Suivi de 55 ans du premier patient adulte atteint d'un craniopharyngiome traité par radiochirurgie gamma knife
Ceci est un rapport de suivi sur 55 ans du premier patient traité par radiochirurgie Gamma Knife pour un craniopharyngiome. L’article détaille le parcours médical de cette patiente féminine de 21 ans en mai 1968, son processus de diagnostic, les détails de l’intervention Gamma Knife, ainsi que les multiples suivis et traitements sur une période de 55 ans, présentant ainsi son long parcours médical.
I. Introduction
L’article commence par un bref rappel des énormes défis que représentait la résection chirurgicale des craniopharyngiomes avant les années 60, ainsi que le seul choix de traitement disponible à l’époque. En 1968, les professeurs Leksell et Backlund de l’Académie carolinienne de Suède ont réussi à mettre au point le système de radiochirurgie Gamma Knife à l’hôpital Sophiahemmet, et ont effectué la première intervention sur une patiente de 21 ans atteinte d’un craniopharyngiome en mai de la même année, ouvrant ainsi la voie à cette nouvelle thérapie révolutionnaire. Aujourd’hui, 55 ans après ce moment historique, cette patiente est toujours suivie, devenant ainsi le cas de traitement Gamma Knife de craniopharyngiome ayant la plus longue période de suivi enregistrée au monde.
II. Consultation et diagnostic de la patiente
En mars 1966, cette femme de 19 ans a consulté en raison d’une aménorrhée et d’une prise de poids. L’examen physique a révélé une accumulation de graisse abdominale en stries, une diminution des poils axillaires et pubiens. Les analyses ont montré une baisse du taux d’hormones sexuelles totales. En septembre 1967, une radiographie a révélé un élargissement et une calcification du sinus sphénoïdal, suggérant une tumeur. En février 1968, une pneumoencéphalographie a montré une masse calcifiée ovoïde de 2x2,5 cm au-dessus du sinus sphénoïdal, conduisant à un diagnostic initial de craniopharyngiome responsable d’un hypogonadisme.
III. Intervention neurochirurgicale
Le professeur Backlund a tenté une biopsie stéréotaxique pour explorer la composition de la tumeur, mais a découvert par accident que celle-ci était solide et non kystique typique. Il a donc inséré deux broches d’argent au sommet de la tumeur pour faciliter le repérage ultérieur. Compte tenu du volume tumoral modéré, de la forme symétrique et de la composante solide prédominante, les médecins ont décidé d’utiliser la radiochirurgie Gamma Knife.
IV. Détails de l’intervention Gamma Knife
Le 23 mai 1968, les professeurs Leksell et Backlund, ainsi que deux physiciens, ont formé l’équipe chirurgicale qui a réalisé la toute première radiochirurgie Gamma Knife au monde sur un craniopharyngiome chez l’adulte pour cette patiente.
Ils ont d’abord fixé le cadre de stéréotaxie Leksell sur la tête de la patiente, et déterminé les coordonnées spatiales du centre de la tumeur par radiographie. Les physiciens ont ensuite planifié manuellement la distribution de la dose de rayonnement, définissant 179 faisceaux de cobalt 60 pour délivrer une dose totale de 50 Gy à la partie solide de la tumeur, en épargnant les régions visuelles et endocriniennes du cerveau. L’intervention a duré environ 30 minutes. La patiente a pu quitter l’hôpital dès le lendemain.
V. Suivi à long terme et gestion des complications
1) Contrôle tumoral
Le suivi par imagerie et examen clinique réguliers s’est poursuivi pendant 55 ans après l’intervention. Au début, le volume tumoral a nettement diminué. Mais en septembre 1969, des signes de récidive sont apparus, révélant une composante kystique à la biopsie.
Entre 1969 et 1978, la composante kystique de la tumeur a récidivé à 4 reprises. Les médecins ont réalisé des ponctions stéréotaxiques pour aspirer le liquide kystique et administrer une radiothérapie intracavitaire à l’yttrium-90. Après la 4ème récidive en 1978 compliquée d’une méningite, le kyste a été complètement contrôlé et aucune récidive n’a été observée pendant des décennies. Cependant, le composant solide de la tumeur est resté présent mais stable, ne nécessitant pas de nouvelle radiochirurgie Gamma Knife. Un scanner en 2021 a confirmé l’absence de tumeur résiduelle.
2) Résultats endocriniens
L’hypogonadisme préopératoire a été corrigé temporairement, mais en 1970, un syndrome de Cushing est apparu. Après une récidive kystique en 1976, une insuffisance antéhypophysaire globale s’est installée, nécessitant un traitement substitutif prolongé par corticostéroïdes et hormones thyroïdiennes. Un diabète de type 2 est survenu en 1994, puis un diabète insipide en 1999, traités de manière appropriée. Les différents troubles endocriniens ont été progressivement contrôlés.
3) Résultats visuels
La vision est restée stable pendant les 8 premières années. En 1976, une baisse temporaire de l’acuité visuelle est survenue lors de la récidive kystique, mais s’est rétablie après le traitement. Un déficit campimétrique est apparu en 1978 mais s’est résorbé avec le traitement. En 1983, un déficit campimétrique persistant dans le quadrant supéro-externe est survenu, sans cause évidente à l’imagerie. La patiente a également développé une rétinopathie diabétique tardive.
Actuellement, à l’âge de 76 ans, la patiente peut mener une vie quotidienne avec l’aide de sa famille, illustrant parfaitement l’innocuité et l’efficacité de la radiochirurgie Gamma Knife.
VI. Discussion
L’article vise à résumer ce cas rare et à évaluer les résultats à long terme et les effets secondaires de la radiochirurgie Gamma Knife pour les craniopharyngiomes. Les résultats montrent que même dans des conditions d’imagerie limitées à l’époque, un contrôle tumoral durable idéal pouvait être obtenu pour les tumeurs solides de taille modérée. Cependant, les récidives de la composante kystique étaient inévitables, et les ponctions stéréotaxiques associées à l’isotope thérapie étaient une option viable. Les déficits endocriniens et visuels étaient des effets secondaires prévisibles et impossibles à inverser complètement.
Bien que les résultats d’une étude de cas ne puissent être généralisés, ce suivi extrêmement long de 55 ans démontre fermement l’innocuité et l’efficacité de la radiochirurgie Gamma Knife dans le traitement des craniopharyngiomes, reflétant l’esprit novateur des professeurs Leksell et Backlund à l’époque. Cela a également jeté les bases de l’approche thérapeutique multidisciplinaire actuelle.
Ce rapport présente dans son intégralité le long parcours médical du premier patient traité par Gamma Knife pour un craniopharyngiome, documentant l’application clinique et les résultats à long terme de cette technique innovante, offrant ainsi une valeur historique et clinique de référence importante.