Les écrans de dépendance CRISPR dans les cellules souches hématopoïétiques primaires identifient KDM3B comme une vulnérabilité spécifique au génotype dans les cellules mutantes IDH2 et TET2

Le criblage dépendant de CRISPR identifie KDM3B comme une susceptibilité spécifique dans les cellules souches hématopoïétiques primaires avec des mutations des gènes IDH2 et TET2

Contexte et signification de l’étude

L’hématopoïèse clonale (Clonal Hematopoiesis, CH) se réfère à la croissance anormale de sous-groupes cellulaires génétiquement distincts provoquée par des cellules souches hématopoïétiques (Hematopoietic Stem Cell, HSC) mutées. Ce phénomène est très commun dans la population de plus de 60 ans et touche plus de 20% de cette population. Le CH est associé à un risque accru de transformation maligne en leucémie aiguë myéloïde (AML) et est également lié à une mortalité toutes causes confondues plus élevée ainsi qu’à diverses maladies liées à l’âge, telles que les maladies cardiovasculaires. Bien que des études génétiques antérieures aient identifié des mutations génétiques associées au CH, le travail visant à identifier des cibles thérapeutiques dans le CH reste un défi à ce jour. Cela est principalement dû au manque de plates-formes in vitro appropriées pour l’étude des cellules souches hématopoïétiques primaires (HSPC). Dans cette étude, les auteurs ont utilisé un système de coculture des HSPC avec des cellules endothéliales de la moelle osseuse (Bone Marrow Endothelial Cells, BMECs) pour effectuer un criblage CRISPR/Cas9 et identifier le rôle clé de la déméthylase d’histones KDM3B dans les HSPC mutées IDH2 et TET2.

Source de l’article

Cette étude a été rédigée conjointement par Michael R. Waarts et d’autres chercheurs, affiliés notamment au Memorial Sloan Kettering Cancer Center, au Dana-Farber Cancer Institute, à l’Icahn School of Medicine at Mount Sinai et au Cincinnati Children’s Hospital Medical Center. Cette recherche a été publiée dans la revue Cancer Discovery.

Description détaillée de la méthode de recherche

Processus expérimental

  1. Établissement de la plate-forme : Au début, les chercheurs ont créé un système de coculture entre les HSPC et les BMEC. Dans ce système, ils ont réussi à maintenir et multiplier les HSPC à long terme sur les BMEC, préservant leur capacité de transplantation et leur production de toutes les lignées myéloïdes.
  2. Modèle animal et background génétique : Utilisation des modèles génétiquement modifiés précédemment rapportés, comprenant les souris dnmt3aflox/flox, asxl1flox/flox, tet2flox/flox et idh2r140qflox/+. Ces souris ont été croisées avec une recombinase Cre spécifique aux HSC et un gène rapporteur fluorescent (tdT+).
  3. Expériences de culture compétitive : À travers des expériences de coculture compétitives, les chercheurs ont évalué la performance des HSPC mutantes par rapport aux sauvages dans différentes lignées cellulaires hématopoïétiques.
  4. Validation in vitro et in vivo : Modification génétique des HSPC mutantes par CRISPR/Cas9 in vitro et intervention par des petites molécules médicamenteuses, suivie de validation in vivo des dépendances génétiques identifiées grâce à des expériences de transplantation.
  5. Criblage CRISPR : Réalisation d’un criblage à grande échelle avec une bibliothèque CRISPR ciblant les enzymes de modification épigénétique, pour identifier les gènes de dépendance dans différents types de HSPC mutantes.

Détails expérimentaux

Les chercheurs ont utilisé une bibliothèque CRISPR composée de 997 ARN guides simples (single guide RNA, sgRNA) ciblant 191 gènes. Les conditions d’infection appropriées ont été déterminées par des manipulations génétiques pour maintenir la viabilité et la capacité de prolifération des cellules. Le processus de criblage comprenait l’infection des HSPC suivie de la coculture avec les BMEC, puis l’analyse séquentielle de l’ADN pour évaluer la représentativité des sgRNA.

Ensuite, ils ont effectué un criblage CRISPR sur des HSPC de type dnmt3a-/-, asxl1-/-, tet2-/- et idh2r140q et évalué les différences de dépendances génétiques entre les HSPC mutantes et sauvages à l’aide d’un système de notation. Parmi ces gènes, KDM3B a montré une dépendance significative dans les cellules IDH2r140q et TET2-/-, et une validation supplémentaire in vivo a montré des résultats de dépendance génétique similaires.

Détails des résultats

  1. Dépendance de KDM3B in vitro et in vivo : La perte de KDM3B réduit significativement la compétitivité des cellules IDH2r140q et TET2-/-, suggérant que KDM3B est un gène de dépendance spécifique dans ces HSPC mutantes. Des expériences in vivo ont par la suite montré que la perte de KDM3B affaiblit considérablement la viabilité et la capacité d’auto-renouvellement des cellules mutantes.
  2. Dépendance dans les cellules humaines CH mutées : La perte de KDM3B a également montré une dépendance similaire dans les cellules CH mutantes humaines, en particulier dans les HSPC avec des mutations TET2. Ces résultats ont été validés par une série d’expériences de culture compétitive et de formation de colonies.
  3. Étude des mécanismes : L’étude révèle que le produit 2-HG résultant de la mutation IDH2 est un facteur clé dans la dépendance à KDM3B, et que l’activité enzymatique de KDM3B est essentielle à la survie des cellules mutées. KDM3B et l’IDH2 muté régulent ensemble et épigénétiquement des gènes clés, dont des récepteurs de cytokines, renforçant ainsi la transcription de ces gènes dans les cellules mutées.

Conclusion et valeur de l’étude

L’une des découvertes importantes de cette étude est l’identification de la déméthylase d’histones KDM3B comme un gène de dépendance spécifique dans les HSPC mutées pour IDH2 et TET2. L’étude souligne l’importance vitale de l’activité enzymatique de KDM3B pour la survie des cellules avec la mutation IDH2 et indique une cible thérapeutique potentielle. De plus, la recherche a également révélé le sous-régulation du signal des récepteurs de cytokines dans les cellules mutées IDH2, offrant une nouvelle approche thérapeutique pour les patients atteints de CH et AML avec ces mutations.

Points forts de la recherche

  1. Dépendance génétique spécifique aux mutations : Identification du rôle important de KDM3B dans les HSPC avec des mutations spécifiques, ouvrant de nouvelles voies pour les traitements ciblés.
  2. Exploration des mécanismes de régulation épigénétique : Révélation de l’action conjointe de KDM3B et de la mutation IDH2 au niveau épigénétique, approfondissant notre compréhension de ces mécanismes.
  3. Développement et application de la plateforme in vitro : La mise au point d’une plateforme in vitro efficace permettant le criblage rapide et précis des dépendances génétiques, offrant un outil puissant pour les recherches futures.