La thérapie antisens GYS1 empêche les agrégats pathogènes et les décharges épileptiformes dans un modèle murin de la maladie de Lafora

Thérapie antisens ciblant GYS1 : Prévention des agrégats pathogènes et des décharges épileptiformes dans un modèle murin de la maladie de Lafora

Contexte et Objectifs de l’Étude

La maladie de Lafora (Lafora Disease, LD) est une pathologie autosomique récessive dévastatrice, caractérisée par des crises d’épilepsie et une démence rapidement évolutive chez les adolescents. Les mutations des gènes EPM2A ou EPM2B, codant respectivement pour la phosphatase du glycogène Laforine et l’ubiquitine-ligase E3 Maline, provoquent des accumulations de molécules de glycogène anormales, appelées corps de Lafora (Lafora Bodies, LBs). Ces accumulations, en particulier dans le cerveau, entraînent des crises d’épilepsie et des neurodégénérescences progressives. À ce jour, aucun traitement curatif n’est disponible, et la maladie est fatale environ 11 ans après les premiers symptômes.

Les recherches récentes ont montré qu’une réduction de la synthèse du glycogène pouvait limiter l’accumulation de LBs et leurs effets pathologiques. Cette étude cible la glycogène synthase 1 (Glycogen Synthase 1, GYS1) avec un oligonucléotide antisens (Antisense Oligonucleotide, ASO) pour réduire spécifiquement l’expression cérébrale de GYS1 et évaluer son efficacité chez un modèle murin KO EPM2B.

Équipe de Recherche et Publication

Cette recherche collaborative implique des institutions prestigieuses, notamment le département de biochimie moléculaire et cellulaire de l’Université du Kentucky, le département de recherche en pharmacologie antisens de Ionis Pharmaceuticals et le département des neurosciences de l’Université de Floride. L’article est publié dans la revue Neurotherapeutics (Volume 20, 2023), marquant une avancée majeure dans le traitement potentiel de la maladie de Lafora.

Méthodes et Protocole

Cette étude a utilisé des souris KO EPM2B pour évaluer la distribution et l’efficacité thérapeutique du GYS1-ASO. Les étapes expérimentales clés incluent :

  1. Administration d’ASO : Injections intracérébroventriculaires (ICV) de GYS1-ASO à 4, 7 et 10 mois. Les tissus cérébraux des souris ont été prélevés à 13 mois pour analyses.

  2. Analyse de l’expression de l’ARNm et des protéines : La transcription de GYS1 a été mesurée par RT-PCR quantitative (qRT-PCR), et l’expression protéique par Western Blot et immunohistochimie.

  3. Quantification de l’accumulation de glycogène : L’utilisation de colorations PAS, d’anticorps spécifiques et d’une imagerie couplée à la spectrométrie de masse MALDI a permis d’évaluer les niveaux de glycogène et la distribution des LBs dans le cerveau.

  4. Mesure de l’excitabilité neuronale : Une analyse électrophysiologique via une matrice multi-électrodes (MEA) a mesuré les taux de décharges épileptiformes (ED) et d’activité spontanée (SF) dans des tranches hippocampiques.

  5. Analyse statistique : Comparaisons par ANOVA unidirectionnelle et modèles à effets mixtes, permettant d’évaluer la significativité des différences entre groupes expérimentaux.

Résultats Principaux

  1. Réduction significative de GYS1 : Le GYS1-ASO a diminué les niveaux d’ARNm et de protéines de GYS1 dans toutes les régions cérébrales.

  2. Diminution des agrégats de glycogène : Les souris traitées ont présenté une réduction significative de l’accumulation de glycogène et des LBs dans l’hippocampe et le cervelet.

  3. Réduction des décharges épileptiformes : Les souris KO EPM2B traitées ont montré une diminution des ED comparé aux souris contrôles non traitées.

  4. Impact limité sur l’inflammation : Aucun changement significatif des marqueurs neuroinflammatoires n’a été observé, probablement en raison de l’administration tardive du traitement.

Portée et Contribution

  1. Nouvelle stratégie thérapeutique : Le ciblage du GYS1 par ASO offre une approche innovante pour ralentir la progression de la maladie de Lafora.

  2. Applicabilité large : Le traitement est efficace pour les mutations des gènes EPM2A et EPM2B, englobant l’ensemble des patients atteints de LD.

  3. Potentiel pour des thérapies combinées : Le GYS1-ASO peut être combiné avec d’autres traitements visant à éliminer les LBs existants.

  4. Profil de sécurité favorable : Une réduction de 50 % de la synthèse de glycogène n’entraîne pas d’effets indésirables chez les souris saines, facilitant ainsi la transition clinique.

Points Forts de l’Étude

  • Distribution cérébrale homogène du GYS1-ASO, avec des effets inhibiteurs étendus.
  • Validation expérimentale par des méthodes avancées (PAS, immunohistochimie, spectrométrie MALDI).
  • Preuve de concept solide pour des applications cliniques.

Perspectives Futures

Des recherches supplémentaires exploreront les fenêtres optimales pour le traitement et l’effet potentiel du GYS1-ASO sur les tissus périphériques. En parallèle, des combinaisons thérapeutiques intégrant des agents dégradant les LBs pourraient offrir des solutions complètes aux patients atteints de LD.