Sécurité et efficacité de l'implantation chirurgicale de pompes d'administration intrathécale de médicaments chez les patients atteints d'un cancer avec une douleur réfractaire
Sécurité et efficacité de l’implantation d’une pompe à perfusion épidurale pour le traitement de la douleur réfractaire chez les patients atteints de cancer
Introduction
La gestion de la douleur chez les patients atteints de cancer est une question clé dans les soins palliatifs, les médecins s’efforçant d’améliorer la qualité de vie des patients et de soulager leurs souffrances. La plupart des patients atteints de cancer éprouveront des douleurs liées au cancer, dont 30 % à 40 % auront des douleurs difficiles à contrôler malgré un traitement médicamenteux maximal. Les pompes intrathécales pour la douleur (intrathecal pain pumps, ITP) sont devenues une option pour contrôler la douleur des patients cancéreux. Compte tenu des avantages potentiels des ITP, nous avons souhaité étudier les résultats à long terme de cette modalité de gestion de la douleur dans un centre de cancérologie.
Source de l’étude
Cette étude a été réalisée par Graham M. Winston, Jeffrey H. Zimering, Christopher W. Newman, Anne S. Reiner, Noel Manalil, Natasha Kharas, Amitabh Gulati, Neal Rakesh, Ilya Laufer, Mark H. Bilsky et Ori Barzilai du service de neurochirurgie du Memorial Sloan Kettering Cancer Center. L’article a été publié en ligne le 3 mai 2024 dans la revue Neurosurgery.
Méthodes
Population étudiée
Les chercheurs ont examiné rétrospectivement les dossiers médicaux de tous les patients adultes atteints de cancer ayant subi une implantation d’ITP dans un centre de cancérologie tertiaire entre 2013 et 2021.
Procédures de l’étude
L’étude comprenait les étapes suivantes :
a) Collecte des données de base
Incluant l’âge, le sexe, l’origine ethnique, l’indice de masse corporelle, le score de douleur numérique (NRS) préopératoire, les antécédents médicaux, la médication, la fonction de coagulation, etc. Les données sur le type de cancer, le type de douleur (neuropathique, lésionnelle ou mixte) et la localisation de la douleur ont également été recueillies.
b) Procédure chirurgicale
Tous les patients ont subi une implantation d’ITP sous anesthésie générale en position latérale. Une petite incision a été pratiquée au niveau lombaire, l’espace épidural a été ponctionné et un cathéter a été inséré dans l’espace intrathécal. Une autre incision a été effectuée du même côté sur l’abdomen pour créer une poche pour la pompe. Le cathéter et la pompe ont ensuite été connectés.
c) Évaluation de la douleur
Les scores NRS ont été évalués lors des visites de suivi après l’opération.
d) Enregistrement des événements indésirables
Les complications postopératoires telles que les fuites de liquide céphalo-rachidien, les hématomes et les œdèmes, le déplacement/rupture du cathéter, le déplacement/dysfonctionnement de la pompe, la désunion de la plaie, les infections du site opératoire, etc. ont été enregistrées. D’autres complications comme la thrombose veineuse profonde et l’embolie pulmonaire ont également été consignées.
e) Évaluation de la survie
La survie globale des patients a été enregistrée.
f) Analyse des données
Des méthodes statistiques ont été utilisées pour analyser le soulagement de la douleur, le taux et le taux cumulatif d’événements indésirables, la survie globale, etc.
Principaux résultats de l’étude
a) Caractéristiques de base des patients
Au total, 193 patients ont été inclus, avec un âge médian de 59 ans et 54 % de femmes. Les types de cancer les plus fréquents étaient le cancer du poumon non à petites cellules (10,9 %), le cancer colorectal (10,4 %), le cancer du sein (9,3 %), le myélome multiple (8,8 %) et le cancer du pancréas (8,3 %). 96 % des patients avaient une douleur lésionnelle et 73 % une douleur neuropathique. Les localisations les plus fréquentes de la douleur étaient le dos/la colonne thoracique/lombaire (40,4 %), les membres inférieurs (38,3 %), le bassin/le sacrum (27,5 %) et l’abdomen/les viscères (27,5 %).
b) Soulagement de la douleur postopératoire
Après l’implantation de l’ITP, le score NRS moyen a diminué de manière significative de 4,08 points (écart type 2,13, p < 0,01), passant d’une moyenne préopératoire de 7,38 à 3,27 en postopératoire. Parmi les 185 patients ayant des scores pré et postopératoires, 176 (95,1 %) ont eu une diminution de la douleur, 5 (2,7 %) sont restés stables et 4 (2,2 %) ont eu une aggravation. 149 patients (80,5 %) ont eu une diminution du score NRS ≥ 3 points et 70 (37,8 %) une diminution ≥ 5 points.
En classant la douleur en légère (NRS ≤ 4), modérée (5-6) et sévère (≥ 7), 98 patients sont passés de sévère à légère, 38 de modérée à légère, 31 de sévère à modérée et seulement 2 de légère à modérée.
c) Survie
La survie globale médiane après l’implantation de l’ITP était de 3,62 mois (IC à 95 % : 2,73 - 4,54 mois). Les taux de survie à 1 an, 2 ans et 3 ans étaient respectivement de 27,1 % (IC à 95 % : 21,0 % - 33,6 %), 16,3 % (IC à 95 % : 11,3 % - 22,1 %) et 11,3 % (IC à 95 % : 7,0 % - 16,7 %).
d) Événements indésirables
Au total, 42 événements indésirables sont survenus chez 33 patients pendant la période d’étude. Le taux cumulé d’événements indésirables à 1 an était de 15,6 % (IC à 95 % : 10,9 % - 21,1 %) pour tous les événements et de 5,7 % (IC à 95 % : 3,0 % - 9,7 %) pour les événements graves (grade Clavien-Dindo 3-5).
Les complications les plus fréquentes incluaient la pneumonie (7 cas), l’infection des voies urinaires (6 cas), l’infection du site opératoire (5 cas), la thrombose veineuse profonde (4 cas) et la désunion de la plaie (4 cas).
11 patients ont nécessité une réintervention chirurgicale, dont 3 pour désunion de la plaie, 2 pour déplacement de la pompe, 1 pour infection du site opératoire, 1 pour fuite de LCR, 1 pour déplacement du cathéter, 1 pour rupture du cathéter, 1 pour dysfonctionnement de la pompe et 1 pour hématome. Le taux cumulé de réintervention à 1 an était de 4,2 % (IC à 95 % : 2,0 % - 7,7 %).
e) Importance de l’étude
Cette étude a montré que l’implantation d’ITP est une méthode sûre et efficace pour soulager la douleur réfractaire liée au cancer, avec un faible taux de complications. Elle fournit un solide soutien à l’utilisation des ITP dans les soins palliatifs. Des études prospectives sont nécessaires pour déterminer le meilleur moment pour implanter une ITP.
Valeur et innovations de l’étude
Cette étude est la plus grande étude longitudinale à ce jour sur l’utilisation des ITP pour la gestion de la douleur chez les patients atteints de cancer, confirmant leur sécurité et leur efficacité. Les principales innovations sont les suivantes :
La grande taille de l’échantillon a fourni une puissance statistique adéquate pour évaluer l’efficacité clinique et la sécurité de cette modalité thérapeutique.
L’utilisation de méthodes statistiques standardisées pour analyser divers paramètres de résultats cliniques, tels que le soulagement de la douleur, la survie globale, le taux d’événements indésirables, etc., apporte une grande force de persuasion aux résultats.
Les résultats de l’étude fournissent une base théorique solide pour l’application clinique des ITP dans les soins palliatifs.
L’introduction du concept d’implantation précoce d’ITP, qui pourrait encore améliorer la qualité de l’analgésie et la qualité de vie des patients cancéreux, nécessite des études supplémentaires.
L’analyse des obstacles à la gestion de la douleur fournit des suggestions pour améliorer la pratique clinique dans ce domaine.
Par rapport à la littérature existante, cette étude couvre un éventail de disciplines plus large, incluant la neurochirurgie, l’oncologie, la médecine de la douleur et les soins palliatifs.
Cette grande étude rétrospective fournit des preuves clés fondées sur des données probantes pour l’utilisation des ITP chez les patients atteints de cancer, ce qui est important pour promouvoir une adoption clinique plus large de cette modalité thérapeutique.