Évaluation de l'épuisement durable des cellules B et de l'activité de la maladie dans une cohorte française de sclérose en plaques traitée par thérapie intraveineuse anti-CD20 à long terme
Évaluation de l’efficacité du traitement par anticorps anti-CD20 intraveineux à long terme chez les patients français atteints de sclérose en plaques
Contexte et motivation de l’étude
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie inflammatoire chronique démyélinisante qui affecte le système nerveux central, entraînant des degrés variés d’incapacités physiques et cognitives. Ces dernières années, les essais cliniques de phase II et III sur les thérapies de déplétion sélective des lymphocytes B ciblant l’antigène CD20 des lymphocytes B (BCDT, B-Cell Depleting Therapy) administrées par voie intraveineuse (IV) ont radicalement modifié la prise en charge de la SEP récurrente-rémittente (RMS) et de la SEP progressive active (PMS). Cependant, les recherches sur l’effet d’une déplétion persistante des lymphocytes B sur la stabilité clinique et radiologique sont encore limitées.
Bien que certaines études aient exploré la réduction des doses de BCD ou l’allongement des intervalles entre les doses, l’efficacité prédictive de la déplétion des lymphocytes B pour contrôler l’activité de la maladie reste incertaine. De plus, un traitement prolongé par anti-CD20 peut augmenter le risque d’infections graves, notamment d’hypogammaglobulinémie et de lymphocytopénie. Dans ce contexte, cette étude vise à évaluer l’efficacité et la sécurité à long terme des traitements par anticorps anti-CD20 chez les patients atteints de SEP.
Origine de l’étude et méthodologie
Cette étude a été menée par le Centre d’expertise SEP de l’hôpital universitaire de Lille (CHU Lille) en France. Les données ont été collectées entre janvier 2014 et septembre 2021. L’article, rédigé par Sean A. Freeman et son équipe, a été publié dans Neurotherapeutics (vol. 20, 2023).
L’étude a suivi un design monocentrique et rétrospectif, incluant 192 patients atteints de SEP ayant reçu au moins trois cycles de traitement par BCD pendant plus d’un an. Les patients inclus représentaient différentes phénotypes cliniques : - SEP récurrente-rémittente (RMS, 62,5 %), - SEP secondairement progressive (SPMS, 17,7 %), - SEP primaire progressive (PPMS, 19,8 %).
Les objectifs principaux étaient : - Évaluer les taux d’atteinte des statuts NEDA-3 (No Evidence of Disease Activity) et MEDA (Minimal Evidence of Disease Activity). - Analyser la persistance de la déplétion des lymphocytes B. - Étudier la fréquence des événements indésirables graves (SAE) et leurs déterminants.
Les données cliniques et radiologiques ont été recueillies grâce à des examens IRM cérébraux et médullaires, ainsi qu’à l’échelle de statut de handicap élargi (EDSS).
Conception de l’étude et méthodologie expérimentale
1. Groupes de patients et schémas thérapeutiques
Les patients ont été répartis selon leur phénotype de SEP. Les traitements incluaient : - L’ocreli<|meta_end|>zumab ou le rituximab administrés à une dose fixe (600 mg) toutes les 6 mois. - La collecte d’informations sur l’activité de la maladie avant traitement (y compris l’activité IRM et le taux annuel de rechutes).
2. Collecte des données et analyses
Les données comprenaient : - Déplétion des lymphocytes B : évaluée via les proportions de cellules CD19+. - Niveaux d’immunoglobulines (Ig) : surveillance des variations dynamiques d’IgA, IgG et IgM. - Sous-ensembles de lymphocytes : y compris les cellules T CD4+ et CD8+, ainsi que les cellules NK. - Données sur les SAE : enregistrements d’infections nécessitant une hospitalisation.
3. Analyses statistiques
Des tests statistiques tels que le test de Mann-Whitney, le test exact de Fisher et des corrections de Bonferroni ont été utilisés pour analyser les données et contrôler les comparaisons multiples.
Principaux résultats de l’étude
1. Taux d’atteinte des statuts NEDA-3 et MEDA
- À 18 mois, 84,2 % des patients ont atteint le statut NEDA-3, et 96,9 % ont atteint le statut MEDA.
- À 12 mois, l’échec d’atteinte du statut NEDA-3 était principalement dû à une activité IRM montrant de nouvelles lésions.
2. Persistance de la déplétion des lymphocytes B
- À 18 mois, 85,8 % des patients présentaient une déplétion persistante des lymphocytes B CD19+. Toutefois, cette persistance n’était pas prédictive de la stabilité clinique ou radiologique.
3. Dynamique des niveaux d’immunoglobulines
- Les niveaux d’IgM diminuaient significativement dès 6 mois après le début du traitement.
- Une réduction significative des IgG a été observée à partir de 30 mois.
- Les IgA étaient également réduites après 42 mois de traitement.
4. SAE et risques associés
- Les SAE étaient rares, avec un taux de 4,04/100 patients-années. Les infections des voies urinaires représentaient 42,8 % des cas.
- Les SAE étaient associés à une durée de traitement plus longue, ce qui suggère un effet cumulatif.
5. Impact des traitements lymphocytopéniants antérieurs (LIT)
- Les patients ayant reçu des LIT avant le traitement par BCD présentaient des comptes de lymphocytes T réduits avant et pendant les premières phases du traitement.
- Ces patients présentaient également une prévalence accrue de l’hypogammaglobulinémie IgG après 30 mois.
Conclusions de l’étude
Cette étude montre que le traitement à long terme par anticorps anti-CD20 permet d’obtenir un contrôle élevé de la maladie chez les patients atteints de SEP, notamment après 18 mois de traitement. Cependant, la déplétion persistante des lymphocytes B seule ne suffit pas pour prédire le contrôle de la maladie. Les résultats confirment que les traitements prolongés sont associés à des hypogammaglobulinémies significatives et à un risque accru de SAE.
Ces données suggèrent qu’une révision des protocoles thérapeutiques après 18 mois pourrait réduire les risques tout en maintenant l’efficacité clinique. Des recherches futures devraient se concentrer sur la dynamique des sous-populations de lymphocytes B et l’effet des LIT précédents pour optimiser les stratégies thérapeutiques personnalisées.
Signification de l’étude
Cette recherche apporte des perspectives importantes sur l’optimisation des traitements à long terme par BCD chez les patients atteints de SEP. Elle met en évidence le rôle crucial des biomarqueurs, tels que les niveaux d’Ig et les sous-ensembles de lymphocytes, pour guider les décisions thérapeutiques. Ces résultats contribuent à améliorer la prise en charge des patients tout en minimisant les effets indésirables.