Les Aberrations D'apprentissage Différentes Relient aux Croyances de Type Illusion avec des Contenus Différents

Étude sur la relation entre différentes anomalies d’apprentissage et les croyances délirantes de différents contenus

Contexte de la recherche

Les délires (delusions) sont une caractéristique majeure des troubles psychiatriques (comme la schizophrénie, les troubles bipolaires, la dépression et certaines maladies neurologiques et auto-immunes). Bien que les délires se manifestent cliniquement comme une croyance erronée fixe, le lien entre la phénoménologie et les mécanismes cérébraux et psychologiques des délires de différents contenus reste à clarifier. Le développement de la psychiatrie computationnelle (computational psychiatry) nous offre une nouvelle voie de recherche pour mieux expliquer les mécanismes des délires. Cependant, les théories actuelles de l’erreur de prédiction restent insuffisantes pour expliquer les délires de différents contenus.

Objectif de la recherche

Cette étude vise à comprendre la relation entre les croyances délirantes et les mécanismes d’apprentissage, en particulier le rôle du signal d’erreur de prédiction dans ce processus, en comparant l’apprentissage dans différentes tâches cognitives. Spécifiquement, cette étude utilise une tâche d’apprentissage probabiliste inversé (Probabilistic Reversal Learning, PRL) et une tâche de blocage Kamin pour explorer leurs relations respectives avec les croyances délirantes.

Source de l’article

Cette recherche a été réalisée conjointement par plusieurs chercheurs, notamment Rosa Rossi-Goldthorpe, Steven M. Silverstein et James M. Gold, de l’Université Yale, du Centre médical de l’Université de Rochester et de l’École de médecine de l’Université du Maryland, entre autres. L’article a été publié le 18 avril 2024 dans la revue Brain, en accès libre.

Flux de travail

Participants et méthodes

L’étude a porté sur 452 participants, dont 181 à haut risque clinique (CHR), 161 contrôles demandant de l’aide (HSC) et 110 contrôles sains (HC). En raison de la pandémie de COVID-19, toutes les données ont été collectées à distance. Toutes les tâches comportementales ont été administrées via une plateforme en ligne, avec des assistants de recherche guidant les participants tout au long du processus. L’étude a été approuvée par les comités d’éthique de toutes les institutions participantes et tous les participants ont donné leur consentement écrit.

Tâches comportementales

Tâche de blocage

La tâche de blocage comprenait trois phases: apprentissage, blocage et test. Les participants devaient apprendre les relations causales fictives des allergies alimentaires de patients. Un modèle d’apprentissage Rescorla-Wagner classique mettait à jour une matrice de poids appliquée à chaque essai. Pour les essais à stimuli composés, le poids était une combinaison de tous les indices présents.

Tâche d’apprentissage probabiliste inversé (PRL)

Dans la tâche PRL, les participants devaient choisir parmi trois jeux de cartes celui avec la plus forte probabilité de gain. La tâche comportait deux phases avec 160 essais au total. Un modèle de filtre gaussien hiérarchique (HGF) a été ajusté, décrivant les croyances des participants sur les changements environnementaux via des taux d’apprentissage hiérarchiques.

Analyses des données

Des analyses de variance à mesures répétées ont comparé les taux de changement de pari après un gain (win-switch rate, WSR) et les paramètres du HGF entre les groupes. Pour tenter d’identifier les mécanismes d’apprentissage spécifiquement liés au contenu délirant, l’équipe a analysé les liens entre les performances comportementales et les paramètres des modèles dans les tâches de blocage et de PRL.

Résultats principaux

Apprentissage probabiliste inversé

Dans la tâche PRL, des niveaux élevés de paranoïa étaient significativement associés à des changements de pari irréguliers après un gain (win-switching erratique). Au niveau des paramètres du modèle, la paranoïa était liée à une moindre flexibilité d’apprentissage dans le traitement de la volatilité.

Blocage Kamin

Les individus avec des niveaux élevés de paranoïa ont montré une réponse “d’hypersensibilité” accrue dans la tâche de blocage, suggérant un déficit d’apprentissage des indices de blocage. Ils présentaient également des déficits d’apprentissage des indices de contrôle. À l’inverse, les individus avec des croyances délirantes non paranoïaques présentaient des anomalies d’apprentissage des indices de blocage mais un apprentissage préservé des indices de contrôle.

Conclusions

Les principales conclusions de cette étude sont les suivantes: 1. La paranoïa et d’autres types de croyances délirantes impliquent des mécanismes d’apprentissage différents. Cette découverte indique que le contenu délirant pourrait se former via différents déficits d’apprentissage. 2. Les individus paranoïaques montrent une moindre flexibilité d’apprentissage face aux changements environnementaux, tandis que les individus avec des croyances délirantes non paranoïaques présentent des déficits d’apprentissage sélectifs spécifiques.

Valeur scientifique et applicative

Cette étude offre une nouvelle perspective pour comprendre les différents types de délires, révélant la relation complexe entre l’erreur de prédiction et le contenu délirant. En utilisant des tâches comportementales et des modèles computationnels, cette étude non seulement apporte un soutien théorique aux explications des mécanismes délirants, mais offre également une valeur applicative potentielle pour le développement de traitements ciblant des contenus délirants spécifiques.

Points forts de la recherche

  1. C’est la première étude à utiliser deux tâches cognitives différentes pour explorer la relation entre les anomalies d’apprentissage et le contenu délirant, révélant des différences significatives dans les mécanismes d’apprentissage entre la paranoïa et les croyances délirantes non paranoïaques.
  2. L’étude combine données comportementales et modèles computationnels, fournissant une compréhension plus complète et approfondie de la formation du contenu délirant.
  3. Les résultats montrent que la paranoïa est liée à une moindre flexibilité dans le traitement de la volatilité, tandis que les croyances délirantes non paranoïaques sont liées à des déficits d’apprentissage sélectifs spécifiques, ce qui a des implications importantes pour le traitement futur des délires.

Perspectives

Des recherches futures pourraient explorer plus avant les différences entre les contenus délirants à différents niveaux de mécanismes psychologiques et neuronaux, et examiner les applications des modèles computationnels pour prédire et intervenir sur les délires. De plus, une subdivision détaillée des différentes dimensions symptomatiques pourrait fournir davantage de bases pour des traitements personnalisés et précis.