Associations des microhémorragies et de leur topographie avec l'imagerie et les biomarqueurs du LCR de la pathologie d'Alzheimer chez les individus atteints de trisomie 21

Micro-saignements et leur localisation chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer (AD) et du syndrome de Down (DS) et leur association avec des biomarqueurs d’imagerie et de liquide céphalorachidien (LCR)

Cette étude a été menée par une équipe dirigée par Sara E. Zsadanyi et Alejandra O. Morcillo-Nieto, comprenant notamment Mateus R. Aranha, José E. Arriola-Infante, Lídia Vaqué-Alcázar et d’autres, avec les auteurs principaux Bejanin et Carmona-Iragui en tant qu’auteurs correspondants. Cette recherche a été publiée dans la revue Neurology, volume 103, numéro 4, en 2024. L’équipe de recherche est principalement affiliée à l’Hospital de la Santa Creu i Sant Pau de Barcelone, Espagne.

Contexte de l’étude

Les hémorragies cérébrales constituent un critère d’exclusion et un effet indésirable potentiel des agents anti-amyloïdes. Il est donc nécessaire de caractériser l’histoire naturelle des micro-saignements cérébraux dans des populations génétiquement prédisposées à la maladie d’Alzheimer (AD), comme celles atteintes du syndrome de Down (DS). Cette étude vise à évaluer l’apparition des micro-saignements chez les adultes atteints de DS dans le spectre de l’AD, à définir leur localisation et leur association avec des variables cliniques, des résultats cognitifs et des biomarqueurs de fluides corporels et d’imagerie cérébrale.

Origine de l’étude

Cet article a été rédigé par un groupe d’experts et de chercheurs provenant de l’Hospital de la Santa Creu i Sant Pau, de l’Universitat Autònoma de Barcelona, de l’Institut d’investigacions biomèdiques August Pi i Sunyer et de la Fundació Catalana Síndrome de Down, entre autres. L’étude a été publiée dans la revue Neurology, volume 103, numéro 4, en 2024.

Méthodologie de l’étude

Conception de l’étude et participants

Cette étude est une recherche transversale portant sur des adultes âgés de 18 ans et plus, recrutés dans le cadre du projet d’imagerie neurologique Down-Alzheimer Barcelona (DABNI) et de l’Initiative Sant Pau sur la neurodégénérescence (SPIN). Tous les participants, comprenant des patients DS et des témoins sains, ont été exclus s’ils souffraient de maladies neurologiques ou psychiatriques majeures.

Les participants ont été soumis à une évaluation complète incluant : 1. Génotypage de l’APOE 2. Dosage des protéines β-amyloïdes, tau et neurofilaments légers dans le plasma et les fluides corporels 3. Évaluation des résultats cognitifs (Cambridge Cognition Examination et Modified Cue Recall Test) 4. Évaluation des facteurs de risque vasculaire tels que l’hypertension, le diabète et la dyslipidémie.

Scans et traitement des images

L’étude a utilisé l’imagerie pondérée T1 en trois dimensions de haute résolution et l’imagerie par pondération de susceptibilité (SWI) pour les scans cérébraux, ainsi que plusieurs algorithmes et logiciels pour le prétraitement des images et la segmentation des micro-saignements. Cela comprend : - L’utilisation du Computational Anatomy Toolbox (CAT12) - Advanced Normalization Tools (ANTS) - Utilisation du Lesion Segmentation Toolbox (LST) pour traiter l’hyperintensité de la substance blanche (WMH).

La segmentation des micro-saignements a été réalisée manuellement par des évaluateurs formés pour assurer une grande précision et cohérence.

Résultats

Caractéristiques de l’échantillon

L’étude a inclus 276 adultes DS et 158 témoins sains. Les participants DS couvraient tout le spectre de l’AD : 161 étaient asymptomatiques, 43 en phase préclinique et 57 en phase de démence. Le groupe témoin était plus âgé et comprenait une proportion plus élevée de femmes par rapport aux participants DS.

Analyse de l’association des micro-saignements

Chez les participants DS, le nombre et la gravité des micro-saignements étaient significativement plus élevés que dans le groupe témoin. Avec l’âge et la progression du stade clinique de l’AD, le nombre de micro-saignements augmentait significativement : à 20 ans, 12 % des participants DS avaient un ou plusieurs micro-saignements, tandis qu’à plus de 60 ans, ce pourcentage atteignait 60 %.

Les porteurs de l’allèle APOEε4 avaient une proportion de micro-saignements plus élevée que les non-porteurs (26 % contre 18,3 %). Chez les participants DS, bien qu’il n’y ait pas de différence significative en fonction du sexe ou du handicap intellectuel (ID), les facteurs de risque vasculaire (comme l’hypertension, le diabète et la dyslipidémie) n’étaient pas significativement associés aux micro-saignements.

Localisation des micro-saignements

Chez les participants DS, les micro-saignements étaient principalement concentrés dans le cervelet (33,66 %), le lobe occipital (14,85 %) et le lobe temporal (21,29 %). Ce modèle était cohérent sur tout le spectre de l’AD. La plupart des micro-saignements présentaient une distribution lobaire, les hémorragies profondes étant très rares (3,63 %).

Association avec les biomarqueurs d’imagerie et de fluides et les résultats cognitifs

Chez les participants DS, l’augmentation des micro-saignements était associée à une augmentation du volume de la WMH et à une réduction du volume bilatéral de l’hippocampe, ainsi qu’à une diminution du volume total de la matière grise. De plus, l’augmentation des micro-saignements était également significativement associée à une diminution du rapport CSF Aβ₁-₄₂/Aβ₁-₄₀ et à une augmentation des concentrations de CSF p-tau-181 et de NFL, ces différences étant principalement entraînées par les individus ayant deux ou plusieurs micro-saignements.

Dans les tests cognitifs, bien qu’il y ait eu des différences significatives locales, globalement, l’impact des micro-saignements sur les performances cognitives était limité. Cela suggère que les micro-saignements multiples peuvent avoir un impact important sur les biomarqueurs de l’AD, alors que l’impact d’un seul micro-saignement est relativement limité.

Analyse de sensibilité

Pour évaluer l’impact spécifique des micro-saignements sur les biomarqueurs de l’AD, une analyse de sensibilité a été réalisée. Après contrôle de l’effet de la gravité de la maladie, seule la réduction du volume de l’hippocampe et l’augmentation de la concentration de CSF p-tau-181 étaient significativement associées aux micro-saignements.

Conclusion

Cette étude montre que le nombre de micro-saignements chez les adultes DS est significativement plus élevé que chez les témoins sains et augmente avec l’âge et le stade clinique de l’AD. Les porteurs de l’allèle APOEε4 ont une proportion plus élevée de micro-saignements. En général, bien que les micro-saignements aient un impact significatif sur les biomarqueurs de l’AD, leur impact sur les performances cognitives est limité. Les micro-saignements sont principalement concentrés dans les régions postérieures et le cervelet, suggérant une association avec l’angiopathie amyloïde cérébrale (CAA). Les résultats de cette étude fournissent des références importantes pour les futurs essais de traitements anti-amyloïdes.

Importance de l’étude

Les résultats de cette étude apportent des connaissances cruciales sur le rôle des micro-saignements dans la progression de l’AD chez les personnes atteintes de DS, en particulier en ce qui concerne l’évaluation des risques liés aux traitements anti-amyloïdes. De plus, cette recherche met en lumière l’interaction potentielle entre les micro-saignements, la pathologie de l’AD et les maladies vasculaires cérébrales dans la population DS, soulignant la complexité et la spécificité des facteurs génétiques et des processus pathologiques dans le développement des micro-saignements.

Les observations issues de cette étude fournissent une base scientifique pour la formulation de stratégies thérapeutiques et l’évaluation des effets indésirables des traitements anti-amyloïdes, soulignant la nécessité de traitements personnalisés pour les patients atteints de DS.