et choisissent à chaque essai entre se reposer ou travailler. L’option travail requiert différents niveaux d’effort (30%-70% CMV) pour obtenir différentes récompenses (2-10 points).
  3. Condition Prosociale : Les essais sont divisés entre deux conditions : bénéfice personnel (récompense pour le participant) et bénéfice pour autrui (récompense pour un autre participant anonyme). Chaque participant effectue 75 essais (75 pour chaque condition) répartis en trois blocs, avec une pause d’une minute entre chaque bloc.
  4. Modélisation Computationnelle : L’étude ajuste plusieurs modèles pour analyser les choix des participants, quantifiant précisément la décote de l’effort (paramètre κ) et la cohérence décisionnelle (paramètre β), et compare la qualité d’ajustement des différents modèles.

Traitement et Analyse des Données

Les données sont analysées à l’aide de modèles mixtes à effets fixes généralisés (GLMM), évaluant l’impact des lésions de la vmpfc sur le comportement prosocial, l’effort et le traitement des récompenses. L’analyse par cartographie symptôme-voxel (VLSM) identifie les sous-régions spécifiques de la vmpfc impliquées dans le comportement prosocial et le traitement de l’effort et des récompenses.

Résultats de la Recherche

Les Lésions de la vmpfc Réduisent le Comportement Prosocial

Par rapport aux groupes de contrôle, les patients avec des lésions de la vmpfc manifestent moins de comportement prosocial lorsqu’ils aident autrui. Ce résultat est validé par plusieurs paramètres comportementaux et computationnels. Concrètement, les patients remportent moins de points lorsque les récompenses bénéficient à autrui, sont moins enclins à choisir de travailler et exercent moins de force. L’analyse VLSM révèle en outre que différentes sous-régions de la vmpfc ont des impacts distincts sur le comportement prosocial, avec des lésions de la vmpfc médiane associées à des comportements antisociaux, tandis que des lésions de la vmpfc latérale augmentent relativement le comportement prosocial.

Sensibilité à l’Effort et à la Récompense

Les lésions de la vmpfc réduisent également la sensibilité des participants à l’effort, mais la sensibilité à la récompense est limitée à certaines sous-régions. Spécifiquement, les patients avec des lésions de la vmpfc montrent une moindre volonté de travailler dans des conditions de faible effort par rapport aux individus en bonne santé, mais pas de différence significative dans des conditions de fort effort. De plus, l’analyse VLSM indique que les régions impliquées dans le traitement de l’effort et des récompenses se chevauchent partiellement avec celles impliquées dans le comportement prosocial, mais incluent aussi des régions spécifiques indépendantes.

Analyse des Modèles Computationnels

L’analyse révèle que le modèle parabolique 2κ2β explique le mieux le comportement de choix des participants. Ce modèle montre que les lésions de la vmpfc augmentent la décote des récompenses prosociales, indiquant que les patients avec des lésions de la vmpfc réduisent davantage la valeur des récompenses pour autrui, sans changement significatif pour les récompenses personnelles.

Conclusion et Signification

Cette étude apporte, grâce à un grand échantillon et des méthodes variées, des preuves de l’importance multiple de la vmpfc dans le comportement prosocial, le traitement de l’effort et des récompenses. Les résultats montrent que différentes sous-régions de la vmpfc ont des rôles distincts dans le comportement prosocial, les lésions de la vmpfc médiane étant associées à des comportements antisociaux, tandis que les lésions latérales augmentent le comportement prosocial. Ces découvertes sont cruciales pour comprendre les fonctions fondamentales de la vmpfc dans les processus décisionnels et offrent de nouvelles perspectives pour des interventions cliniques. Les recherches futures peuvent explorer plus en détail les fonctions spécifiques des différentes sous-régions dans le comportement social, l’effort et le traitement des récompenses, ainsi que leur interaction avec d’autres régions cérébrales.

Points Forts de la Recherche

  1. Grand Échantillon : Contrairement aux études de cas et aux petites études de groupe précédentes, cette recherche inclut un grand échantillon, augmentant la fiabilité des résultats.
  2. Combinaison de Méthodes : En combinant l’analyse comportementale, la modélisation computationnelle et l’analyse VLSM, l’étude dévoile de manière exhaustive le rôle de la vmpfc dans le comportement prosocial.
  3. Différences entre Sous-Régions : L’étude identifie pour la première fois les différents rôles des sous-régions de la vmpfc dans le comportement prosocial, offrant de nouvelles directions pour les recherches futures.

Cette étude approfondit notre compréhension de la vmpfc dans le comportement prosocial et fournit des références cruciales pour la pratique clinique, ainsi que des avancées dans le domaine des neurosciences.