La carence en QDPR entraîne une suppression immunitaire dans le cancer du pancréas

Introduction de contexte

Le carcinome canalaire pancréatique (Pancreatic Ductal Adenocarcinoma, PDAC) est une tumeur maligne avec un microenvironnement tumoral (Tumor Microenvironment, TME) fortement immunosuppressif, présentant une grande résistance aux traitements de blocage des points de contrôle immunitaire (Immune Checkpoint Blockade, ICB), tels que les thérapies anti-PD-1 et anti-CTLA-4. Les cellules myéloïdes suppressives dérivées de la tumeur (Myeloid-Derived Suppressor Cells, MDSCs) jouent un rôle clé dans l’immunosuppression tumorale et conduisent à la résistance à l’ICB dans divers cancers, y compris le PDAC. Découvrir ce mécanisme d’immunosuppression offrira de nouvelles stratégies pour augmenter l’efficacité des traitements ICB. Le métabolisme de la bioptérine influence l’environnement immunitaire des tumeurs, et le manque de l’enzyme clé de cette voie métabolique, la dihydroptéridine réductase (QDPR), peut engendrer une résistance à l’ICB.

Source de l’article

L’article a été rédigé par plusieurs chercheurs, dont Liu Ji, He Xiaowei et Deng Shuang, associés à différents instituts de recherche tels que le centre de cancérologie de l’université Sun Yat-sen et le centre de recherche clinique de la province de Guangdong. Il a été publié le 7 mai 2024 dans la revue Cell Metabolism.

Déroulement de la recherche

Dans cette étude, les auteurs ont étudié comment le déficit en QDPR entraîne, par le biais de la voie métabolique de la bioptérine, une immunosuppression dans le cancer du pancréas et une résistance aux traitements ICB.

  1. Établissement de modèles cellulaires et animaux

    • Création d’un modèle de souris avec knock-out génétique: en utilisant le système adéné viral associé (AAV)-shQDPR pour réduire l’expression de QDPR de manière spécifique au pancréas.
    • Création de lignées cellulaires pancréatiques humaines et murines : utilisation de la technologie CRISPR/Cas9 pour le knock-out et la surexpression du gène QDPR.
  2. Analyse des caractéristiques métaboliques et immunitaires

    • Étude de la manière dont le manque de QDPR conduit à l’accumulation de dihydrobioptérine (BH2) dans les cellules du cancer pancréatique, réduisant ainsi le rapport tétrahydrobioptérine (BH4)/BH2, et impactant la fonction de la synthase de l’oxyde nitrique, ce qui entraîne une augmentation des niveaux de réactifs oxygénés (ROS).
    • Analyse de l’impact de l’absence de QDPR sur les MDSCs et les cellules T CD8+ dans le microenvironnement tumoral.
  3. Analyse de l’expression génique et du génome épigénétique

    • Utilisation du séquençage de l’ARN monocellulaire (scRNA-seq) et de la technique de coprécipitation chromatine-immunitaire (ChIP) pour analyser l’expression des molécules immunosuppressives et les changements génomiques épigénétiques, en particulier la distribution de H3K27me3 et son rôle dans la régulation de l’expression du gène CXCL1.
  4. Étude de l’immunité tumorale et de l’efficacité des traitements ICB

    • Examen de savoir si la supplémentation en BH4 peut rétablir le rapport BH4/BH2, augmenter l’immunité antitumorale, et ainsi surmonter la résistance à l’ICB induite par le déficit en QDPR.

Principaux résultats de recherche

  1. Déficit en QDPR et pronostic du cancer du pancréas

    • Le niveau d’expression de QDPR chez les patients atteints de cancer du pancréas est significativement inférieur à celui des tissus normaux, et son niveau d’expression est négativement corrélé avec le grade pathologique et la survie des patients.
    • Dans un modèle de souris KO pour QDPR, la croissance tumorale est accélérée, et les lésions de néoplasie intraépithéliale pancréatique (PanIN) et les cellules myéloïdes augmentent sensiblement, tandis que les cellules T CD8+ diminuent significativement.
  2. Établissement d’un microenvironnement immunosuppressif

    • Le manque de QDPR entraîne l’accumulation de MDSCs immunosuppressives dans le microenvironnement tumoral et le dysfonctionnement des cellules T CD8+, dépendant principalement de l’axe CXCL1/CXCR2. Les cellules cancéreuses pancréatiques déficientes en QDPR sécrètent du CXCL1 pour recruter davantage de MDSCs, inhibant ainsi la réponse immunitaire antitumorale.
  3. Régulation épigénomique

    • L’accumulation de BH2 due au déficit en QDPR induit la génération de ROS, réduit la distribution de H3K27me3 au promoteur de CXCL1, entraînant une surexpression du gène CXCL1. Les analyses épigénomiques et de l’ouverture de la chromatine montrent que le déficit en QDPR réduit significativement le niveau de H3K27me3 au promoteur de CXCL1 et augmente l’ouverture chromatineque.
  4. Résistance aux traitements ICB

    • Le PDAC manquant de QDPR montre une résistance notable aux traitements ICB, principalement due au fait que les MDSCs s’accumulent et que les cellules T CD8+ diminuent et deviennent dysfonctionnelles.
  5. Efficacité du traitement par supplémentation en BH4

    • La supplémentation en BH4 peut rétablir le déséquilibre du rapport BH4/BH2 causé par le manque de QDPR, réduire la génération de ROS, augmenter le niveau de H3K27me3, inhiber l’expression de CXCL1, diminuer le recrutement de MDSCs, et accroître le nombre et la fonction des cellules T CD8+, surmontant ainsi la résistance aux traitements ICB.
    • L’utilisation conjointe de BH4 et des traitements ICB montre un effet antitumoral significatif sur les modèles murins, réduisant notablement la croissance du PDAC manquant de QDPR et prolongeant significativement la survie des souris.

Conclusion

L’étude démontre que le manque de QDPR entraîne une immunosuppression dans le cancer du pancréas et une résistance aux traitements ICB en impactant la voie métabolique de la bioptérine, générant des ROS et entraînant une modification épigénomique. La supplémentation en BH4 peut restaurer le métabolisme de la bioptérine, renforcer la réponse immunitaire antitumorale, et ainsi surmonter la résistance aux traitements ICB. Cette étude propose une nouvelle stratégie pour améliorer l’efficacité des traitements ICB et suggère que QDPR pourrait être un biomarqueur prédictif pour ces traitements.

Points focaux de la recherche

  • Le déficit en QDPR dans le cadre du cancer pancréatique est associé à un mauvais pronostic.
  • Le déséquilibre dans le rapport BH4/BH2 causé par le manque de QDPR affecte le niveau de H3K27me3 via la génération de ROS, ce qui favorise l’expression de CXCL1 et recrute les MDSCs, inhibant la fonction des cellules T CD8+.
  • La supplémentation thérapeutique en BH4 peut inverser l’immunosuppression causée par le déficit en QDPR et améliorer l’efficacité des traitements ICB.
  • La suggestion est faite que QDPR pourrait être un biomarqueur prédictif pour les traitements ICB, et offre une nouvelle stratégie de thérapie combinée incluant la supplémentation en BH4.

Cette recherche offre une nouvelle perspective sur l’immunothérapie du cancer pancréatique et fournit une base scientifique pour le développement de futures stratégies thérapeutiques.