Modélisation de l'axe de conduction atrioventriculaire en utilisant des assembloïdes cardiaques dérivés de cellules souches pluripotentes humaines

Modélisation de l’axe de conduction auriculo-ventriculaire basée sur des assemblages dérivés de cellules souches pluripotentes humaines

Contexte de l’étude

L’axe de conduction auriculo-ventriculaire (AV) est responsable de la conduction électrique entre les oreillettes et les ventricules, constituant un élément central du système électrophysiologique cardiaque. Le délai dans la conduction auriculo-ventriculaire assure la contraction coordonnée des oreillettes et des ventricules afin de maintenir un flux sanguin normal. Les cardiomyocytes de la région du nœud auriculo-ventriculaire possèdent une caractéristique de conduction impulsionnelle lente, ce délai étant crucial pour le remplissage sanguin. Les dysfonctionnements du système de conduction auriculo-ventriculaire peuvent conduire à de graves troubles du rythme et des contractions, tels que le bloc auriculo-ventriculaire. Cependant, les modèles d’étude actuels, comme ceux des souris et des poissons zèbres, présentent des limitations dans la modélisation des caractéristiques clés du système de conduction auriculo-ventriculaire humain, rendant nécessaire le développement d’un modèle humain plus pertinent sur le plan physiologique pour étudier la pathologie de la région du nœud AV.

Objectif et méthode de l’étude

À cette fin, Jiuru Li et ses collaborateurs ont utilisé des assemblages cardiaques dérivés de cellules souches pluripotentes induites humaines (hiPSCs) pour modéliser l’axe de conduction auriculo-ventriculaire, explorant ainsi les mécanismes fonctionnels et pathologiques associés à ce système de conduction. L’équipe de recherche, provenant du Centre Médical de l’Université d’Amsterdam et de l’Institut de Recherche Cardiovasculaire d’Amsterdam, a publié ses résultats dans la revue « Cell Stem Cell ». L’étude se concentre sur l’induction de la différenciation des cellules du mésoderme cardiaque en cardiomyocytes du tube auriculo-ventriculaire (AVCMs) via Wnt2 et l’acide rétinoïque (RA) et recrée l’axe de conduction auriculo-ventriculaire à travers un système tissulaire multi-composants, validant son efficacité dans la modélisation d’arythmies complexes telles que le bloc auriculo-ventriculaire.

Processus de l’étude

Cette étude a utilisé la méthode de différenciation guidée en monocouche pour générer les cardiomyocytes du tube auriculo-ventriculaire, en traitant les hiPSCs avec Wnt2 et RA au jour 4 pour diriger leur différenciation en cardiomyocytes du tube auriculo-ventriculaire. Autour du jour 10, tous les sous-types de cardiomyocytes (y compris le nœud auriculo-ventriculaire, auriculaire, et ventriculaire) présentaient une contraction évidente. Les tests de cytométrie en flux réalisés aux jours 18-20 ont montré que 70%-90% des cardiomyocytes différenciés exprimaient la protéine TNNT2, indiquant le succès de la différenciation.

Pour vérifier davantage l’identité de ces cellules, l’équipe de recherche a analysé le transcriptome des cellules différenciées par séquençage de l’ARN unicellulaire (scRNA-seq) et a constaté que les cardiomyocytes traités avec Wnt2 et RA démontraient une expression génique proche des cardiomyocytes du tube auriculo-ventriculaire in situ, affichant des niveaux d’expression significativement plus élevés de gènes spécifiques tels que TBX2, TBX3, manifestant des caractéristiques de AVCMs. De plus, les chercheurs ont reproduit les expériences avec différentes lignées hiPSC pour garantir la reproductibilité du processus de différenciation.

Résultats de l’étude

L’étude a montré que le traitement par Wnt2 et RA a efficacement différencié les hiPSCs en cardiomyocytes ayant les caractéristiques du tube auriculo-ventriculaire, similaires aux cellules du nœud auriculo-ventriculaire in situ, tant au niveau de l’expression génique que des caractéristiques électrophysiologiques. Les propriétés électrophysiologiques des AVCMs ont été évaluées à l’aide de patch-clamp sur cellule unique, révélant des caractéristiques notables en termes de vitesse de dépolarisation, de durée de potentiel d’action et d’homéostasie calcique, validant davantage leur identité en tant que cardiomyocytes de la région du nœud AV.

Pour simuler plus fidèlement l’axe de conduction auriculo-ventriculaire, l’équipe de recherche a cultivé différents sous-types de cardiomyocytes (y compris auriculaires, du tube auriculo-ventriculaire, et ventriculaires) en sphéroïdes tridimensionnels, formant ce qu’on appelle des « assemblages cardiaques ». Dans ces assemblages, l’impulsion électrique se propage de l’extrémité auriculaire à l’extrémité ventriculaire, manifestant le même mode de conduction rapide-lente-rapide que dans le corps. Des colorations immunofluorescentes supplémentaires ont confirmé les modèles d’expression spécifiques des cellules dans les différentes régions, montrant l’authenticité du modèle d’axe de conduction auriculo-ventriculaire.

Étude pathologique de la mutation du gène LMNA

L’étude a également exploré le mécanisme pathologique du bloc auriculo-ventriculaire induit par la mutation du gène LMNA. La mutation du gène LMNA est connue pour être associée avec des arythmies telles que le bloc auriculo-ventriculaire. Les chercheurs ont isolé des hiPSCs de patients porteurs de mutations LMNA, généré des AVCMs et construit des assemblages, découvrant que ces assemblages mutants présentent un blocage de conduction impulsionnelle à des fréquences plus élevées (2Hz et 3Hz). Une analyse plus approfondie a révélé que les AVCMs mutants présentaient des anomalies dans la gestion calcique, caractérisées principalement par une libération excessive de calcium et un retard dans la décroissance des transitoires calciques, conduisant à une dépolarisation trop lente des cardiomyocytes, ce qui pourrait constituer la base du bloc auriculo-ventriculaire.

Pour résoudre ce problème, l’équipe de recherche a tenté d’utiliser la molécule chimique S107 pour réduire les fuites calciques, découvrant qu’elle pouvait effectivement réduire la dépolarisation anormale et atténuer le bloc auriculo-ventriculaire, vérifiant ainsi sa valeur thérapeutique potentielle.

Conclusion et signification

Cette étude a démontré que les AVCMs obtenus par différenciation guidée par Wnt2 et RA possèdent les caractéristiques des cardiomyocytes du tube auriculo-ventriculaire in situ, recréant avec succès l’axe de conduction auriculo-ventriculaire dans les assemblages tridimensionnels. La méthode de génération des AVCMs est simple et efficace, adaptée à plusieurs lignées hiPSC, avec un grand potentiel d’application. Ce modèle peut non seulement être utilisé pour simuler les pathologies des arythmies complexes, mais offre également de nouveaux moyens de recherche pour comprendre les mécanismes biologiques fondamentaux de la région du nœud AV.

Points forts de l’étude

  1. Construction du modèle de l’axe de conduction auriculo-ventriculaire : Le modèle d’assemblage de AVCMs dérivés de cellules pluripotentes reproduit de manière réaliste le mode de conduction rapide-lente-rapide de l’axe de conduction auriculo-ventriculaire, constituant un outil puissant pour l’étude de la pathologie de la conduction auriculo-ventriculaire.
  2. Étude des mutations génétiques : L’assemblage basé sur la mutation du gène LMNA a révélé un blocage de conduction causé par des anomalies de l’homéostasie calcique, offrant des perspectives nouvelles pour l’étude des causes des arythmies complexes.
  3. Cible thérapeutique potentielle : La recherche montre que le régulateur de l’homéostasie calcique S107 joue un rôle dans l’atténuation du bloc auriculo-ventriculaire, offrant de nouvelles pistes d’intervention pour les pathologies du nœud AV.

Limites de l’étude

Bien que cette étude ait construit un modèle d’axe de conduction auriculo-ventriculaire semblable à celui in situ, le modèle manque de cellules non cardiaques de la région du nœud AV (comme les fibroblastes et les cellules endothéliales), il pourrait donc être envisagé d’améliorer la complexité du modèle à l’aide de méthodes telles que l’impression biologique tridimensionnelle. De plus, les cardiomyocytes dérivés des hiPSCs ne sont pas encore matures comparés aux cardiomyocytes adultes, ce qui constitue une direction essentielle pour les recherches futures.

Résumé

Cette recherche innove en construisant un modèle fonctionnel d’axe de conduction auriculo-ventriculaire à partir de cellules souches pluripotentes humaines, fournissant un outil puissant pour étudier les processus physiologiques et pathologiques du système de conduction cardiaque. En simulant la pathologie des arythmies liées à des mutations génétiques et en testant des stratégies thérapeutiques potentielles, cette plateforme montre un potentiel énorme pour l’étude des maladies cardiaques complexes.