Équilibre acido-basique et ses implications sur les comportements phénotypiques du cancer

Le cancer est un problème de santé publique majeur au niveau mondial, dont le processus pathologique complexe et les manifestations diverses ont toujours été un sujet d’étude important. De nombreuses recherches ont montré que le déséquilibre acido-basique joue un rôle crucial dans l’apparition et le développement du cancer, mais les mécanismes sous-jacents ne sont pas encore pleinement compris. Dans cette étude intitulée “Acid–base homeostasis and implications to the phenotypic behaviors of cancer”, les auteurs adoptent une approche de biologie systémique pour explorer la relation entre l’équilibre acido-basique et les comportements phénotypiques du cancer.

Contexte de la recherche

L’homéostasie acido-basique (acid-base homeostasis) est une caractéristique essentielle pour toutes les cellules vivantes afin de maintenir leurs fonctions physiologiques normales. Un déséquilibre prolongé entre le pH intracellulaire (appelé phi) et le pH extracellulaire (appelé phe) peut entraîner diverses maladies. Dans cette étude, les auteurs visent à expliquer, à travers des modèles de calcul et l’analyse de données transcriptomiques, pourquoi le pH intracellulaire des tissus cancéreux tend à être alcalin, tandis que le pH extracellulaire est acide. De plus, les auteurs cherchent à remettre en question l’opinion dominante actuelle selon laquelle l’échangeur Na+/H+, les protéines d’export du lactate et l’anhydrase carbonique sont responsables de l’alcalinisation intracellulaire et de l’acidification extracellulaire dans le cancer.

Source de l’article

Cette étude a été réalisée par Yi Zhou, Wennan Chang, Xiaoyu Lu, Jin Wang, Chi Zhang et Ying Xu. Les institutions impliquées comprennent l’Hôpital conjoint Chine-Japon de l’Université de Jilin, l’Université de Géorgie, l’École de médecine de l’Université d’Indiana, l’Université Purdue, l’Université du Nord-Ouest et l’Université de Stony Brook. L’article a été publié dans le journal “Genomics, Proteomics & Bioinformatics” en 2023, volume 21, pages 1133 à 1148.

Processus de recherche

Déroulement de l’étude

Les auteurs ont mené leur recherche selon les étapes suivantes :

  1. Collecte et traitement des données : Ils ont obtenu des données transcriptomiques de 4750 échantillons de tissus cancéreux humains à partir de la base de données The Cancer Genome Atlas (TCGA), couvrant 9 types de cancer, ainsi que 503 échantillons de contrôle correspondants. Les résultats de l’analyse ont été validés à l’aide de données de séquençage d’ARN unicellulaire.

  2. Établissement du modèle de calcul : Sur la base de recherches antérieures, ils ont établi un modèle de calcul de la réaction de Fenton cellulaire, prédisant le taux moyen de production d’OH- par les réactions d’oxydoréduction, qui perturbent continuellement l’homéostasie du pH intracellulaire.

  3. Analyse de corrélation : Par une analyse de régression linéaire, ils ont exploré la relation entre le niveau de réaction de Fenton et les métabolismes reprogrammés (RMs), étudiant comment ces RMs maintiennent la stabilité du pH en produisant des H+.

  4. Analyse des comportements phénotypiques : Ils ont analysé les comportements phénotypiques induits par la réaction de Fenton et les RMs dans différents types de cancer, y compris le taux de croissance, le taux de métastase et la composition des cellules immunitaires.

Détails expérimentaux

  1. Échantillons et outils d’analyse : Utilisation des données de séquençage d’ARN de la base TCGA et de séquençage d’ARN unicellulaire, avec l’analyse d’enrichissement de gènes sur échantillon unique (ssGSEA) pour évaluer les niveaux d’expression des différents métabolismes reprogrammés dans le cancer.

  2. Estimation de la réaction de Fenton : Les réactifs clés utilisés pour estimer le niveau de réaction de Fenton comprennent le peroxyde d’hydrogène (H2O2), le superoxyde (O2-) et Fe2+, ainsi que leurs relations réactionnelles.

  3. Algorithmes et outils : Utilisation de l’algorithme de réseau neuronal graphique (scFEA) pour calculer le niveau de flux métabolique de chaque échantillon, afin d’estimer le taux de réaction de Fenton.

  4. Analyse de régression et construction de modèles : Utilisation d’analyses de régression linéaire et de méthodes de régularisation L1 pour établir des modèles d’association entre la réaction de Fenton et les RMs, et test de la capacité prédictive de ces modèles dans différents types de cancer.

Principaux résultats

  1. Remise en question de l’hypothèse d’alcalinisation intracellulaire et d’acidification : Les résultats expérimentaux montrent que l’échangeur Na+/H+ n’est pas significativement surexprimé dans la plupart des types de cancer, contrairement à l’opinion généralement admise. De plus, les protéines d’export du lactate et l’anhydrase carbonique n’expliquent pas non plus le phénomène d’alcalinisation intracellulaire.

  2. Confirmation du niveau de réaction de Fenton : L’analyse de 9 types de cancer a révélé que le niveau de réaction de Fenton cellulaire était significativement plus élevé dans tous les types de cancer par rapport aux groupes de contrôle, ces réactions perturbant continuellement la stabilité du pH intracellulaire en produisant des OH-.

  3. Identification des métabolismes reprogrammés : 43 RMs ont été identifiés, dont les voies métaboliques produisent des H+ qui peuvent neutraliser les OH- générés par la réaction de Fenton, maintenant ainsi la stabilité du pH intracellulaire. Ces métabolismes reprogrammés jouent un rôle important dans différents types de cancer.

  4. Explication des comportements phénotypiques : L’étude montre que le niveau de réaction de Fenton cellulaire est étroitement lié aux taux de croissance et de métastase du cancer. Les types de cancer à régénération et prolifération rapides ont tendance à avoir des niveaux plus élevés de réaction de Fenton.

Conclusions et signification

Cette étude propose un cadre unifié pour l’étude systémique du stress inducteur du cancer, de la reprogrammation métabolique adaptative et des comportements cancéreux. Les résultats montrent que la réaction de Fenton et les métabolismes reprogrammés jouent un rôle non négligeable dans le cancer. Ce cadre permet d’expliquer les phénomènes d’alcalinisation intracellulaire et d’acidification extracellulaire que l’opinion dominante actuelle ne parvient pas à résoudre. De plus, cette étude offre une nouvelle perspective sur les mécanismes de croissance et de métastase du cancer, apportant de nouvelles pistes pour le traitement du cancer et le développement de médicaments.

Points forts de la recherche

  1. Remise en question des hypothèses traditionnelles : L’étude remet en question le rôle de l’échangeur Na+/H+ et des protéines d’export du lactate dans la régulation du pH cellulaire, apportant de nouvelles preuves à l’opinion dominante.

  2. Cadre unifié : Un cadre unifié des comportements phénotypiques du cancer a été établi à travers la réaction de Fenton et les métabolismes reprogrammés, répondant à de nombreuses questions non résolues.

  3. Analyse de diversité : L’étude couvre 9 types de cancer différents, fournissant un large soutien et une validation des données, assurant la fiabilité des résultats de recherche.

  4. Innovation dans les méthodes de calcul : L’utilisation d’algorithmes avancés de réseaux neuronaux graphiques a permis une estimation précise des flux métaboliques, améliorant la précision et la fiabilité de l’étude.

Cette recherche offre non seulement une nouvelle perspective pour comprendre les mécanismes biologiques du cancer, mais apporte également de nouveaux espoirs pour les futures recherches et stratégies thérapeutiques anticancéreuses.