Létalité Synthétique au-delà de BRCA : une étude de phase I sur le rucaparib et l'irinotécan dans les tumeurs solides métastatiques avec mutations de déficience de recombinaison homologue

Contexte de la recherche

Ces dernières années, les inhibiteurs de la poly(ADP-ribose) polymérase (PARP) se sont révélés être une méthode significative pour traiter le cancer avec mutations des gènes BRCA1/2, montrant une efficacité notable. Cependant, leur efficacité est moins satisfaisante pour les tumeurs avec mutations d’autres gènes associés à la défaillance de la recombinaison homologue (HRD) comme ATM, CDK12, CHEK2. Par conséquent, les chercheurs explorent l’utilisation de combinaisons d’inhibiteurs de PARP avec d’autres médicaments pour améliorer l’effet thérapeutique et prolonger l’inhibition de la réparation des dommages à l’ADN.

Dans des études précliniques antérieures, la combinaison d’inhibiteurs de PARP avec des inhibiteurs de la topoisomérase I, comme l’irinotécan, a montré un effet synergique significatif. L’irinotécan et son métabolite actif SN-38 peuvent interférer avec le complexe topoisomérase I-ADN, empêchant ainsi la réparation de la chaîne d’ADN. L’utilisation combinée avec un inhibiteur de PARP rend ce type de dommage à l’ADN plus durable, augmentant ainsi l’effet cytotoxique sur les cellules tumorales. Sur la base de ces études précliniques, les scientifiques ont mené cet essai clinique de phase I pour évaluer la tolérabilité et l’efficacité préliminaire de la combinaison du Rucaparib et de l’Irinotécan chez des patients ayant des tumeurs solides métastatiques avec mutations HRD.

Source de l’article

Cette étude a été réalisée par Erica S. Tsang (MD, MPH), Mallika S. Dhawan (MD), Romain Pacaud (Ph.D.), et d’autres collaborateurs à l’Université de Californie à San Francisco. L’article a été publié dans la revue « JCO Precision Oncology » le 12 juin 2024, avec le DOI https://doi.org/10.1200/po.23.00494.

Processus de l’étude

Design et déroulement de l’étude

Cette étude est un essai de phase I, ouvert et à augmentation de dose. L’essai est divisé en trois cohortes :

  • Cohorte 1 : Rucaparib 400 mg par voie orale deux fois par jour (jours 1-7 et jours 15-21) + Irinotécan 65 mg/m^2 toutes les deux semaines
  • Cohorte 2 : Rucaparib 400 mg par voie orale deux fois par jour (jours 1-7 et jours 15-21) + Irinotécan 100 mg/m^2 toutes les deux semaines
  • Cohorte 3 : Rucaparib 400 mg par voie orale deux fois par jour (jours 1-7) + Irinotécan 100 mg/m^2 toutes les trois semaines

L’objectif principal de l’étude est de déterminer la dose maximale tolérée et la dose recommandée pour la phase II de la combinaison Rucaparib et Irinotécan, ainsi que d’évaluer sa sécurité et sa toxicité.

Sujets et méthodes de l’étude

Un total de 20 patients avec des tumeurs solides métastatiques avec mutations HRD, incluant mais non limité à BRCA1/2, ATM, ont été recrutés pour cette étude. Les conditions de base des patients incluent : un score d’état de performance 0-1 selon le Eastern Cooperative Oncology Group (ECOG), un nombre absolu de neutrophiles ≥1.5x10^9/L, une bilirubine totale ≤1.5 fois la limite supérieure, une créatinine ≤1.5 fois la limite supérieure ou une clairance de la créatinine >50 ml/min, et une maladie mesurable selon les critères RECIST 1.1. L’expérience antérieure de traitement n’était pas limitée, et les patients ayant déjà reçu du Rucaparib ou de l’Irinotécan étaient inclus.

Données et résultats

Dose maximale tolérée et dose recommandée

Dans la cohorte 1 (Rucaparib 400 mg, Irinotécan 65 mg/m^2, toutes les deux semaines), un cas de neutropénie de grade 4 (dose limitante par toxicité) a été observé. Dans la cohorte 2 (Rucaparib 400 mg, Irinotécan 100 mg/m^2, toutes les deux semaines), trois patients ont présenté une neutropénie de grade 3-4. En conséquence, les chercheurs ont ajusté à la cohorte 3, soit Rucaparib 400 mg deux fois par jour, jours 1-7, et Irinotécan 100 mg/m^2 toutes les trois semaines ; aucune dose limitante par toxicité n’a été observée dans cette cohorte. Par conséquent, la dose recommandée pour la phase II est Rucaparib 400 mg deux fois par jour, jours 1-7, et Irinotécan 100 mg/m^2 toutes les trois semaines.

Sécurité et toxicité

Les événements indésirables de grade 3-4 les plus communs liés au traitement étaient la neutropénie (25%), et les événements indésirables de grade 1-2 comprenaient des nausées (45%), diarrhée (45%), fatigue (30%), vomissements (30%). Aucun événement indésirable de grade 5 lié au traitement n’a été observé. Certains patients (8 cas) ont eu des retards de dose, dont 4 causés par la cytopénie. Ces résultats montrent que ce schéma de traitement a une tolérabilité acceptable dans des limites raisonnables.

Analyse de l’efficacité

Parmi les 17 patients ayant une maladie évaluable, deux patients ont montré une réponse partielle (cancer primitif du péritoine avec mutation PALB2 et cancer de l’intestin grêle avec mutation ATM), représentant 12%. Six patients (35%) ont continué à montrer une réponse partielle ou une maladie stable après six mois de traitement. Il est notable que trois patients (18%) sont restés dans l’étude après plus d’un an de traitement, cette réponse à long terme étant particulièrement observée chez les patients avec mutations BRCA-, PALB2- et ATM ayant déjà répondu aux traitements à base de platine.

Conclusion et valeur

Cette étude démontre que le schéma de dosage pulsé (cycle de 21 jours, Rucaparib jours 1-7 et Irinotécan jour 21) réalise une tolérabilité et une efficacité à long terme dans divers types de tumeurs, en particulier les tumeurs traditionnellement considérées peu sensibles aux inhibiteurs de PARP. Cette recherche élargit non seulement l’utilisation des inhibiteurs de PARP au-delà des mutations BRCA, mais fournit également une base scientifique pour des validations futures avec un échantillon plus large et plus de types de tumeurs.

Points forts de l’étude

  1. Schéma innovant : La méthode de dosage pulsé réduit la toxicité de l’utilisation combinée des médicaments, augmentant ainsi la tolérabilité du traitement.
  2. Applicable à plusieurs mutations : Efficace non seulement pour les mutations BRCA mais aussi pour les mutations PALB2 et ATM et autres mutations HRD.
  3. Efficacité à long terme : Certains patients ont montré une réponse thérapeutique durable même après un an de traitement.

Impact potentiel

En raison de l’activité anticancéreuse de l’irinotécan dans divers types de tumeurs et de la démonstration par cette étude de la tolérabilité et de l’efficacité à long terme de sa combinaison avec un inhibiteur de PARP, de futures études de suivi et essais cliniques auront une signification clinique importante et pourraient être largement appliqués à un éventail plus large de patients atteints de tumeurs avec mutations HRD.